3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- sa requête est recevable ;
- la condition d'urgence est satisfaite dès lors que l'instauration du couvre-feu entre 19 heures et 6 heures du matin, sans dérogation permettant de se rendre dans un lieu de culte, empêche les catholiques d'accéder à la messe après leur journée de travail en semaine et même de se rendre à la messe quand ils travaillent le samedi et le dimanche ;
- il existe un doute sérieux quant à la légalité du décret contesté ;
- il ne permet pas l'exercice effectif de la liberté de culte des personnes de confession catholique qui travaillent durant la semaine et, a fortiori, des personnes travaillant le week-end, dès lors qu'il ne prévoit pas de dérogation pendant le couvre-feu leur permettant de se rendre à l'église pour participer à la messe après 19 heures ;
- il est entaché d'illégalité dès lors que l'instauration d'un couvre-feu n'est ni adaptée, ni nécessaire, ni proportionnée en ce que, d'une part, un protocole sanitaire strict a été mis en oeuvre au sein des lieux de culte et, d'autre part, il n'est pas démontré que l'interdiction des cérémonies religieuses après 19 heures aurait un impact sur la propagation de l'épidémie ni même que les églises seraient des potentiels clusters.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la loi du 18 germinal an X relative à l'organisation des cultes ;
- la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l'Etat ;
- la loi du 2 janvier 1907 concernant l'exercice public des cultes ;
- la loi du 1er juin 1924 mettant en vigueur la législation civile française dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle ;
- l'ordonnance du 15 septembre 1944 relative au rétablissement de la légalité républicaine dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle ;
- le code de la santé publique ;
- la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 ;
- la loi n°°2021-160 du 15 février 2021 ;
- le décret n° 2020-1257 du 14 octobre 2020, modifié notamment par le décret n° 2021-384 du 2 avril 2021 ;
- le code de justice administrative ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ". En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée.
Sur le cadre du litige :
2. Aux termes de l'article L. 3131-12 du code de la santé publique, issu de la loi du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19 : " L'état d'urgence sanitaire peut être déclaré sur tout ou partie du territoire métropolitain ainsi que du territoire des collectivités régies par les articles 73 et 74 de la Constitution et de la Nouvelle-Calédonie en cas de catastrophe sanitaire mettant en péril, par sa nature et sa gravité, la santé de la population ". L'article L. 3131-13 du même code dispose que : " L'état d'urgence sanitaire est déclaré par décret en conseil des ministres pris sur le rapport du ministre chargé de la santé. Ce décret motivé détermine la ou les circonscriptions territoriales à l'intérieur desquelles il entre en vigueur et reçoit application. Les données scientifiques disponibles sur la situation sanitaire qui ont motivé la décision sont rendues publiques. / (...) / La prorogation de l'état d'urgence sanitaire au-delà d'un mois ne peut être autorisée que par la loi, après avis du comité de scientifiques prévu à l'article L. 131-19. " Aux termes du I de l'article L. 3131-15 du même code : " Dans les circonscriptions territoriales où l'état d'urgence sanitaire est déclaré, le Premier ministre peut, par décret réglementaire pris sur le rapport du ministre chargé de la santé, aux seules fins de garantir la santé publique : (...) 5° Ordonner la fermeture provisoire et réglementer l'ouverture, y compris les conditions d'accès et de présence, d'une ou plusieurs catégories d'établissements recevant du public ainsi que des lieux de réunion, en garantissant l'accès des personnes aux biens et services de première nécessité. " Ce même article précise à son III que les mesures prises en application de ses dispositions " sont strictement proportionnées aux risques sanitaires encourus et appropriées aux circonstances de temps et de lieu. Il y est mis fin sans délai lorsqu'elles ne sont plus nécessaires. ".
3. L'émergence d'un nouveau coronavirus, responsable de la maladie à coronavirus 2019 ou covid-19 et particulièrement contagieux, a été qualifiée d'urgence de santé publique de portée internationale par l'Organisation mondiale de la santé le 30 janvier 2020, puis de pandémie le 11 mars 2020. La propagation du virus sur le territoire français a conduit les autorités compétentes à prendre diverses mesures destinées à réduire les risques de contagion. Une nouvelle progression de l'épidémie de covid-19 sur le territoire national a conduit le Président de la République à prendre, le 14 octobre 2020, sur le fondement des articles L. 3131-12 et L. 3131-13 du code de la santé publique, un décret déclarant l'état d'urgence sanitaire à compter du 17 octobre 2020 sur l'ensemble du territoire de la République. L'article 1er de la loi du 14 novembre 2020 autorisant la prorogation de l'état d'urgence sanitaire et portant diverses mesures de gestion de la crise sanitaire modifié par la loi du 15 février 2021 a prorogé l'état d'urgence sanitaire jusqu'au 1er juin 2021 inclus. Le Premier ministre a pris, sur le fondement de l'article L. 3131-15 du code de la santé publique, le décret n°2020-1310 du 29 octobre 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans le cadre de l'urgence sanitaire, mesures qui ont été adaptées à l'évolution de la situation sanitaire par les décrets du 27 novembre et du 14 décembre 2020 ainsi que par les décrets du 15 janvier 2021 et du 23 mars 2021, qui ont successivement avancé à 18 heures puis reculé à 19 heures le couvre-feu en vigueur sur l'ensemble du territoire métropolitain de la République, sous réserve des exceptions énumérées au I de l'article 4 du décret.
