Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 14 janvier 2019, M. D..., représenté par
Me C..., avocat, demande à la cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;
3° d'enjoindre au préfet des Hauts-de-Seine de procéder à un nouvel examen de sa situation personnelle, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4° de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
S'agissant de la régularité du jugement :
- le premier juge ne l'a pas été invité à présenter des observations orales, alors même qu'il s'est présenté à l'audience ;
- l'obligation de quitter le territoire est entachée d'insuffisance de motivation et de défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ;
- elle méconnaît aussi le droit d'être entendu garanti par l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'union européenne ;
- elle est entachée d'une erreur de fait ;
- elle méconnaît également les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant ;
- la décision portant interdiction de retour est entachée d'insuffisance de motivation et de défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ;
- elle méconnaît aussi les dispositions de l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale des Nations-Unies relative aux droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. E...,
- et les observations de Me B... substituant Me C..., pour M. D....
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 20 août 2018, le préfet des Hauts-de-Seine a obligé M. D..., ressortissant marocain né le 15 avril 1974 à Tiznit (Maroc), à quitter sans délai le territoire français à destination du pays dont il a la nationalité et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. M. D... relève appel du jugement du 17 décembre 2018 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. D'une part, aux termes de l'article R. 776-24 du code de justice administrative :" Après le rapport fait par le président du tribunal administratif ou par le magistrat désigné, les parties peuvent présenter en personne ou par un avocat des observations orales. Elles peuvent également produire des documents à l'appui de leurs conclusions. Si ces documents apportent des éléments nouveaux, le magistrat demande à l'autre partie de les examiner et de lui faire part à l'audience de ses observations ". D'autre part, aux termes de l'article R.741-2 du même code : " La décision mentionne que l'audience a été publique, sauf s'il a été fait application des dispositions de l'article L. 731-1. Dans ce dernier cas, il est mentionné que l'audience a eu lieu ou s'est poursuivie hors la présence du public. Elle contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application. Mention y est faite que le rapporteur et le rapporteur public et, s'il y a lieu, les parties, leurs mandataires ou défenseurs ainsi que toute personne entendue sur décision du président en vertu du troisième alinéa de l'article R. 732-1 ont été entendus. ".
3. M. D... soutient que le magistrat désigné du tribunal administratif de Montreuil ne l'a pas mis à même de présenter ses observations orales, alors qu'il était présent à l'audience. Toutefois, d'une part, le jugement contesté mentionne que " Les parties n'étaient ni présentes ni représentées " et, d'autre part, M. D... ne justifie pas, par la seule production de la note en délibéré qu'il avait présentée à l'occasion de cette instance, aux termes de laquelle son conseil reconnait d'ailleurs être arrivé en retard au tribunal, avoir été effectivement présent à l'audience et demandé à être entendu. Par suite, le moyen doit être écarté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
4. En premier lieu, aux termes des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration, les décisions administratives individuelles défavorables qui constituent une mesure de police, doivent être motivées et " comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ". Aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger (...), lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée (...) ".
5. L'arrêté en litige portant obligation de quitter le territoire français, vise les stipulations des articles 3 et 8 e la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et vise également les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont le préfet a fait application, en particulier l'article L. 511-1-I-1° de ce code. Il mentionne, notamment, que l'intéressé, qui a déclaré être entré en France en 2012 sans être en possession d'un visa, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour. Il précise que l'intéressé est marié à une étrangère possédant un titre de séjour, mais qui est inconnue des services préfectoraux sous l'identité déclarée et que leurs enfants mineurs ne sont pas scolarisés. L'arrêté indique, en outre, que ses liens personnels et familiaux en France ne sont pas anciens, intenses et stables, alors qu'il a vécu dans son pays d'origine jusqu'à l'âge de trente-huit ans. Le moyen tiré de l'insuffisance de la motivation de cette décision doit ainsi être écarté. Il en va de même, pour les mêmes motifs, du moyen tiré du défaut d'examen particulier, sans qu'y fasse obstacle la circonstance que le préfet n'aurait pas rappelé l'ensemble des circonstances caractérisant la situation personnelle de M. D....
6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. / Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre (...) ". Il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union. Il appartient aux Etats membres, dans le cadre de leur autonomie procédurale, de déterminer les conditions dans lesquelles le respect de ce droit est assuré. Ce droit se définit comme celui de toute personne de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d'une procédure administrative avant l'adoption de toute décision susceptible d'affecter de manière défavorable ses intérêts. Il ne saurait cependant être interprété en ce sens que l'autorité nationale compétente est tenue, dans tous les cas, d'entendre l'intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause.
7. Le droit d'être entendu implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger des décisions portant obligation de quitter le territoire français sans délai et interdiction d'y retourner, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur les mesures envisagées avant qu'elles n'interviennent. Enfin, selon la jurisprudence de la Cour de justice de 1'Union européenne relative à la violation des droits de la défense, en particulier du droit d'être entendu, rappelée notamment au point 38 de la décision C-383/13 PPU du 10 septembre 2013, une atteinte à ce droit n'est susceptible d'affecter la régularité de la procédure à l'issue de laquelle des décisions faisant grief sont prises que si la personne concernée a été privée de la possibilité de présenter des éléments pertinents qui auraient pu influer sur le contenu des décisions.
