1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de faire droit à sa protestation ;
3°) d'enjoindre aux services de l'Etat de vérifier les listes électorales de Makemo ;
4°) d'enjoindre aux services de l'Etat de mettre en place une procédure pour contrôler la régularité des inscriptions sur les listes électorales de Makemo ;
5°) d'ordonner une expertise des inscriptions sur les listes électorales à Makemo ;
6°) d'ordonner une expertise des 200 procurations établies en vue du scrutin du 15 mars 2020 ;
7°) d'ordonner une enquête sur les élections municipales de 2020 dans la commune ;
8°) de condamner M. E... R... aux entiers dépens.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code électoral ;
- le décret n° 2020-571 du 14 mai 2020 ;
- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Bruno Delsol, conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Laurent Domingo, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, au Cabinet Colin - Stoclet, avocat de M. R... ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 9 avril 2021, présentée par M. C... ;
Considérant ce qui suit :
1. A l'issue des opérations qui se sont déroulées le 15 mars 2020 pour le premier tour de l'élection des conseillers municipaux de la commune de Makemo (Polynésie française), la liste " Toku Oire Here ", conduite par M. R..., a obtenu 16 sièges, avec 612 voix, soit 53,73 % des suffrages exprimés, la liste " Makemo Te Nati Haga ", conduite par Mme nouveau, a obtenu 3 sièges, avec 455 voix soit 39,95 % des suffrages exprimés et la liste " M.K.R.T.T.N. ", conduite par M. C..., avec 72 voix soit 6,32 % des suffrages exprimés, n'a obtenu aucun siège. M. C... interjette appel du jugement du 23 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa protestation tendant à l'annulation de ces opérations électorales.
Sur la régularité du jugement attaqué :
1. En premier lieu, il résulte des dispositions combinées de l'article R. 773-1 du code de justice administrative et des articles R. 119, R. 120 et R. 265 du code électoral que, par dérogation aux dispositions de l'article R. 611-1 du code de justice administrative, les tribunaux administratifs ne sont pas tenus d'ordonner la communication des mémoires en défense des conseillers municipaux dont l'élection est contestée aux auteurs des protestations et qu'il appartient seulement aux parties, si elles le jugent utile, de prendre connaissance de ces défenses et mémoires ultérieurs au greffe du tribunal administratif. Si M. C... soutient qu'il a sollicité en vain l'envoi d'une copie du mémoire en défense, la circonstance qu'il n'aurait pas été en mesure d'y répondre n'est, en tout état de cause, pas de nature à entacher d'irrégularité la procédure à l'issue de laquelle le jugement attaqué a été rendu.
2. En deuxième lieu, aux termes du premier alinéa de l'article R. 711-3 du code de justice administrative : " Si le jugement de l'affaire doit intervenir après le prononcé de conclusions du rapporteur public, les parties ou leurs mandataires sont mis en mesure de connaître, avant la tenue de l'audience, le sens de ces conclusions sur l'affaire qui les concerne. " La communication aux parties du sens des conclusions, prévue par ces dispositions, a pour objet de mettre les parties en mesure d'apprécier l'opportunité d'assister à l'audience publique, de préparer, le cas échéant, les observations orales qu'elles peuvent y présenter, après les conclusions du rapporteur public, à l'appui de leur argumentation écrite et d'envisager, si elles l'estiment utile, la production, après la séance publique, d'une note en délibéré. En conséquence, les parties ou leurs mandataires doivent être mis en mesure de connaître, dans un délai raisonnable avant l'audience, l'ensemble des éléments du dispositif de la décision que le rapporteur public compte proposer à la formation de jugement d'adopter, à l'exception de la réponse aux conclusions qui revêtent un caractère accessoire, notamment celles qui sont relatives à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Cette exigence s'impose à peine d'irrégularité de la décision rendue sur les conclusions du rapporteur public. En revanche, les conclusions elles-mêmes - qui peuvent d'ailleurs ne pas être écrites - n'ont pas à faire l'objet d'une communication préalable. Aux termes du deuxième alinéa de l'article R. 711-2 du même code : " L'avis d'audience (...) mentionne également les modalités selon lesquelles les parties ou leur mandataire peuvent prendre connaissance du sens des conclusions du rapporteur public, en application du premier alinéa de l'article R. 711-3 (...) "