Sur la liberté de culte :
4. Aux termes de l'article 10 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : " Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la loi ". Aux termes de l'article 9 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1 - Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l'enseignement, les pratiques et l'accomplissement des rites. / 2 - La liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l'objet d'autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité publique, à la protection de l'ordre, de la santé ou de la morale publiques, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
5. Aux termes de l'article 1er de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l'Etat : " La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l'intérêt de l'ordre public ". Aux termes de l'article 25 de la même loi : " Les réunions pour la célébration d'un culte tenues dans les locaux appartenant à une association cultuelle ou mis à sa disposition sont publiques. Elles sont dispensées des formalités de l'article 8 de la loi du 30 juin 1881, mais restent placées sous la surveillance des autorités dans l'intérêt de l'ordre public. ".
6. Aux termes de l'article 1er de la convention passée à Paris le 26 messidor an IX, entre le Pape et le gouvernement français, qui est applicable aux catholiques d'Alsace et de Moselle, dès lors que la convention a été promulguée et rendu exécutoire, avec ses articles organiques, comme lois de la République par la loi du 18 germinal an X relative à l'organisation des cultes, puis est restée applicable, dans les départements concernés, à la suite, notamment de la loi du 17 octobre 1919 relative au régime transitoire de l'Alsace et de la Lorraine et de la loi du 1er juin 1924 mettant en vigueur la législation civile française dans les départements du Bas Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle : " La religion catholique, apostolique et romaine, sera librement exercée en France. Son culte sera public, en se conformant aux règlements de police que le Gouvernement jugera nécessaires pour la tranquillité publique ". Aux termes de l'article organique IX de cette convention : " Le culte catholique sera exercé sous la direction des archevêques et évêques dans leurs diocèses, et sous celle des curés dans leurs paroisses ".
7. La liberté du culte présente le caractère d'une liberté fondamentale. Telle qu'elle est régie par la loi, cette liberté ne se limite pas au droit de tout individu d'exprimer les convictions religieuses de son choix dans le respect de l'ordre public. Elle comporte également, parmi ses composantes essentielles, le droit de participer collectivement, sous la même réserve, à des cérémonies, en particulier dans les lieux de culte. La liberté du culte doit, cependant, être conciliée avec l'objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé.
Sur la demande en référé :
8. En premier lieu, il est constant que la circulation du virus sur le territoire métropolitain s'est amplifiée ces dernières semaines et que l'on constate une nette aggravation de la crise sanitaire. A la date de la présente décision, le dernier point épidémiologique hebdomadaire de Santé publique France, en date du 8 avril 2021, fait état de plus de 39 000 nouveaux cas positifs en moyenne chaque jour et de plus de 30 000 personnes hospitalisées pour covid-19 au 6 avril 2021, dont 5 644 en réanimation, engendrant une très forte tension hospitalière. Cette situation a entraîné de nouvelles restrictions sur l'ensemble du territoire métropolitain. Eu égard à la nette aggravation de la crise sanitaire, et alors que les mesures instituées sur le fondement de la loi du 9 juillet 2020 n'ont pas été en mesure d'empêcher la reprise de l'épidémie et que, à l'inverse, l'adoption en mars dernier, dans le département de la Guyane, d'une mesure analogue de couvre-feu semble avoir montré son efficacité pour freiner la transmission de l'épidémie ainsi qu'au mois de novembre 2020, sur tout le territoire national, de mesures de restriction des déplacements, le maintien d'une mesure d'interdiction des déplacements des personnes hors de leur lieu de résidence entre 19 heures et 6 heures du matin sur l'ensemble du territoire métropolitain est une mesure qui, en l'état de l'instruction, ne peut être regardée comme étant dépourvue de caractère nécessaire.
9. En deuxième lieu, contrairement à ce qui avait été décidé lors du premier confinement, en application de l'article 47 du décret du 29 octobre 2010, les établissements de culte sont autorisés à rester ouverts et les cérémonies religieuses peuvent se tenir dans le respect d'un protocole sanitaire défini à ce même article. Il est donc possible de participer collectivement aux cérémonies religieuses organisés entre 6 heures et 19 heures. Il est constant que de nombreuses paroisses ont adapté leurs horaires pour tenir compte de ce couvre-feu en multipliant les offices et en avançant l'horaire des cérémonies se déroulant l'après-midi. Si l'association requérante soutient qu'il serait nécessaire de prévoir une dérogation de sortir au-delà de 19 heures pour permettre la tenue d'offices d'une heure 30 en semaine pour les catholiques qui travaillent à plus d'une heure de leur domicile et pour les catholiques qui travailleraient intégralement la semaine et ne pourraient, pour autant, se rendre à un office en semaine en raison du couvre-feu, l'organisation mise en place depuis l'instauration du couvre-feu ne peut être regardée comme rendant impossible le droit de participer collectivement au culte. Dès lors, l'impossibilité de se rendre dans un lieu de culte pendant le couvre-feu en vigueur de 19 heures et 6 heures du matin ne peut être regardée comme portant une atteinte disproportionnée à la liberté de culte au regard de l'objectif de préservation de la santé publique.
10. Il résulte de ce qui précède qu'il est manifeste que la requête est infondée et doit être rejetée selon la procédure prévue à l'article L. 522-3 du code de justice administrative, y compris les conclusions présentées en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
O R D O N N E :
------------------
Article 1er : La requête de l'association Civitas est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à l'association Civitas.