Par une requête, enregistrée le 26 août 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'ANS demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) d'ordonner la suspension de l'exécution, à titre principal, de l'arrêté du préfet du Finistère du 20 août 2020 portant diverses mesures d'interdiction temporaires à l'occasion du match de football du 30 août 2020, à titre subsidiaire, de l'article 2 dudit arrêté et, à titre très subsidiaire, de l'arrêté 2 de l'arrêté en tant qu'il vise des supporters d'ores et déjà munis de billets ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au titre des frais exposés en première instance et la somme de 2 500 euros, en application des mêmes dispositions au titre des frais exposés en appel.
Elle soutient que :
- l'ordonnance est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur d'appréciation des faits en ce que le juge des référés a méconnu les principes de nécessité et de finalité en considérant que l'interdiction faite à tout supporter du club de l'Olympique de Marseille (OM) ou se comportant comme tel d'accéder au stade, de circuler ou de stationner sur la voie publique dans un périmètre délimité était nécessaire, adaptée et proportionnée, dès lors, d'une part, que l'arrêté du préfet a un objectif dissuasif incompatible avec une mesure de police administrative et qu'il ne permet pas de lutter contre la propagation de l'épidémie de covid-19, d'autre part, qu'il se fonde sur des éléments de faits imprécis et inexacts et, enfin, qu'il utilise la circonstance inexacte selon laquelle il ne serait pas possible de faire respecter le protocole sanitaire et qu'il reconnait l'impossibilité de garantir qu'aucun supporter en provenance des Bouches-du-Rhône ne se déplace dans le département du Finistère ;
- elle est entachée d'une erreur de droit et de fait en ce qu'elle méconnait le principe d'égalité dès lors, en premier lieu, que le juge des référés se fonde sur le fait que les supporters proviennent majoritairement de zones fortement affectées par le virus covid-19 alors que l'arrêté ne vise nullement une provenance géographique mais uniquement la qualité de supporter de l'OM, en deuxième lieu, que rien n'établit la circonstance selon laquelle les personnes se comportant comme supporters de l'OM ou se prévalant de cette qualité sont susceptibles d'être porteurs du virus, en troisième lieu, que l'arrêté est dépourvu de tout lien avec l'objectif poursuivi et, en dernier lieu, que l'atteinte portée aux libertés fondamentales est maximale et disproportionnée ;
- elle est entachée d'une dénaturation des faits en ce que l'arrêté ne démontre l'existence d'aucun risque de troubles graves à l'ordre public, portant retenu par le juge des référés ;
- la condition d'urgence est remplie eu égard à la gravité de l'atteinte qui est portée aux libertés fondamentales ;
- il est porté une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté d'aller et venir, et à la liberté d'association, de réunion et d'expression ;
- l'arrêté porte une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés précitées dès lors, d'une part, qu'il est entaché d'une erreur de droit en ce qu'il ne fait état d'aucun risque de troubles graves pour l'ordre public, en particulier du fait de la qualité ou du comportement de supporteur marseillais, nécessitant une telle mesure de police administrative par rapport à l'objectif poursuivi, d'autre part, qu'il est disproportionné, eu égard notamment aux mesures déjà ordonnées pour lutter contre la propagation de l'épidémie et, enfin, qu'il crée une discrimination en raison d'un comportement de supporter de football et non de caractéristiques médicales ou infectieuses qui n'est, par suite, pas fondée sur des motifs liés à l'objectif poursuivi.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution, notamment son préambule ;
- le code de la santé publique ;
- le code du sport ;
- la loi n°2020-856 du 9 juillet 2020 ;
- le décret n°2020-860 du 10 juillet 2020 ;
- le code de justice administrative ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 521-2 du même code : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures. ". En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée. À cet égard, il appartient au juge d'appel de prendre en considération les éléments recueillis par le juge du premier degré dans le cadre de la procédure écrite et orale qu'il a diligentée.
