Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale contre le dopage dans le sport, adoptée à Paris le 19 octobre 2005, et l'amendement à son annexe I publiée par le décret n° 2015-1684 du 16 décembre 2015 ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code du sport ;
- la décision du 26 avril 2018 par laquelle le Conseil d'Etat statuant au contentieux n'a pas renvoyé au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. A...;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Yves Doutriaux, conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Guillaume Odinet, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Bertrand, avocat de M.A..., et à la SCP Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, avocat de l'Agence française de lutte contre le dopage ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 232-22 du code du sport : " En cas d'infraction aux dispositions des articles L. 232-9, L. 232-9-1, L. 232-10, L. 232-14-5, L. 232-15, L. 232-15-1 ou L. 232-17, l'Agence française de lutte contre le dopage exerce un pouvoir de sanction dans les conditions suivantes : / (...) / 2° Elle est compétente pour infliger des sanctions disciplinaires aux personnes relevant du pouvoir disciplinaire d'une fédération sportive lorsque celle-ci n'a pas statué dans les délais prévus à l'article L. 232-21. Dans ce cas, l'agence se saisit d'office dès l'expiration de ces délais ; lorsqu'elle intervient en cas de carence de l'instance disciplinaire fédérale d'appel, l'agence peut aggraver la sanction prononcée par la fédération " ; qu'en vertu de l'article L. 232-21, le règlement des fédérations sportives en matière de lutte contre le dopage doit prévoir que l'organe disciplinaire de première instance se prononce dans un délai de dix semaines à compter de la date à laquelle l'infraction a été constatée et que, faute d'avoir statué dans ce délai, cet organe est dessaisi et le dossier transmis à l'instance disciplinaire d'appel qui doit rendre, dans tous les cas, sa décision dans un délai maximum de quatre mois à compter du constat de l'infraction ;
2. Considérant que M.A..., licencié par la Fédération française de rugby, a fait l'objet d'un contrôle antidopage, le 27 septembre 2016, à Agen à l'occasion d'un entraînement ; que l'analyse effectuée a fait ressortir la présence dans ses urines de probénécide à une concentration estimée à 0,2 nanogrammes par millilitre ; que, par décision du 26 janvier 2017, l'organe disciplinaire de première instance de lutte contre le dopage de la Fédération française de rugby s'est déclaré incompétent pour examiner la situation de M. A...dès lors que le délai de dix semaines prévu à l'article L. 232-21 du code du sport était dépassé ; que l'organe disciplinaire d'appel ne s'étant pas réuni dans les délais, l'Agence française de lutte contre le dopage, statuant sur le fondement du 2° de l'article L. 232-22 du code du sport, a, par une décision du 6 septembre 2017, prononcé à l'encontre de M. A...la sanction de l'interdiction de participer pendant deux ans aux manifestations sportives organisées par la Fédération française de rugby, par la Fédération française de rugby à XIII, par la Fédération française du sport d'entreprise, par la Fédération sportive et culturelle de France, par la Fédération sportive et gymnique du travail et par l'Union française des oeuvres laïques d'éducation physique ; que M. A... demande l'annulation de cette décision ;
3. Considérant, en premier lieu, que le procès-verbal qui est établi à l'occasion d'un contrôle antidopage en vertu du code du sport, pour attester des conditions dans lesquelles il a été procédé aux prélèvements et opérations de dépistage, ne présente pas le caractère d'une décision prise par une administration, au sens de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration ; qu'il s'ensuit que M. A...ne peut utilement soutenir que le procès-verbal établi lors du contrôle effectué le 27 septembre 2016, qui d'ailleurs comporte le nom et la qualité de la personne qui l'a établi, serait irrégulier faute de comporter les mentions requises par l'article L. 212-1 ;
4. Considérant, en deuxième lieu, que si M. A...soutient que la personne chargée du contrôle n'aurait pas été agréée conformément à ce que prévoient les articles L. 232-11 et R. 232-68 du code du sport, il résulte de l'instruction que M. B...C..., qui a procédé au contrôle de M. A...le 27 septembre 2016, avait été agréé pour une durée de deux ans par décision du directeur du département des contrôles de l'Agence française de lutte contre le dopage en date du 29 août 2016 ;
5. Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte de l'instruction que M. A... a été informé, par une lettre recommandée avec demande d'avis de réception en date du 8 novembre 2016 de la Fédération française de rugby, qu'il avait le droit de demander la réalisation de l'analyse de l'échantillon B de ses urines conservé par le département des analyses de l'Agence française de lutte contre le dopage dans un délai de cinq jours, conformément à ce que prévoient les dispositions de l'article R. 232-64 du code du sport et celles du règlement disciplinaire de lutte contre le dopage de la fédération ; que cette lettre, adressée avec demande d'avis de réception ainsi que le prévoit le règlement disciplinaire de la fédération, a été présentée par La Poste au domicile de M. A...le 9 novembre 2016 et n'a pas été réclamée par son destinataire dans le délai de mise en instance ; que, par suite, M.A..., qui n'est pas fondé à soutenir que la lettre aurait dû lui être remise en main propre, doit être regardé comme ayant été mis à même, à compter du 9 novembre 2016, de demander l'analyse de l'échantillon B ; qu'il ne saurait, dès lors, soutenir que la décision qu'il attaque aurait été prise au terme d'une procédure irrégulière faute pour lui d'avoir pu demander une analyse de cet échantillon ;
