Résumé de la décision
Dans cette affaire, Mme D..., médecin spécialisée en psychiatrie, a effectué trois signalements au procureur de la République concernant des violences sexuelles présumées subies par un enfant de son père, M. F.... Suite à une plainte de M. F..., la chambre disciplinaire nationale de l'ordre des médecins a annulé une décision antérieure qui avait rejeté la plainte contre Mme D... et l'a sanctionnée par une interdiction d'exercer pendant trois mois. Mme D... a formé un pourvoi en cassation, qui a été jugé fondé. Le Conseil d'État a annulé la décision de la chambre disciplinaire, a renvoyé l'affaire à celle-ci et a rejeté les conclusions des parties au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Arguments pertinents
1. Obligations du médecin concernant les signalements : Le Conseil d'État a souligné que le signalement à l'autorité judiciaire par un médecin, basé sur l'article R. 4127-44 du code de la santé publique, est une obligation légale lorsque la victime est un mineur ou une personne incapable de se protéger. Le tribunal a noté que ce signalement ne relève pas des certificats ou documents régis par l'article R. 4127-76 du même code. En d’autres termes, "un tel signalement n’est ainsi pas au nombre des certificats, attestations et documents régis par les dispositions de l'article R. 4127-76".
2. Protection du mineur et nécessité du signalement : Le tribunal a rappelé que les obligations déontologiques du médecin importent dans la protection des personnes vulnérables. L'article 226-14 du code pénal précise que la révélation d'informations médicales par un médecin est justifiée lorsqu’il y a des motifs raisonnables de suspecter des violences, en particulier quand la victime est un mineur, et que son accord n'est pas nécessaire.
Interprétations et citations légales
1. Interprétation des articles du Code pénal :
- Code pénal - Article 226-14 : Cette disposition stipule que "la révélation d'une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession [...] n'est pas applicable 'dans les cas où la loi impose ou autorise la révélation du secret'". Cela indique que le secret médical peut être levé dans des circonstances spécifiques, notamment pour protéger un mineur.
2. Rôle du médecin face aux abus :
- Code de la santé publique - Article R. 4127-44 : Ce texte indique que "lorsqu'un médecin discerne qu'une personne auprès de laquelle il est appelé est victime de sévices ou de privations, il doit mettre en œuvre les moyens les plus adéquats pour la protéger". Cela renforce l'idée que le signalement est une obligation et non une option, en cas de soupçon de violence.
3. Distinction entre signalement et certificats :
- Code de la santé publique - Article R. 4127-76 : Il énonce que "l'exercice de la médecine comporte normalement l'établissement [...] des certificats, attestations et documents". Le tribunal a clairement distingué que les signalements effectués en vertu de l'article R. 4127-44 ne sont pas assimilables à des certificats médicaux, ceux-ci ayant un cadre juridique différent en matière de secret médical.
En conclusion, la décision en question met en lumière les responsabilités des médecins dans la protection des mineurs, en clarifiant la légalité des signalements au procureur de la République, et souligne la mauvaise appréciation de ces obligations par la chambre disciplinaire nationale de l'ordre des médecins.