3. Il ressort des pièces du dossier de la procédure devant le tribunal administratif que l'avis d'audience informait les parties qu'elles pouvaient, si elles le souhaitaient, prendre connaissance du sens des conclusions en consultant l'application " Sagace ", que cette application serait renseignée dans un délai de l'ordre de deux jours avant l'audience et que, si elles n'étaient pas en mesure de consulter en ligne l'application " Sagace ", elles pouvaient, dans le même délai, prendre contact avec le greffe. Le sens des conclusions du rapporteur public a été porté dans l'application le 13 juin 2020 à 21h00 en vue de l'audience se tenant le 16 à 09h00 et dans les termes suivants : " sens synthétique des conclusions : rejet au fond ". Le rapporteur public a ainsi, dans un délai raisonnable avant l'audience, indiqué aux parties le sens de ses conclusions. Il n'était pas tenu, à peine d'irrégularité du jugement rendu par le tribunal administratif, d'indiquer les motifs qui le conduisaient à proposer le rejet de la protestation. Par ailleurs, M. C... ne soutient pas qu'il n'aurait pas reçu l'avis d'audience. Dès lors, M. C... n'est pas fondé à soutenir que le jugement aurait été rendu au terme d'une procédure irrégulière.
4. En troisième lieu et en vertu des dispositions de l'article R. 773-1 du code de justice administrative, du troisième alinéa de l'article R. 119 du code électoral et de l'article R. 265 du même code, tous les conseillers dont l'élection est contestée sont avisés qu'ils peuvent déposer leurs défenses au greffe. M. C... demandait l'annulation de l'ensemble des opérations électorales. Dès lors, il ne peut pas utilement invoquer, en tout état de cause, le moyen tiré de ce que certains des conseillers municipaux à qui le tribunal a fait savoir qu'ils pouvaient présenter un mémoire en défense avaient été élus sur la liste conduite par Mme nouveau et non sur celle de M. R....
5. En quatrième et dernier lieu, le tribunal administratif n'était pas tenu de répondre à tous les arguments de M. C... ni de mentionner tous les documents produits.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne les griefs relatifs aux listes électorales :
6. Selon l'article L. 19 du code électoral, une commission de contrôle est instituée dans chaque commune. Aux termes du III du même article, " La commission se réunit au moins une fois par an et, en tout état de cause, entre le vingt-quatrième et le vingt-et-unième jour avant chaque scrutin. " Il ne résulte pas de l'instruction que cette commission ne se serait pas réunie dans les conditions prévues par le code électoral. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner sa recevabilité, le grief doit être écarté.
7. Aux termes du I de l'article L. 11 du code électoral : " Sont inscrits sur la liste électorale de la commune, sur leur demande : / 1° Tous les électeurs qui ont leur domicile réel dans la commune ou y habitent depuis six mois au moins et leurs enfants de moins de 26 ans ; / 2° Ceux qui figurent pour la deuxième fois sans interruption, l'année de la demande d'inscription, au rôle d'une des contributions directes communales et, s'ils ne résident pas dans la commune, ont déclaré vouloir y exercer leurs droits électoraux. Tout électeur ou toute électrice peut être inscrit sur la même liste que son conjoint au titre de la présente disposition ;/ 2° bis Ceux qui, sans figurer au rôle d'une des contributions directes communales, ont, pour la deuxième fois sans interruption l'année de la demande d'inscription, la qualité de gérant ou d'associé majoritaire ou unique d'une société figurant au rôle, dans des conditions déterminées par décret en Conseil d'Etat ;/ 3° Ceux qui sont assujettis à une résidence obligatoire dans la commune en qualité de fonctionnaires. (...). Le juge de l'élection n'est pas compétent pour statuer sur la régularité des inscriptions sur la liste électorale. Il lui appartient seulement d'apprécier les faits révélant des manoeuvres ou des irrégularités susceptibles d'avoir altéré la sincérité du scrutin.
