- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Damien Pons, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Vincent Villette, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de la sécurité sociale : " A moins qu'elles ne soient instituées par des dispositions législatives ou réglementaires, les garanties collectives dont bénéficient les salariés, anciens salariés et ayants droit en complément de celles qui résultent de l'organisation de la sécurité sociale sont déterminées soit par voie de conventions ou d'accords collectifs, soit à la suite de la ratification à la majorité des intéressés d'un projet d'accord proposé par le chef d'entreprise, soit par une décision unilatérale du chef d'entreprise constatée dans un écrit remis par celui-ci à chaque intéressé ". En vertu de l'article L. 911-2 du même code, ces garanties collectives ont notamment pour objet de prévoir, au profit des salariés, des anciens salariés et de leurs ayants droit, la constitution d'avantages sous forme de pensions de retraite. Les articles L. 911-3 et L. 911-4 du même code prévoient que, lorsque des accords collectifs ont pour objet exclusif la détermination de telles garanties, leur extension aux salariés, aux anciens salariés, à leurs ayants droit et aux employeurs compris dans leur champ d'application est décidée par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale et du ministre chargé du budget, lesquels peuvent en outre élargir tout ou partie de leurs dispositions à des employeurs, à des salariés et anciens salariés et à leurs ayants droit non compris dans le champ d'application de ces accords. Enfin, en vertu du premier alinéa de l'article L. 921-4 du même code, adopté pour généraliser la retraite complémentaire à l'ensemble des salariés soumis à titre obligatoire à l'assurance vieillesse du régime général de sécurité sociale ou des assurances sociales agricoles et les anciens salariés de même catégorie : " Les régimes de retraite complémentaire des salariés relevant du présent chapitre sont institués par des accords nationaux interprofessionnels étendus et élargis conformément aux dispositions du titre Ier du présent livre (...) ".
2. Par un arrêté du 23 septembre 2019, dont M. B... demande l'annulation pour excès de pouvoir, le ministre des solidarités et de la santé et le ministre de l'action et des comptes publics ont, en application des articles L. 911-3 et L. 911-4 du code de la sécurité sociale, étendu et élargi les stipulations de l'accord national interprofessionnel du 10 mai 2019 sur la retraite complémentaire AGIRC-ARRCO au champ d'application de l'accord national interprofessionnel du 17 novembre 2017 instituant le régime AGIRC-ARRCO de retraite complémentaire. Cet accord du 10 mai 2019 définit les orientations stratégiques et la marge d'appréciation du conseil d'administration en vue du pilotage du régime pour les années 2019 à 2022.
3. Lorsque, à l'occasion d'un litige relatif à un arrêté prononçant l'extension ou l'élargissement d'une convention ou d'un accord collectif, qui relève de la compétence de la juridiction administrative, une contestation sérieuse s'élève sur la validité de cette convention ou de cet accord, il appartient au juge saisi du litige de surseoir à statuer jusqu'à ce que l'autorité judiciaire se soit prononcée sur la question préjudicielle que présente à juger cette contestation, sauf s'il apparaît manifestement, au vu d'une jurisprudence établie, que la contestation peut être accueillie par le juge saisi au principal ou si elle met en cause la conformité de l'accord litigieux au droit de l'Union européenne.
4. En premier lieu, en vertu d'une jurisprudence constante de la Cour de justice, le droit de l'Union européenne ne porte pas atteinte à la compétence des États membres pour aménager leur système de sécurité sociale. Il appartient ainsi, en l'absence d'une harmonisation au niveau européen, à la législation de chaque État membre de déterminer les conditions du droit ou de l'obligation de s'affilier à un régime de sécurité sociale et le mode de financement de ce régime. En particulier, le droit de l'Union européenne ne fait pas obligation à tout organisme chargé de la gestion d'un régime de sécurité sociale de mettre en oeuvre le principe de solidarité mais impose seulement que ce critère soit rempli pour qu'un tel organisme ne soit pas regardé comme une entreprise au sens du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, qui serait alors soumise aux règles de concurrence qui résultent de ce traité. Par suite, le moyen tiré de ce que l'accord national interprofessionnel du 17 novembre 2017, pour l'application duquel a été conclu l'accord du 10 mai 2019, méconnaîtrait le droit de l'Union européenne au seul motif qu'il ne mettrait pas en oeuvre le principe de solidarité ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté.
5. En second lieu, aux termes du premier alinéa de l'article L. 111-1 du code de la sécurité sociale : " La sécurité sociale est fondée sur le principe de solidarité nationale ". Le régime AGIRC-ARRCO de retraite complémentaire institué par l'accord national interprofessionnel du 17 novembre 2017 est un régime par répartition géré de façon paritaire, reposant sur la solidarité interprofessionnelle et intergénérationnelle. Si l'allocation servie, au demeurant complétée par des majorations liées aux enfants élevés ou à charge, est proportionnelle au nombre de points de retraite complémentaire acquis principalement en contrepartie du versement de cotisations, il n'en résulte pas, en tout état de cause, contrairement à ce que soutient le requérant, que l'accord national interprofessionnel du 17 novembre 2017 ne mettrait pas en oeuvre le principe de solidarité. Par suite, le moyen tiré de ce que les stipulations de l'accord du 10 mai 2019, pris pour l'application de l'accord du 17 novembre 2017, seraient illicites, qui ne soulève pas une contestation sérieuse, doit être écarté.
6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir soulevées par le ministre des solidarités et de la santé, que la requête de M. B... doit être rejetée.
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A... B... et au ministre des solidarités et de la santé.