Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution, notamment son article 34 ;
- le code civil ;
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Marie Sirinelli, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Rémi Decout-Paolini, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Corlay, avocat de la Fondation Jérôme Lejeune ;
Considérant ce qui suit :
Sur le cadre du litige et la portée des dispositions contestées :
1. D'une part, l'article L. 2151-5 du code de la santé publique, dans sa rédaction issue de la loi du 6 août 2013, applicable à la date d'adoption du décret attaqué, dispose que : " I. - Aucune recherche sur l'embryon humain ni sur les cellules souches embryonnaires ne peut être entreprise sans autorisation (...) / II. - Une recherche ne peut être menée qu'à partir d'embryons conçus in vitro dans le cadre d'une assistance médicale à la procréation et qui ne font plus l'objet d'un projet parental (...) / IV. - Les embryons sur lesquels une recherche a été conduite ne peuvent être transférés à des fins de gestation ".
2. D'autre part, selon l'article L. 1121-1 du même code : " Les recherches organisées et pratiquées sur l'être humain en vue du développement des connaissances biologiques ou médicales sont autorisées dans les conditions prévues au présent livre et sont désignées ci-après par les termes " recherche biomédicale ". / Les dispositions du présent titre ne s'appliquent pas : / 1° Aux recherches dans lesquelles tous les actes sont pratiqués et les produits utilisés de manière habituelle, sans aucune procédure supplémentaire ou inhabituelle de diagnostic ou de surveillance ; / 2° Aux recherches visant à évaluer les soins courants, autres que celles portant sur les médicaments, lorsque tous les actes sont pratiqués et les produits utilisés de manière habituelle mais que des modalités particulières de surveillance sont prévues par un protocole (...) ", qui est obligatoirement soumis à l'avis du comité de protection des personnes. L'article R. 1121-2 du même code précise que : " Les recherches définies au 1° de l'article L. 1121-1 appelées " recherches non interventionnelles " sont des recherches pour lesquelles la stratégie médicale destinée à une personne qui se prête à la recherche n'est pas fixée à l'avance par un protocole et relève de la pratique courante (...) " et l'article R. 1121-3 de ce code prévoit que : " Les recherches mentionnées au 2° de l'article L. 1121-1 sont entendues comme les recherches dont l'objectif est d'évaluer des actes, combinaisons d'actes ou stratégies médicales de prévention, de diagnostic ou de traitement qui sont de pratique courante, c'est-à-dire faisant l'objet d'un consensus professionnel, dans le respect de leurs indications (...) ".
3. Le décret du 11 février 2015 relatif à la recherche sur l'embryon et les cellules souches embryonnaires et à la recherche biomédicale en assistance médicale à la procréation insère dans le code de la santé publique les articles R. 1125-14 et suivants, qui précisent les conditions dans lesquelles des recherches biomédicales peuvent être menées dans le cadre d'une assistance médicale à la procréation. Il prévoit toutefois, au second alinéa de l'article R. 1125-14, que " seules les recherches mentionnées aux articles R. 1121-2 et R. 1121-3 peuvent être menées sur les gamètes destinés à constituer un embryon ou sur l'embryon in vitro avant son transfert à des fins de gestation ".
4. Par ces dispositions, seules critiquées par la fondation requérante, le décret du 11 février 2015 exclut, pour ce qui concerne les embryons in vitro avant leur transfert à des fins de gestation, la possibilité de recherches biomédicales et prévoit seulement la possibilité de recherches non interventionnelles et de recherches dans lesquelles des modalités particulières de surveillance sont seules prévues.