8. Si M. C... a transmis au tribunal administratif une liste de 78 électeurs qui n'habitent pas la commune, il n'en résulte pas que ces personnes seraient inscrites à tort. Si à l'appui de son appel, il mentionne trois personnes inscrites à tort selon lui, ces éléments sont insuffisants pour en déduire comme il le fait que les inscriptions irrégulières seraient au nombre d'environ cinquante. L'affirmation selon laquelle une personne aurait été radiée à tort n'est pas accompagnée des éléments qui permettraient d'en apprécier le bien-fondé. Il ne résulte pas de l'instruction que ces éléments et les autres faits invoqués par M. C... seraient, comme il le soutient, révélateurs d'une fraude. Il résulte des documents produits par M. C... que le nombre des électeurs a augmenté de presque 3% par rapport à l'année précédente et que les nouveaux inscrits représentent 10% du corps électoral, mais ces évolutions, quoique importantes, ne sont pas d'un ordre de grandeur tel qu'elles suffiraient, à elles seules, à révéler des manoeuvres qui auraient faussé les résultats du scrutin.
9. Si M. C... soutient qu'une personne décédée était inscrite sur la liste électorale de la commune associée de Takume et qu'il aurait pu le démontrer si le maire n'avait pas refusé de lui communiquer la liste, il ne résulte pas de l'instruction que M. C... n'aurait pas eu accès à cette liste. S'il soutient aussi que le numéro de trois cartes électorales n'est pas le même que celui qui figure sur la liste électorale et que, dans la commune associée de Makemo, les électeurs sont, sur la liste électorale, numérotés de 1 à 700 alors que le procès-verbal des opérations électorales n'en mentionne que 690, ces circonstances ne sont pas susceptibles d'avoir altéré la sincérité du scrutin.
10. Il résulte de ce qui précède que les griefs tirés de l'irrégularité des listes électorales doivent être écartés.
En ce qui concerne les griefs relatifs aux procurations :
11. Si M. C... soutient que le procès-verbal des opérations électorales dans la commune associée de Makemo ne mentionne pas le nombre de procurations et que des personnes inscrites à tort auraient voté par procuration, il n'apporte pas à l'appui de ces griefs les éléments qui permettraient d'en apprécier le bien-fondé.
12. Si M. C... soutient que les aides au logement sont propices au clientélisme, il ne résulte pas de l'instruction, alors qu'il se borne à produire des attestations émanant de deux seuls électeurs, qu'un agent du maire aurait sollicité des procurations pour les partisans de celui-ci en promettant de telles aides. Aucune règle n'impose que le registre des procurations reçues à la mairie mentionne le nom de l'agent qui l'a renseigné.
13. L'allégation selon laquelle les procurations auraient été entachées de fraude n'étant ainsi pas suffisamment étayée, la circonstance que 200 procurations ont été établies pour la commune associée de Makemo ne saurait dès lors constituer, à elle seule, une cause d'irrégularité du scrutin
En ce qui concerne les autres griefs :
14. Si M. C... soutient que le maire aurait promis des embauches en échange de votes, il ne produit, au soutien de ces allégations, qu'une convocation à un entretien de recrutement. De même, et ainsi qu'il a été dit au point 12, les deux attestations produites ne suffisent pas à établir que le maire aurait promis des aides au logement en échange de suffrages.
15. M. C... n'établit pas que la secrétaire générale aurait imité la signature du maire ni que les faits ainsi allégués auraient concouru à des fraudes ou à des manoeuvres de nature à altérer la sincérité du scrutin.
16. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a rejeté sa protestation. Par suite, ses conclusions aux fins d'expertise et d'injonction, au surplus présentées pour la première fois devant le Conseil d'Etat, ne peuvent qu'être rejetées.
17. Aux termes de l'article R. 773-3 du code de justice administrative, " en matière électorale, il n'y a lieu à aucune condamnation aux dépens (...). " Par suite et en tout état de cause, les conclusions relatives aux dépens présentées par M. C... ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. AD... C..., M. E... R..., Mme Y..., M. T... S..., Mme Z..., M. K... B..., Mme H... O..., M. J... A..., Mme D... F..., M. V..., Mme X..., M. AB..., Mme G... nouveau, Mme I... N..., M. L... C..., M. M... Q..., Mme AA..., M. W..., M. AC..., Mme U....
Copie en sera adressée au ministre de l'outre-mer.