Résumé de la décision
Mme B...A..., ressortissante algérienne, a épousé un Français en 2010 et a demandé l'acquisition de la nationalité française en 2015. Lors de la cérémonie de naturalisation en 2016, elle a refusé de serrer la main d'un représentant de l'État pour des raisons religieuses. En conséquence, le Premier ministre a opposé un refus à sa demande de naturalisation par décret en 2017, estimant que ce comportement révélait un défaut d'assimilation. Mme A... conteste ce décret pour excès de pouvoir. Le Conseil d'État a rejeté sa demande, considérant que le refus de la nationalité était justifié.
Arguments pertinents
1. Délai de décision : Le décret a été pris dans le délai légal de deux ans prévu par l'article 21-4 du Code civil, ce qui exclut une question de déchéance de nationalité. Le Conseil a affirmé, "Mme A...ne peut en conséquence utilement faire valoir que les dispositions dont il fait application et les faits sur lesquels il se fonde ne sont pas de nature à permettre de prononcer une telle déchéance."
2. État d'assimilation : Le comportement de refus de serrer la main a été interprété comme un défaut d'assimilation dans un cadre symbolique important. Le Conseil d'État précise : "En estimant qu'un tel comportement, dans un lieu et à un moment symboliques, révélait un défaut d'assimilation, le Premier ministre n'a pas fait une inexacte application des dispositions de l'article 21-4 du code civil."
3. Liberté religieuse : Le décret n'emporte pas atteinte à la liberté religieuse de Mme A..., respectant ainsi les principes de la séparation des Églises et de l'État ainsi que les droits humains. "Ce décret n'a ni pour objet ni pour effet de porter atteinte à la liberté religieuse de l'intéressée."
Interprétations et citations légales
1. Code civil - Article 21-2 : Cet article établit les conditions d'acquisition de la nationalité française par le conjoint étranger, notamment la nécessité d'une communauté de vie non interrompue et la conservation de la nationalité du conjoint français.
2. Code civil - Article 21-4 : Il permet au gouvernement de s'opposer à l'acquisition de la nationalité pour "indignité ou défaut d'assimilation". La définition de l'"indignité" et du "défaut d'assimilation" pourrait être interprétée de manière flexible, laissant une large marge de manœuvre aux autorités.
3. Loi du 9 décembre 1905 : Selon son article 1er sur la séparation des Églises et de l'État, les convictions religieuses doivent être respectées, mais ne garantissent pas des droits à la naturalisation, surtout lorsque le comportement de l'individu est perçu comme antithétique à l'assimilation à la culture républicaine française.
4. Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme - Article 9 : Ce texte protège la liberté de pensée, de conscience et de religion. Toutefois, le Conseil d'État a jugé que la décision ne violent pas cet article puisque le décret ne porte pas atteinte aux croyances religieuses de Mme A...
En conclusion, la décision du Conseil d'État repose sur une interprétation stricte des normes d'assimilation et le respect des délais légaux, tout en s'efforçant de maintenir un équilibre entre la liberté religieuse et les obligations liées à la nationalité.