Par un jugement n° 1707828 du 7 mars 2019, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.
Par un arrêt n° 19LY01771 du 17 décembre 2019, la cour administrative d'appel de Lyon a :
- d'une part, refusé de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité présentée par la métropole de Lyon relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution du VIII de l'article 33 de la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017 ;
- d'autre part, rejeté l'appel formé par la métropole de Lyon contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 17 février et 19 mai 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la métropole de Lyon demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution, notamment son article 61-1 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- la loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009, notamment son article 78 ;
- la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016, notamment son article 33 ;
- la décision du Conseil constitutionnel n° 2016-744 DC du 29 décembre 2016 ;
- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Cécile Isidoro, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Marie-Gabrielle Merloz, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de métropole de Lyon ;
Considérant ce qui suit :
1. L'article 78 de la loi du 30 décembre 2009 de finances pour 2010 a institué au bénéfice des collectivités locales, à compter de l'année 2011, une dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle (DCRTP). En vertu des dispositions du P A... de l'article 33 de la loi du 29 décembre 2016 de finances pour 2017: " L'article 78 de la loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 précitée est ainsi modifié : 1° Le 1 est complété par un 1.5 ainsi rédigé : " 1.5. Minoration de la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle au profit des départements et des régions / " A compter de 2017, le montant des dotations de compensation versées au titre des 1.2 et 1.3 est minoré pour chaque collectivité concernée par l'application des taux prévus, respectivement, aux VI et VII de l'article 33 de la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017 ". Aux termes du VIII du même article 33 : " Pour l'application des III et VI du présent article, la minoration cumulée des dotations de compensation mentionnées, d'une part, dans les dispositions modifiées au 1° du M A... du présent article et, d'autre part, au 1.2 du 1 de l'article 78 de la loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 précitée est répartie entre les départements, la métropole de Lyon, les collectivités territoriales de Guyane et de Martinique et les collectivités mentionnées à l'article L. 3441-1 du code général des collectivités territoriales, à l'exception du Département de Mayotte. Le montant total de la minoration supportée par les collectivités d'outre-mer susmentionnées est déterminé en appliquant au montant total de la minoration le rapport, minoré de 33 %, entre la population de ces collectivités d'outre-mer, telle qu'elle résulte du dernier recensement, et la population de l'ensemble des départements, de la métropole de Lyon et desdites collectivités d'outre-mer. Cette minoration est répartie entre ces collectivités d'outre-mer au prorata des recettes réelles de fonctionnement de leur budget principal de l'année 2015. Après application de la minoration supportée par les collectivités d'outre-mer susmentionnées, la minoration est répartie entre les départements de métropole et la métropole de Lyon au prorata des recettes réelles de fonctionnement de leur budget principal de l'année 2015. Si, pour une de ces collectivités, la minoration ainsi calculée excède le montant cumulé des deux dotations susmentionnées, la différence est répartie entre les autres collectivités selon les mêmes modalités. / La minoration calculée pour chaque collectivité selon les modalités décrites au premier alinéa du présent VIII est répartie entre les dotations de compensation mentionnées, d'une part, dans les dispositions modifiées au 1° du M A... du présent article et, d'autre part, au 1.2 du 1 de l'article 78 de la loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 précitée au prorata des montants respectifs de ces dotations perçus par la collectivité concernée en 2016 ".
2. Par ailleurs, en vertu des dispositions de l'article L. 3611-1 du code général des collectivités territoriales : " Il est créé une collectivité à statut particulier, au sens de l'article 72 de la Constitution, dénommée " métropole de Lyon ", en lieu et place de la communauté urbaine de Lyon et, dans les limites territoriales précédemment reconnues à celle-ci, du département du Rhône ".
3. La métropole de Lyon a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 20 avril 2017 par lequel le préfet du Rhône a fixé le montant individuel de la part départementale de sa dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle pour 2017 en appliquant, sur le fondement des dispositions précitées du VIII de l'article 33 de la loi du 29 décembre 2016 de finances pour 2017, une minoration calculée en prenant en compte la totalité de ses dépenses réelles de fonctionnement et non la seule part de ces recettes correspondant à ses compétences départementales. La métropole de Lyon se pourvoit en cassation contre l'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon qui a, d'une part, refusé de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité par laquelle elle contestait les dispositions précitées du VIII de l'article 33, d'autre part, rejeté l'appel qu'elle avait formé contre le jugement du tribunal administratif rejetant sa demande.
Sur l'arrêt en tant qu'il refuse de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée devant la cour :
4. Les dispositions de l'article 23-2 de l'ordonnance portant loi organique du 7 novembre 1958 prévoient que, lorsqu'une juridiction relevant du Conseil d'Etat est saisie de moyens contestant la conformité d'une disposition législative aux droits et libertés garantis par la Constitution, elle transmet au Conseil d'Etat la question de constitutionnalité ainsi posée à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et qu'elle ne soit pas dépourvue de caractère sérieux.
