Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention européenne d'extradition du 13 décembre 1957 ;
- le code de procédure pénale ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Stéphanie Vera, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Guillaume Odinet, rapporteur public,
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de M. B...;
Considérant ce qui suit :
1. Par le décret du 21 août 2018, le Premier ministre a accordé aux autorités serbes l'extradition de M.B..., ressortissant serbe, sur le fondement de deux ordres de placement en détention provisoire et deux mandats d'arrêt décernés par le tribunal de grande instance de Belgrade, le 15 juillet 2015 pour des faits qualifiés d'enlèvement avec coauteurs et le 22 septembre 2015 pour des faits qualifiés de production et vente, non autorisés, de stupéfiants.
2. En premier lieu, la convention européenne d'extradition du 13 décembre 1957 détermine les règles et conditions selon lesquelles les parties contractantes s'engagent à se livrer réciproquement les individus qui sont poursuivis pour une infraction ou sont recherchés aux fins d'exécution d'une peine ou d'une mesure de sûreté par les autorités judiciaires de la partie requérante. Il résulte des stipulations combinées des articles 1er, 2 et 12 de cette convention que les Etats parties s'engagent à livrer les individus recherchés aux fins d'exécution d'une peine dès lors que celle-ci est d'une durée d'au moins quatre mois et revêt un caractère exécutoire. Ainsi, si une extradition présentée en vue de permettre la poursuite d'infractions pénales ne peut être légalement accordée, lorsqu'une condamnation est intervenue à raison de ces infractions, qu'au vu d'une nouvelle demande de l'Etat requérant tendant à l'exécution de la peine et conforme aux stipulations conventionnelles et aux dispositions législatives applicables à la situation résultant de cette condamnation et après examen de cette nouvelle demande par la chambre de l'instruction de la cour d'appel compétente, cette règle ne s'applique que lorsque la condamnation prononcée est exécutoire.
3. Il ressort des pièces du dossier, notamment des informations transmises par les autorités serbes, d'une part, le 25 février 2019 en réponse à une demande des autorités françaises et, d'autre part, le 23 avril 2019 à la suite de la mesure d'instruction ordonnée par la 2ème chambre de la section du contentieux du Conseil d'Etat, que M. B...a été condamné le 5 juin 2018 par le tribunal de grande instance de Belgrade à une peine d'emprisonnement de trois ans et quatre mois pour les faits de fabrication et trafic illicite de stupéfiants pour lesquels l'extradition a été demandée. Il résulte de ces informations, d'ailleurs transmises par la voie diplomatique, que ce jugement n'est pas exécutoire dès lors qu'il a fait l'objet d'un appel, formé tant par le Parquet que par les défenseurs des personnes condamnées, en particulier le défenseur commis d'office pour assurer la défense de M. B...devant le tribunal de grande instance, que cet appel était en cours et que les autorités serbes ont précisé que M. B...restait poursuivi sur la base des mandats d'arrêts et des ordres de placement en détention provisoire émis en 2015. Ainsi, à la date à laquelle est intervenu le décret attaqué, aucune condamnation exécutoire n'avait été prononcée à l'encontre de M.B.... Il n'est par suite pas fondé à soutenir que l'extradition demandée aux fins de poursuites pour des faits de trafics de stupéfiants ne pouvait légalement être accordée.
4. En deuxième lieu, les réserves émises par la France lors de la ratification de la convention européenne d'extradition du 13 décembre 1957 énoncent, s'agissant de l'article 1er, que : " L'extradition ne sera pas accordée lorsque la personne réclamée serait jugée dans l'Etat requérant par un tribunal n'assurant pas les garanties fondamentales de procédure et de protection des droits de la défense... ". D'une part, le code de procédure pénale serbe prévoit à ses articles 479 et suivants un mécanisme de purge de la contumace qui, conformément à ce qu'exigent les principes de l'ordre public français, permet à la personne condamnée par défaut, si elle le demande, d'être rejugée en sa présence. Si l'article 481 du code prévoit que les complices déjà condamnés ne pourront être interrogés à nouveau, ni confrontés à la personne ainsi rejugée, il dispose néanmoins que le contenu de leur déposition est présenté au cours du nouveau jugement et que celui-ci ne peut être fondé, ni exclusivement, ni dans une mesure décisive, sur de telles preuves. D'autre part, le code pénal serbe prévoit à son article 54 que le juge tient compte pour déterminer le quantum de la peine des circonstances particulières de l'affaire et des circonstances tenant à l'auteur. Par suite, M. B...n'est pas fondé à soutenir qu'il courrait le risque d'être jugé dans des conditions contraires aux exigences de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou de l'ordre public français, ni que le décret méconnaît les réserves précitées émises par la France sur l'article 1er de la convention européenne d'extradition.
5. En troisième lieu, si M. B...soutient que les conditions de détention en Serbie sont de nature à l'exposer à des traitements prohibés par l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en raison des mauvais traitements infligés par des policiers aux personnes incarcérées dans les prisons serbes, ces allégations générales ne sont accompagnées d'aucune précision permettant d'établir les risques personnels qu'il allègue.
6. En quatrième lieu, si une décision d'extradition est susceptible de porter atteinte au droit au respect de la vie privée et familiale, au sens de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, cette mesure trouve, en principe, sa justification dans la nature même de la procédure d'extradition, qui est de permettre, dans l'intérêt de l'ordre public et sous les conditions fixées par les dispositions qui la régissent, tant le jugement de personnes se trouvant en France qui sont poursuivies à l'étranger pour des crimes ou des délits commis hors de France que l'exécution, par les mêmes personnes, des condamnations pénales prononcées contre elles à l'étranger pour de tels crimes ou délits. La circonstance que l'intéressé est père d'un jeune enfant né en France et qu'il subvient aux besoins de sa famille car sa compagne ne travaille pas n'est pas de nature à faire obstacle, dans l'intérêt de l'ordre public, à l'exécution de son extradition. Dès lors, le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
7. Il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à demander l'annulation du décret du 21 août 2018 accordant son extradition aux autorités serbes. Par suite, les conclusions présentées par M. B...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A...B...et à la garde des sceaux, ministre de la justice.