Sur la compétence du pouvoir réglementaire :
5. D'une part, il résulte du premier alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 que la sauvegarde de la dignité de la personne humaine contre toute forme d'asservissement et de dégradation est un principe à valeur constitutionnelle. A ce titre, l'article 16 du code civil dispose que : " La loi assure la primauté de la personne, interdit toute atteinte à la dignité de celle-ci et garantit le respect de l'être humain dès le commencement de sa vie ". D'autre part, les dixième et onzième alinéas du Préambule de la Constitution de 1946 affirment que : " La Nation assure à l'individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement " et " Elle garantit à tous, notamment à l'enfant, à la mère (...), la protection de la santé (...) ". C'est au législateur qu'il appartient de prévoir les garanties légales que comportent les exigences de caractère constitutionnel découlant de ces dispositions du Préambule de la Constitution de 1946.
6. Toutefois, les dispositions critiquées du décret du 11 février 2015 se bornent à permettre, comme il a été dit au point 4, la réalisation de recherches dans lesquelles tous les actes sont pratiqués et les produits utilisés de manière habituelle et où seules, le cas échéant, des modalités particulières de surveillance des actes de pratique courante en assistance médicale à la procréation sont prévues. Contrairement à ce que soutient la fédération requérante, de telles modalités ne peuvent, en particulier, aucunement conduire à étendre les hypothèses, exceptionnelles, dans lesquelles le diagnostic préimplantatoire peut être autorisé en vertu de l'article L. 2131-4 du code de la santé publique.
7. Par ailleurs, il résulte des dispositions des articles L. 2142-1 et suivants du code de la santé publique que les recherches autorisées par le décret attaqué ne peuvent être menées que par des praticiens ayant compétence pour exercer des activités d'assistance médicale à la procréation, dans des établissements autorisés à pratiquer de telles activités ou, s'agissant des activités biologiques d'assistance médicale à la procréation, dans des laboratoires de biologie médicale accrédités, placés sous le contrôle de l'Agence de la biomédecine. Il résulte, en outre, du 2° de l'article L. 1121-1 du même code que le promoteur d'une recherche comportant des modalités particulières de surveillance doit recueillir l'avis favorable du comité de protection des personnes, qui vérifie que la recherche relève bien de ce 2°. Dans ces conditions, il n'était pas nécessaire que le législateur entoure les recherches prévues par le second alinéa de l'article R. 1125-14, dont l'objet a été précisé au point 4 et qui ne comportent aucune intervention sur l'embryon, de garanties autres que celles qu'il a déjà prévues pour les activités d'assistance médicale à la procréation.
8. Par suite, la fédération requérante n'est pas fondée à soutenir que le décret attaqué serait entaché d'incompétence en tant qu'il prévoit la possibilité de mener sur l'embryon in vitro avant son transfert à des fins de gestation des recherches dans lesquelles tous les actes sont pratiqués et les produits utilisés de manière habituelle et où seules, le cas échéant, des modalités particulières de surveillance des actes de pratique courante en assistance médicale à la procréation sont prévues.
Sur le respect de l'article L. 2151-5 du code de la santé publique :
9. Par les dispositions de l'article L. 2151-5 du code de la santé publique citées au point 1, le législateur a interdit toute intervention sur l'embryon in vitro à des fins de recherche avant son transfert en vue d'une gestation. Il n'a, toutefois, pas entendu interdire les recherches non interventionnelles ni celles dans lesquelles seules sont prévues des modalités particulières de surveillance des actes de pratique courante en assistance médicale à la procréation. Par suite, la fondation requérante n'est pas fondée à soutenir que les dispositions du décret du 11 février 2015 qu'elle critique méconnaîtraient l'article L. 2151-5 du code de la santé publique.
10. Il résulte de ce qui précède que la Fondation Jérôme Lejeune n'est pas fondée à demander l'annulation des dispositions contestées du décret du 11 février 2015 relatif à la recherche sur l'embryon et les cellules souches embryonnaires et à la recherche biomédicale en assistance médicale à la procréation.
Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées à ce titre par la Fondation Jérôme Lejeune.
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de la Fondation Jérôme Lejeune est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la Fondation Jérôme Lejeune et à la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.