- il existe un doute sérieux quant à la légalité du décret attaqué qui, allant au-delà des dispositions de la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire, n'a pas prévu que le contrôle du passe sanitaire puisse se faire autrement que sur un téléphone portable ;
- les dispositions contestées du décret méconnaissent la liberté de conscience protégée par les articles 1er et 2 de la convention européenne des droits de l'homme et l'article 10 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 dès lors qu'elles sont placées devant l'alternative d'une fermeture administrative ou du renoncement à leurs choix éthiques en matière de protection environnemental ou des enfants ;
- elles méconnaissent l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 en ce qu'elles les exposent à subir une peine qui n'est pas nécessaire ;
- elles méconnaissent l'article 6 de la Charte de l'environnement dès lors que la fabrication et l'usage des téléphones nécessaires à l'application mobile de contrôle des justificatifs sanitaires ne respectent pas les objectifs de développement durable ;
- elles violent la liberté du commerce et de l'industrie dès lors qu'elles imposent à toutes les entreprises, même celles qui en sont dépourvues par manque de moyens financiers, d'utilité ou par conviction, d'en acquérir un ;
- cette mesure de police qui n'est ni adaptée ni nécessaire méconnaît le principe de proportionnalité, ainsi que la liberté de choix des moyens pour atteindre l'objectif de contrôle du passe sanitaire ;
- le décret méconnaît l'article 34 de la Constitution en établissant des sanctions pénales que la loi n'a prévues que pour l'absence de contrôle et non pour la conservation de la preuve du contrôle selon un mode non agréé par décret.
Vu les pièces du dossier.
Vu :
- la Constitution, et notamment son Préambule ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la loi n° 2021-689 du 31 mai 2021 ;
- la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 ;
- le décret n° 2021-699 du 1er juin 2021 ;
- le décret n° 2021-1059 du 7 août 2021 ;
- le code de justice administrative ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ". Il résulte de ces dispositions que le prononcé de la suspension d'un acte administratif est subordonné notamment à une condition d'urgence. L'urgence justifie la suspension de l'exécution d'un acte administratif lorsque celui-ci porte atteinte de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte contesté sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue. L'urgence doit être appréciée objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'affaire.
2. En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée.
3. La SARL Le Poirier-au-Loup, qui exploite une activité de restauration soumise à la réglementation litigieuse et Mme B..., sa gérante, demandent au Conseil d'Etat, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l'application des certaines dispositions du III de l'article 2-3 du décret du 1er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de crise sanitaire dans sa rédaction résultant décret du 7 août 2021, notamment celles qui prévoient que la lecture des justificatifs délivrés, selon le cas, au vu du résultat d'un examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par la Covid-19, au titre du statut vaccinal concernant la Covid-19 ou encore correspondant à un certificat de rétablissement à la suite d'une contamination par la Covid-19, peut être réalisée au moyen d'une application mobile dénommée " TousAntiCovid Vérif " ou de tout autre dispositif de lecture répondant à des conditions fixées par un arrêté des ministres chargés de la santé et du numérique.
4. Pour justifier de la condition d'urgence, les requérantes se bornent à faire valoir, d'une part, que les dispositions contestées portent atteinte à la liberté de conscience, à la Charte de l'environnement et à la liberté du commerce et de l'industrie et, d'autre part, que l'entrée en vigueur immédiate de ces modalités de contrôle intervient au milieu de la saison touristique, seule période au cours de laquelle la société peut réaliser un chiffre d'affaires significatif en matière de restauration. Toutefois, les atteintes dont elles font état ne sont pas par elles-mêmes de nature à justifier une situation d'urgence. Par ailleurs, si elles se refusent à utiliser des téléphones intelligents généralement présents dans le commerce, au motif que leur fabrication ne respecte pas les normes environnementales et sociales, elles ne contestent pas qu'elles pourraient se procurer des téléphones qu'elles qualifient " d'éthiques " et qui sont susceptibles de recevoir l'application gouvernementale pour lire le " QR Code " contenu dans les justificatifs d'accès. Si elles allèguent toutefois que l'acquisition d'un de ces appareils ne peut se faire à bref délai et que leur maîtrise suppose un temps d'apprentissage, elles ne démontrent pas que le retard qui en résulterait pour la mise en œuvre du contrôle des justificatifs, à le supposer d'ailleurs établi, porterait atteinte de manière suffisamment grave et immédiate à l'activité de restauration de la société. En outre, cette circonstance doit, en tout état de cause, être mise en balance avec les considérations de santé publique qui justifient la mise en œuvre immédiate et de manière uniforme des dispositions contestées sur l'ensemble du territoire.
5. Il résulte de ce qui précède que la requête de la SARL Le Poirier-au-Loup et de Mme B... ne peut, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la condition du doute sérieux, qu'être rejetée selon la procédure prévue par l'article L. 522-3 du code de justice administrative.
O R D O N N E :
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Article 1er : La requête de la SARL Le Poirier-au-loup et autre est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à la SARL Le Poirier-au-loup et à Mme A... B....