8. En l'espèce et, notamment, en l'absence de mémoire en défense du préfet des Hauts-de-Seine, il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme D... ait été informée de l'intention du préfet des Hauts-de-Seine de prendre une mesure d'éloignement, sans délai pour l'exécuter volontairement, ainsi qu'une décision d'interdiction de retour sur le territoire français. Il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier que les arguments qu'aurait pu invoquer M. D..., notamment celui relatif à la situation régulière de son épouse, avec laquelle il a contracté mariage, le 22 octobre 2015, constitueraient des éléments pertinents pouvant influer sur le contenu des décisions prises le 20 août 2018, en particulier celle portant obligation de quitter le territoire français, alors que la vie privée et familiale de l'intéressé sur le territoire national est récente. Par suite, le moyen doit être écarté.
9. En troisième lieu, M. D... ne peut utilement soutenir que la décision litigieuse méconnaîtrait les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que la décision en cause est une mesure d'éloignement et non une décision de refus de délivrance d'un titre de séjour.
10. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ".
11. M. D... fait valoir qu'il réside en France depuis 2012, qu'il est marié depuis le 22 octobre 2015 à une compatriote en situation régulière avec laquelle il partage un logement, qu'un premier enfant est né de leur union en décembre 2017 et que son épouse était enceinte à la date de l'arrêté en litige. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que d'une part, M. D... justifie par des éléments suffisamment cohérents d'une communauté de vie entretenue avec son épouse à des adresses situées à la Courneuve, puis à Cagny qu'à partir de l'année 2017 et que son épouse n'a obtenu qu'un titre de séjour d'un an, délivré en qualité de salariée, que le 22 février 2018. Les pièces nouvelles versées en appel, notamment la seule facture EDF du 16 mars 2016, ne sont pas de nature à démontrer la communauté de vie antérieure, alors que certaines pièces relatives à cette période mentionnent une adresse de M. D... à Paris. D'autre part, M. D... ne démontre la continuité de son séjour que depuis 2014 et n'établit ni une insertion particulière sur le territoire français, ni être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, dans lequel il a résidé jusqu'à l'âge de trente-huit ans au moins. Eu égard au caractère récent de la vie privée et familiale de l'appelant en France, au bas âge de son premier enfant et la circonstance que le second n'était pas né à la date de l'arrêté litigieux, M. D... ne justifie pas d'obstacle à la reconstitution de la cellule familiale dans leur pays d'origine. Par suite, M. D... n'est pas fondé à soutenir que la décision l'obligeant à quitter le territoire français porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise, ou aurait porté atteinte à l'intérêt supérieur de son enfant. Pour les mêmes motifs, M. D... n'est pas davantage fondé à soutenir que le préfet des Hauts-de-Seine aurait entaché cette décision d'une erreur manifeste d'appréciation quant à la gravité de ses conséquences sur sa situation personnelle. Par suite, ces moyens doivent être écartés.
12. En cinquième lieu, eu égard aux motifs exposés ci-avant, la circonstance que le préfet des Hauts-de-Seine ait commis une erreur de fait en retenant, à tort, que son épouse était inconnue des services préfectoraux est sans incidence sur la légalité de la décision litigieuse.
En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour :
13. En premier lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) III. L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour (...). La durée de l'interdiction de retour (...) sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ". Il résulte de ces dispositions que lorsque le préfet prend, à l'encontre d'un étranger, une obligation de quitter le territoire français ne comportant aucun délai de départ, il lui appartient d'assortir sa décision d'une interdiction de retour sur le territoire français, sauf dans le cas où des circonstances humanitaires y feraient obstacle seule la durée de cette interdiction de retour doit être appréciée au regard des quatre critères énumérés au III de l'article L. 511-1, à savoir la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, la nature et l'ancienneté de ses liens avec la France, l'existence ou non d'une précédente mesure d'éloignement et, le cas échéant, la menace pour l'ordre public que constitue sa présence sur le territoire.
14. L'arrêté attaqué vise le III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, précise la date alléguée d'entrée en France de M. D... et se réfère aux éléments de la situation familiale de l'intéressé rappelés au point 5. du présent arrêt. Le préfet des Hauts-de-Seine n'étant par ailleurs pas tenu de se prononcer sur chacun des critères mentionnés au III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mais seulement sur ceux qu'il entendait retenir, l'arrêté prononçant une interdiction de retour pour une durée de douze mois est ainsi suffisamment motivé. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet des Hauts-de-Seine, qui n'était pas tenu de rappeler l'ensemble des éléments de fait de la situation personnelle de M. D..., n'aurait pas procédé à un examen sérieux de cette situation avant de prendre cet arrêté. Par suite, les moyens tirés de l'insuffisance de la motivation de la décision en litige et du défaut d'examen de sa situation personnelle doivent être écartés.
15. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 11. du présent arrêt, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne ainsi que de l'erreur manifeste d'appréciation ne peuvent qu'être écartés.
16. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 20 août 2018 du préfet des Hauts-de-Seine. Ses conclusions à fin d'annulation doivent être rejetées de même, par voie de conséquence, que celles présentées aux fins d'injonction et au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
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N° 19VE00130 2