5. Devant la cour administrative d'appel de Lyon, la métropole de Lyon soutenait que les dispositions du VIII de l'article 33 de la loi du 29 décembre 2016 de finances pour 2017 sont contraires aux principes d'égalité devant la loi et d'égalité devant les charges publiques, garantis par les articles 6 et 13 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen, ainsi qu'aux principes de libre administration et d'autonomie financière des collectivités territoriales, consacrés aux articles 72 et 72-2 de la Constitution, en ce qu'elles ne prévoient pas un retraitement des dépenses réelles de fonctionnement de la métropole de Lyon afin de prendre en compte ses seules recettes liées à l'exercice de ses compétences départementales pour le calcul de la minoration.
6. D'une part, il résulte de la décision du Conseil constitutionnel n° 2016-744 DC du 29 décembre 2016 que l'ensemble de l'article 33 de la loi du 29 décembre 2016 de finances pour 2017 a été déclaré conforme à la Constitution, dans les motifs et le dispositif de cette décision, sans que la métropole de Lyon puisse utilement invoquer la circonstance que cette décision ne s'est pas expressément prononcée sur le moyen qu'elle soulève. D'autre part, l'intervention, dans le présent litige, du jugement du tribunal administratif de Lyon du 7 mars 2019 ne saurait être regardée comme susceptible de constituer une circonstance nouvelle de nature à permettre que soit posée une question prioritaire de constitutionnalité.
7. Ainsi, c'est sans erreur de droit que la cour a jugé que, les conditions de l'article 23-2 de l'ordonnance portant loi organique du 7 novembre 1958 n'étant pas remplies, il n'y avait pas lieu de transmettre la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution du VIII de l'article 33 de la loi du 29 décembre 2016 de finances pour 2017. La métropole de Lyon n'est par suite pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué en tant qu'il refuse de transmettre la question prioritaire de constitutionnalité.
Sur les autres moyens du pourvoi :
8. Il résulte des dispositions instituant la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle que le législateur a entendu créer des dotations de compensation propres aux différentes catégories de collectivités locales. Par ailleurs, par les dispositions citées au point 1 de la loi du 29 décembre 2016 de finances pour 2017, le législateur n'a entendu créer une minoration de ces dotations que pour les départements et les régions, à l'exclusion des communes et de leurs groupements, et au prorata de leurs recettes réelles de fonctionnement. Par suite, la métropole de Lyon exerçant des compétences qui étaient celles, antérieurement à sa création, d'une part, de la communauté urbaine de Lyon, d'autre part, du département du Rhône, le calcul de la minoration de sa dotation de compensation pour 2017 ne pouvait être légalement effectué qu'au prorata de la part de ses recettes réelles de fonctionnement correspondant à ses compétences départementales. D'ailleurs, les lois de finances pour 2018 et 2019, qui ont respectivement créé une minoration des dotations de compensation des communes et de leurs groupements et refondu l'ensemble de ces dispositifs de minoration, prévoient expressément de distinguer, pour le calcul des minorations pour la métropole de Lyon, entre ses différentes compétences. Il s'ensuit que la cour a commis une erreur de droit en jugeant que le préfet du Rhône avait pu légalement calculer cette minoration en prenant en compte la totalité des recettes réelles de fonctionnement de la métropole.
9. La métropole de Lyon est dès lors fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué, en tant qu'il se prononce sur la légalité de l'arrêté du préfet du Rhône.
10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.
11. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que la métropole de Lyon est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a jugé que toutes ses recettes réelles de fonctionnement devait être prises en compte pour le calcul de la minoration de sa dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle pour 2017 et a rejeté sa demande tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté du préfet du Rhône du 20 avril 2017.
12. Il y a lieu d'enjoindre au préfet du Rhône de prendre un nouvel arrêté fixant le montant de la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle de la métropole de Lyon pour 2017 en ne tenant compte que des recettes réelles de fonctionnement perçues par le département du Rhône sur le territoire de la métropole de Lyon en 2015, dans un délai de deux mois.
13. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la métropole de Lyon au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 17 décembre 2019 de la cour administrative d'appel de Lyon, en tant qu'il rejette les conclusions de la métropole de Lyon dirigées contre l'arrêté en date du 20 avril 2017 du préfet du Rhône, et le jugement du 7 mars 2019 du tribunal administratif de Lyon sont annulés.
Article 2 : L'arrêté du préfet du Rhône du 20 avril 2017 est annulé.
Article 3 : Il est enjoint au préfet du Rhône de prendre un nouvel arrêté fixant le montant de la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle de la métropole de Lyon pour 2017 en ne tenant compte que des recettes réelles de fonctionnement perçues par le département du Rhône sur le territoire de cette métropole en 2015, dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision.
Article 4 : L'Etat versera la somme de 3 000 euros à la métropole de Lyon au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions du pourvoi est rejeté.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à la métropole de Lyon et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel et au Premier ministre.