2. D'une part, sur le fondement des dispositions de la loi du 9 juillet 2020 organisant la sortie de l'état d'urgence sanitaire, le décret du 10 juillet 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans les territoires sortis de l'état d'urgence sanitaire et dans ceux où il a été prorogé a défini au niveau national, au I de son article 1er, les règles d'hygiène et de distanciation, incluant la distanciation physique d'au moins un mètre entre deux personnes, dites " barrières ", qui doivent être observées en toutes circonstances, et prévu au II du même article, l'obligation d'organiser en particulier les rassemblements et réunions en veillant au strict respect de ces mesures. Aux termes du I de l'article 3 de ce décret : " Tout rassemblement, réunion ou activité sur la voie publique ou dans un lieu ouvert au public est organisé dans des conditions de nature à permettre le respect des dispositions de l'article 1er (...) ". Selon son article 29 : " Le préfet de département est habilité à interdire, à restreindre ou à réglementer, par des mesures réglementaires ou individuelles, les activités qui ne sont pas interdites en vertu du présent titre. (...) "
3. D'autre part, aux termes de l'article L. 332-16-2 du code du sport : " Le représentant de l'Etat dans le département (...) peut, par arrêté, restreindre la liberté d'aller et de venir des personnes se prévalant de la qualité de supporter d'une équipe ou se comportant comme tel sur les lieux d'une manifestation sportive et dont la présence est susceptible d'occasionner des troubles graves pour l'ordre public. / L'arrêté énonce la durée, limitée dans le temps, de la mesure, les circonstances précises de fait et de lieu qui la motivent, ainsi que le territoire sur lequel elle s'applique (...) ".
4. Sur le fondement de l'ensemble de ces dispositions et dans la perspective de la rencontre devant opposer, au stade Francis Le Blé à Brest, le dimanche 30 août 2020 à 21 heures, les équipes du Stade Brestois 29 et de l'Olympique de Marseille, le préfet du Finistère a, le 20 août 2020, pris un arrêté dont l'article 2 interdit, entre 8 heures et minuit, à toute personne se prévalant de la qualité de supporter du club de l'OM ou se comportant comme tel d'accéder au stade et de circuler ou de stationner sur la voie publique dans le périmètre défini par l'article 1er. L'association requérante fait appel de l'ordonnance par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Rennes, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, a rejeté sa demande de suspension de ces dispositions.
5. Il appartient aux autorités de l'Etat d'assurer la préservation de l'ordre public, en particulier sur le plan sanitaire dans cette période d'épidémie, et sa conciliation avec les libertés fondamentales que sont notamment la liberté d'aller et venir, la liberté d'association, la liberté de réunion et la liberté d'expression.
6. Il résulte de l'instruction menée par le juge des référés du tribunal administratif de Rennes et n'est pas sérieusement contesté que le département des Bouches-du-Rhône, classé en zone de circulation active du virus le 13 août 2020 par une modification du décret du 10 juillet 2020, est fortement affecté par l'épidémie de covid-19, le préfet de ce département ayant rendu obligatoire le port du masque dans toute la ville de Marseille et ordonné, le 26 août, la fermeture des bars, restaurants et commerces d'alimentation tous les jours de 23 heures à 6 heures dans l'ensemble du département. Ainsi, contrairement à ce que soutient la requérante, et alors même que les supporters de l'Olympique de Marseille ne résident pas tous dans les Bouches-du-Rhône, le risque sanitaire grave lié au déplacement de milliers de personnes en provenance de ce département dans celui du Finistère, beaucoup moins affecté à ce jour, peut être regardé comme caractérisé du fait de la rencontre du 30 août 2020.
7. Il résulte également de cette instruction et n'est pas plus sérieusement contesté que les accès au stade Francis le Blé et ses abords sont exigus et que le respect des règles d'hygiène et de distanciation entre les personnes y est, de ce fait, particulièrement difficile. Il n'apparaît pas, dès lors, que puissent être prises des mesures moins contraignantes de nature à prévenir le risque sanitaire grave, sans que l'association puisse utilement soutenir que l'interdiction de la rencontre entre les deux clubs ou l'extension de l'interdiction de circuler ou d'accéder à tout personne seraient plus adaptées.
8. Dans ces circonstances précises de fait et de lieu, les interdictions posées par l'arrêté contesté qui imposent seulement aux supporters de l'Olympique de Marseille, s'ils entendent se prévaloir de cette qualité ou se comporter comme tels, de ne pas stationner ou circuler dans le périmètre défini par cet arrêté ne peuvent être regardées comme entachées d'une disproportion qui leur conférerait le caractère d'une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté d'aller et venir, à la liberté d'association et de réunion et à la liberté d'expression.
9. Par suite, il est manifeste que l'appel de l'Association nationale des supporters ne peut être accueilli. Il y a lieu, en conséquence, de rejeter la requête selon la procédure prévue par l'article L. 522-3 du code de justice administrative, y compris les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du même code.
O R D O N N E :
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Article 1er : La requête de l'Association nationale des supporters est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à l'Association nationale des supporters.