Vu :
- le code de la défense ;
- le code de la sécurité intérieure ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Jean-Dominique Langlais, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Nicolas Polge, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de M.A....
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision. "
2. Aux termes de l'article L. 2332-1 du code de la défense : " I. - Les entreprises qui se livrent à la fabrication ou au commerce de matériels de guerre, armes, munitions et de leurs éléments relevant des catégories A et B mentionnées à l'article L. 2331-1 ou qui utilisent ou exploitent, dans le cadre de services qu'elles fournissent, des matériels de guerre et matériels assimilés figurant sur la liste mentionnée au second alinéa de l'article L. 2335-2 ne peuvent fonctionner et l'activité de leurs intermédiaires ou agents de publicité ne peut s'exercer qu'après autorisation de l'Etat et sous son contrôle. / II. -Toute personne qui se propose de créer ou d'utiliser un établissement pour se livrer à la fabrication ou au commerce, autre que de détail, des matériels de guerre, armes, munitions ou de leurs éléments essentiels des catégories A, B, C ainsi que des armes de catégorie D énumérées par décret en Conseil d'Etat ou à la fourniture de services fondés sur l'utilisation ou sur l'exploitation des matériels de guerre et matériels assimilés mentionnés au I est tenue d'en faire au préalable la déclaration au préfet du département où est situé l'établissement (...) " Aux termes de l'article R. 313-28 du code de la sécurité intérieure : " Le ministre de l'intérieur exerce, pour la réglementation et l'orientation du contrôle de l'Etat sur la fabrication et le commerce des armes des catégories A1, B, C et D sur le territoire national, une action de centralisation et de coordination. / Dans ce cadre, sont soumises à autorisation du ministre de l'intérieur, valable pour une durée maximale de dix ans : / 1° La fabrication et le commerce des armes, munitions et leurs éléments des catégories A1 et B (...) ". Enfin, aux termes du II de l'article R. 313-38 du même code : " Le ministre de l'intérieur peut retirer l'autorisation prévue à l'article R. 313-28 pour des raisons d'ordre ou de sécurité publics. Le ministre de l'intérieur en avise le ministre de la défense et le ministre chargé des douanes. "
3. Le ministre de l'intérieur se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 22 février 2019 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Cayenne, statuant sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, a suspendu l'exécution de la décision du 30 novembre 2018 par laquelle il a, en application des dispositions précitées du II de l'article R. 313-38 du code de la sécurité intérieure, retiré à la Sarl A.B. Cayenne l'autorisation de commerce d'armes, éléments d'armes et munitions de catégorie B qui lui avait été délivrée le 25 septembre 2017 par la ministre des armées.
4. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que, par une décision du 30 novembre 2018, le ministre de l'intérieur a retiré les autorisations de commerce d'armes de catégorie B délivrées, respectivement, le 20 février 2017 à M. B...A..., exploitant individuel de l'établissement dénommé Armurerie du Maroni, situé à Saint-Laurent du Maroni, et le 25 septembre 2017 à la SARL A.B. Cayenne, gérée par M.A..., pour une armurerie située à Cayenne. Si le retrait de la première autorisation n'a pas été attaqué, le retrait de la seconde a fait l'objet devant le tribunal administratif de la Guyane d'un recours pour excès de pouvoir et d'une requête en référé tendant à la suspension de son exécution, présentés par M. A... et la SARL A.B. Cayenne. Le ministre de l'intérieur se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 22 février 2019 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif, statuant sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, a suspendu l'exécution de la décision du 30 novembre 2018 en tant qu'elle prononçait ce retrait.
5. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que, pour procéder au retrait des autorisations délivrées aux sociétés A.B. Cayenne et à M. A...en qualité d'exploitant individuel de l'Armurerie du Maroni, le ministre de l'intérieur s'est fondé sur des motifs d'ordre et de sécurité publics tenant, en premier lieu, à ce que, des raisons de santé ayant éloigné M. A...de la gestion effective des deux établissements de Saint-Laurent-du-Maroni et de Cayenne, il en avait confié de fait la gérance à son épouse, qui ne détenait pas les diplômes, titres ou certificats de qualification nécessaires, en deuxième lieu, à ce que deux des employés de l'établissement de Saint-Laurent-du-Maroni avaient profité de cette situation pour établir de fausses déclarations d'acquisition et pour vendre des armes à des étrangers sans titre de séjour ou résidant au Suriname, faits pour lesquels une procédure judiciaire avait été diligentée à leur encontre, enfin, à ce que M. A...reconnaissait avoir établi par le passé des faux en écriture pour vendre des armes à des personnes qui ne pouvaient légalement en acquérir. Le juge des référés du tribunal administratif de Cayenne a retenu que les malversations commises par deux employés de l'établissement de Saint-Laurent-du-Maroni ne pouvaient être retenues pour apprécier la gestion de la SARL A.B. Cayenne et en a déduit qu'était, en l'état de l'instruction, propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée le moyen tiré de ce que les faits reprochés au gérant de cette société ne pouvaient être regardés comme des raisons d'ordre ou de sécurité publics susceptibles de justifier légalement le retrait d'autorisation relatif à l'armurerie de Cayenne.
6. Toutefois, les dispositions citées ci-dessus de l'article R. 313-38 du code de la sécurité intérieure ne font pas obstacle à ce que les motifs d'ordre ou de sécurité publics justifiant la mesure de retrait d'autorisation concernant une entreprise qui se livre à la fabrication ou au commerce des armes puissent être appréciés en tenant compte des circonstances propres à la gestion d'une autre entreprise se livrant à la même activité lorsque celle-ci est confiée à une même personne.
7. Il suit de là qu'en refusant de tenir compte, pour apprécier la légalité du retrait de l'autorisation de commerce d'armes, d'éléments d'armes et de munitions accordée à la société A.B. Cayenne, de circonstances propres à la gestion de l'établissement Armurerie du Maroni, alors qu'il ressortait des pièces du dossier qui lui était soumis que la gestion de ces deux établissements était assurée par la même personne, le juge des référés a commis une erreur de droit qui justifie, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, que son ordonnance soit annulée en tant qu'elle statue sur la suspension du retrait en cause.
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de statuer sur la demande de suspension présentée par M. A...et par la SARL A. B. Cayenne devant le juge des référés du tribunal administratif de la Guyane.
9. M. A...et la SARL A. B. Cayenne soutiennent que la décision contestée est insuffisamment motivée, que l'autorisation en cause avait été délivrée à une personne morale distincte de la personne de son gérant, de sorte qu'aucune décision de retrait d'autorisation visant la société A.B. Cayenne n'existe, que la décision dont la suspension est demandée est entachée d'une erreur de fait et d'une erreur manifeste d'appréciation et qu'elle présente un caractère disproportionné. Aucun de ces moyens ne paraît, en l'état de l'instruction, propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision.
10. L'une des conditions posées par l'article L. 521-1 du code de justice administrative n'étant pas remplie, la demande présentée par M. A...et la SARL A. B. Cayenne tendant à ce que soit ordonnée la suspension de la décision du 30 novembre 2018 par laquelle le ministre de l'intérieur a retiré à la Sarl A.B. Cayenne l'autorisation de commerce d'armes, éléments d'armes et munitions de catégorie B doit être rejetée.
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
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Article 1er : L'ordonnance du 22 février 2019 du juge des référés du tribunal administratif de Cayenne est annulée en tant qu'elle statue sur la suspension de la décision du 30 novembre 2018 du ministre de l'intérieur qui procède au retrait de l'autorisation délivrée le 25 septembre 2017 à la société A.B. Cayenne.
Article 2 : La demande de suspension présentée par M. A...et par la SARL A. B. Cayenne devant le juge des référés du tribunal administratif de la Guyane est rejetée.
Article 3 : Les conclusions présentées par M. A...et par la SARL A. B. Cayenne au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. B...A..., à la SARL Armurerie A...Cayenne et au ministre de l'intérieur.