1°) d'annuler ce jugement ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la demande présentée par la SCA Les Salines de Guérande.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Sylvain Monteillet, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de Mme Marie-Gabrielle Merloz, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, au Cabinet Briard, avocat de la société coopérative agricole (SCA) Les Salines de Guérande ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que la société coopérative agricole (SCA) Les Salines de Guérande, qui regroupe des paludiers qui mettent en commun leurs moyens afin de récolter et de traiter le sel, a été assujettie à la taxe foncière sur les propriétés bâties pour les locaux dont elle est propriétaire à Guérande (Loire-Atlantique) au titre des années 2013 à 2016. Le tribunal administratif de Nantes, par un jugement du 23 juillet 2018, a prononcé la décharge de ces impositions. Le ministre de l'action et des comptes publics demande l'annulation de ce jugement.
2. Aux termes de l'article 1380 du code général des impôts : " La taxe foncière est établie annuellement sur les propriétés bâties sises en France à l'exception de celles qui en sont expressément exonérées par les dispositions du présent code ". Aux termes de l'article 1382 du même code : " Sont exonérés de la taxe foncière sur les propriétés bâties : (...) 6° a. Les bâtiments qui servent aux exploitations rurales tels que granges, écuries, greniers, caves, celliers, pressoirs et autres, destinés, soit à loger les bestiaux des fermes et métairies ainsi que le gardien de ces bestiaux, soit à serrer les récoltes. (...) b. Dans les mêmes conditions qu'au premier alinéa du a, les bâtiments affectés à un usage agricole par les sociétés coopératives agricoles, (...) constituées et fonctionnant conformément aux dispositions légales qui les régissent et par les groupements d'intérêt économique constitués entre exploitations agricoles. (...) ". Aux termes de l'article L. 311-1 du code rural et de la pêche maritime dans sa version alors applicable : " Sont réputées agricoles toutes les activités correspondant à la maîtrise et à l'exploitation d'un cycle biologique de caractère végétal ou animal et constituant une ou plusieurs étapes nécessaires au déroulement de ce cycle ainsi que les activités exercées par un exploitant agricole qui sont dans le prolongement de l'acte de production ou qui ont pour support l'exploitation. Sont réputées agricoles toutes les activités correspondant à la maîtrise et à l'exploitation d'un cycle biologique de caractère végétal ou animal et constituant une ou plusieurs étapes nécessaires au déroulement de ce cycle ainsi que les activités exercées par un exploitant agricole qui sont dans le prolongement de l'acte de production ou qui ont pour support l'exploitation. Les activités de cultures marines sont réputées agricoles, nonobstant le statut social dont relèvent ceux qui les pratiquent. Il en est de même des activités de préparation et d'entraînement des équidés domestiques en vue de leur exploitation, à l'exclusion des activités de spectacle. Il en est de même de la production et, le cas échéant, de la commercialisation, par un ou plusieurs exploitants agricoles, de biogaz, d'électricité et de chaleur par la méthanisation, lorsque cette production est issue pour au moins 50 % de matières provenant de ces exploitations (...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que les bâtiments de la SCA Les Salines de Guérande faisant l'objet des impositions litigieuses servent au tamisage et au stockage du sel récolté dans les marais salants de Guérande. En assimilant l'activité salicole qui y était exercée à une activité agricole pour l'application du b du 6° de l'article 1382 du code général des impôts, sans préciser les raisons de cette qualification, alors que l'activité salicole ne correspondait pas à la maîtrise et l'exploitation d'un cycle biologique animal ou végétal au sens des dispositions de l'article L 311-1 du code rural et de la pêche maritime à la date des impositions en litige et que ni les dispositions du a du 6° de l'article 1382 ni aucune autre disposition du code n'exonèrent de taxe foncière sur les propriétés bâties les bâtiments qui dépendent des marais salants, le tribunal administratif a commis une erreur de droit. La circonstance que le propriétaire des bâtiments est une coopérative agricole est sans influence sur la qualification de l'activité exercée dans ces bâtiments au sens du 6° de l'article 1382 du code général des impôts.
4. Le ministre de l'action et des comptes publics est, par suite, fondé à demander l'annulation du jugement qu'il attaque sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de son pourvoi.
5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.
Sur la loi fiscale :
6. Ainsi qu'il a été dit, l'activité salicole ne relevait pas des dispositions de l'article L. 311-1 du code rural et de la pêche maritime à la date des impositions en litige et le b du 6° de l'article 1382 du code général des impôts exonère seulement les bâtiments à usage agricole de la taxe foncière sur les propriétés bâties. En conséquence, les bâtiments dont la coopérative est propriétaire ont été soumis à bon droit à la taxe foncière sur les propriétés bâties en 2013 et 2014, les circonstances que l'activité salicole relève des bénéfices agricoles, que l'article 1450 du code général des impôts exonère " les exploitants agricoles, y compris les propriétaires ou fermiers de marais salants " de la cotisation foncière des entreprises et que diverses pratiques administratives assimilent, notamment en matière sociale, les paludiers à des agriculteurs ne pouvant être utilement invoquées dès lors que les exonérations fiscales sont d'interprétation stricte.
Sur les commentaires administratifs de la loi fiscale :
7. La documentation administrative de base référencée 6 C 1222 selon laquelle les bâtiments affectés à un usage agricole par les organismes visés au b du 2 de l'article 1382 du code général des impôts doivent être affectés directement et exclusivement à l'exploitation agricole ne saurait être, en tout état de cause, invoquée sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales dès lors que l'activité salicole n'est pas, ainsi qu'il a été dit, assimilable à une activité agricole. Le courrier du ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt du 6 janvier 2014 au député maire de Guérande indiquant que les bâtiments utilisés par les paludiers étaient exonérés de taxe foncière sur les propriétés bâties ne constitue pas une interprétation de la loi fiscale au sens des articles L. 80 A et L. 80 B du livre des procédures fiscales, dès lors qu'il n'émane pas de l'administration fiscale. Si, par ailleurs, la SCA Les Salines de Guérande invoque un dégrèvement prononcé en 2008 relatif à la taxe foncière sur les propriétés bâties, un tel dégrèvement ne saurait, en tout état de cause, être regardé comme une interprétation formelle de la loi fiscale au sens de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales.
8. Par suite, les demandes de la SCA Les Salines de Guérande ne peuvent qu'être rejetées, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement n° 1601993, 1706522 du tribunal administratif de Nantes du 23 juillet 2018 est annulé.
Article 2 : Les demandes présentées par la SCA Les Salines de Guérande devant le tribunal administratif de Nantes ainsi que ses conclusions présentées devant le Conseil d'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'action et des comptes publics et à la société coopérative agricole Les Salines de Guérande.