Résumé de la décision
Le département de La Réunion a demandé l’annulation pour excès de pouvoir d’un décret du 24 avril 2017, qui précise le financement d’un fonds exceptionnel d’aide aux départements et collectivités territoriales en difficulté, institué par l'article 131 de la loi n°2016-1918 du 29 décembre 2016. Le Conseil d'État a rejeté la requête, considérant que le décret n'était pas illégal, tant sur le plan de la légalité externe qu’interne. Il a souligné que la consultation des collectivités territoriales n'était pas requise et que le décret respectait le cadre légal établi par la loi. En conséquence, la demande de La Réunion a été rejetée.
Arguments pertinents
Légalité externe du décret
1. Procédure de consultation: « Aucun texte n'imposait la consultation des collectivités territoriales concernées par la mise en place du fonds. » Le Conseil d'État a écarté le moyen selon lequel le décret aurait été adopté irrégulièrement en raison de l’absence de consultation.
2. Motivation du décret: Le décret, déterminant les montants alloués aux enveloppes du fonds, ne constitue pas une décision administrative individuelle. Par conséquent, il ne peut être reproché un manque de motivation. L’article L. 211-2 du Code des relations entre le public et l'administration est précisé et mis en exergue (« Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent »), mais le décret ne le concerne pas.
Légalité interne du décret
3. Domaine de la loi: Le Conseil constitutionnel a déclaré que le législateur n'était pas tenu de fixer lui-même le montant des enveloppes. Ainsi, le décret ne méconnait pas le domaine de loi. Le juge a précisé que « en déterminant le montant des sommes allouées aux enveloppes du fonds, le décret attaqué n'a pas méconnu le domaine de la loi. »
4. Respect du principe d’égalité: Le requérant a argué que le décret imposait des charges excessives aux collectivités ultramarines. Cependant, la décision a souligné que le décret n’était que l’application du principe déjà validé par la loi, déclarée conforme à la Constitution, créant donc deux enveloppes distinctes pour tenir compte des situations spécifiques des territoires.
5. Autonomie financière: Le Conseil d'État a rejeté la prétendue atteinte à l'autonomie financière, considérant que l'aide spéciale ne devait pas être au même niveau de financement pour toutes les collectivités sans justifications de situations disparates.
6. Sécurité juridique: Le délai pris par le gouvernement pour publier le décret n’affecte pas sa légalité, affirmant que ce délai n’est pas un critère qui annule le décret.
Interprétations et citations légales
Interprétation des textes de loi
- Article 131 de la loi n°2016-1918: « L'article prévoit la répartition de ce fonds entre une enveloppe destinée aux départements de métropole et une enveloppe destinée aux collectivités ultra-marines... » Cela indique que le législateur a voulu établir une différenciation en raison des spécificités des collectivités.
- Code des relations entre le public et l'administration - Article L. 211-2: Cet article est centré sur le droit d'information des citoyens quant aux décisions administratives individuelles. Toutefois, le Conseil d'État a relevé que cela ne s'appliquait pas aux décrets qui traitent des allocations financières, un point précisé dans la décision.
- Décision n°2017-678 QPC du 8 décembre 2017: Cette décision a joué un rôle clé en validant les alinéas contestés de l'article 131. Le Conseil d'État a pu s'appuyer dessus pour justifier la conformité de la procédure et du décret avec la Constitution, insistant sur que le « législateur avait tenu compte de leurs situations et charges spécifiques ».
En conclusion, cette décision du Conseil d'État souligne l'importance de la séparation des pouvoirs et de la validation des lois par le Conseil constitutionnel, tout en précisant le cadre légal qui gouverne les décrets administratifs dans un contexte financier multisectoriel.