Résumé de la décision
Dans cette affaire, la société Electricité de France (EDF) contestait un ordre de réquisition daté du 28 mars 2013, établi par le préfet de la région Martinique, qui l'obligeait à s'approvisionner auprès de la société anonyme de raffinerie des Antilles (SARA) pour l'achat de fuel lourd à un prix maximum fixé par un arrêté préfectoral. Le tribunal administratif de Martinique a annulé cet ordre, décision confirmée par la cour administrative d'appel de Bordeaux. Le ministre des outre-mer a alors formé un pourvoi en cassation, qui a été rejeté par le Conseil d'État, confirmant ainsi que l'urgence requise par le code des collectivités territoriales n'était pas démontrée.
Arguments pertinents
1. Absence d'urgence : La décision met en évidence que l'ordre de réquisition de 2013 ne respectait pas la condition d'urgence stipulée à l'article L. 2215-1 du code général des collectivités territoriales. La cour a noté qu'EDF était soumise à une série d'ordres identiques depuis 2009, ce qui a limité sa liberté de négociation avec la SARA. L'absence de nouveaux contrats d'approvisionnement ne résultait pas d'une volonté d'EDF de changer de fournisseur, mais était une conséquence directe de la réquisition continue du préfet.
> "La cour en a déduit que le fait qu'EDF n'avait plus conclu de contrat d'approvisionnement avec la SARA depuis la fin de l'année 2009 ne traduisait pas une décision de recourir à un autre fournisseur..."
2. Capacité de stockage : Concernant la capacité de stockage de SARA, la cour a relevé qu'aucun élément ne justifiait que cette capacité était proche de la saturation au moment de l'arrêté, ce qui affaiblit l'argument de l'urgence.
> "Même si la capacité de stockage du fuel lourd dont disposait la SARA était limitée à une quantité correspondant uniquement à un mois de production de l'entreprise, aucun élément au dossier ne justifiait de ce que cette capacité aurait été proche de la saturation."
Interprétations et citations légales
1. Cadre juridique de la réquisition : L'article L. 2215-1 du Code général des collectivités territoriales précise les conditions dans lesquelles un préfet peut agir par réquisition. Il stipule qu'une telle décision doit être fondée sur une situation d'urgence liée au maintien de l'ordre public.
> "En cas d'urgence, lorsque l'atteinte constatée ou prévisible au bon ordre, à la salubrité, à la tranquillité et à la sécurité publiques l'exige..." (Code général des collectivités territoriales - Article L. 2215-1)
2. Légalité des décisions administratives : La cour a également fait référence à l'appréciation souveraine des faits par le juge du fond, soulignant que son appréciation ne devait pas être entachée de dénaturation. Cela renforce le principe selon lequel les décisions administratives doivent respecter des critères objectifs et ne peuvent pas être prises de manière arbitraire.
En somme, la décision du Conseil d'État confirme l'absence d'urgence dans la réquisition du préfet, qui se fonde sur une série d'ordres antérieurs limitant les choix d'EDF, ainsi qu'une évaluation factuelle de la situation de stockage chez SARA. La cour a donc jugé que l'ordre de réquisition était illégal.