6. Considérant, en quatrième lieu, que la décision contestée par M. A...a été prise par l'Agence française de lutte contre le dopage sur le fondement du 2° de l'article L. 232-22 du code du sport, alors que les organes disciplinaires de la Fédération française de rugby ne s'étaient pas prononcés dans les délais impartis par le code du sport ; que M. A...ne peut utilement discuter, à l'appui de son recours dirigé contre la décision de l'Agence, les raisons pour lesquelles les organes disciplinaires n'ont pas statué sur son cas, lesquelles sont dépourvues d'incidence sur la validité de la décision prise par l'Agence sur le fondement du 2° de l'article L. 232-22 ; que, par ailleurs, le moyen tiré de ce que les dispositions du 2° de l'article L. 232-22 du code du sport méconnaissent les principes d'indépendance et d'impartialité découlant de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen a été écarté par la décision du Conseil d'Etat, statuant au contentieux du 26 avril 2018 ;
7. Considérant, en cinquième lieu, qu'en dehors du cas où est apportée la preuve d'une prescription médicale à des fins thérapeutiques justifiées, l'existence d'une violation des dispositions législatives et réglementaires relatives au dopage est établie par la présence, dans un prélèvement urinaire, de l'une des substances mentionnées dans la liste élaborée en application de la convention internationale contre le dopage dans le sport ; qu'il résulte de l'instruction que les analyses effectuées par le département des analyses de l'Agence sur l'échantillon A prélevé lors du contrôle anti dopage du 27 septembre 2016, ont fait ressortir dans les urines de M. A...la présence de probénécide, substance prohibée classée parmi les diurétiques et agents masquants par la liste résultant de l'annexe I de la convention internationale contre le dopage dans le sport publiée par le décret du 16 décembre 2015 ; que, si M. A...soutient que la quantité de substance prohibée est très faible et que sa présence ne pourrait provenir que d'une ingestion involontaire résultant de l'absorption d'un complément alimentaire, il n'apporte pas d'éléments permettant d'établir la présence de cette substance dans le complément alimentaire qu'il allègue avoir absorbé, non plus que d'établir l'acquisition d'un tel complément et son utilisation ; que, dans ces conditions et en l'absence de prescription médicale, eu égard à la nature de la substance détectée, les éléments produits par M. A...ne sont pas de nature à établir que la présence dans le prélèvement de substances interdites serait le fruit d'une contamination alimentaire ; que, s'il relève que le laboratoire du département des analyses de l'Agence a fait l'objet d'une suspension par l'Agence mondiale antidopage, cette seule circonstance, qui est intervenue entre septembre et décembre 2017, soit postérieurement à la réalisation des analyses en cause dans la présente affaire, est par elle-même, en tout état de cause, dénuée d'incidence et ne saurait conduire à remettre en cause le résultat de l'analyse effectuée en l'espèce par l'Agence ;
8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 232-23-3-3 du code du sport, issu de l'ordonnance du 30 septembre 2015 : " La durée des mesures d'interdiction mentionnées au 1° du I de l'article L. 232-23 à raison d'un manquement à l'article L. 232-9 : (...) / b) Est de deux ans lorsque ce manquement est consécutif à l'usage ou à la détention d'une substance spécifiée. Cette durée est portée à quatre ans lorsque l'Agence française de lutte contre le dopage démontre que le sportif a eu l'intention de commettre ce manquement " ; qu'aux termes de l'article L. 232-23-3-10 du même code : " La durée des mesures d'interdiction prévues aux articles L. 232-23-3-3 à L. 232-23-3-8 peut être réduite par une décision spécialement motivée lorsque les circonstances particulières de l'affaire le justifient au regard du principe de proportionnalité " ; qu'en infligeant, dans les circonstances de l'espèce, à M. A...une sanction d'interdiction de participer à des manifestations sportives pendant une durée de deux ans, l'Agence n'a pas pris une sanction disproportionnée ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision du 6 septembre 2017 qu'il attaque ; que ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, en conséquence, qu'être rejetées ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A...la somme de 2 000 euros à verser à l'Agence française de lutte contre le dopage, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.
Article 2 : M. A...versera une somme de 2 000 euros à l'Agence française de lutte contre le dopage au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. D...A...et à l'Agence française de lutte contre le dopage.