Par une décision n° 386536 du 30 décembre 2016, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé cet arrêt et a renvoyé l'affaire devant la cour.
Par un nouvel arrêt n° 17VE00124 du 4 décembre 2018, la cour administrative d'appel de Versailles a annulé le jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise et condamné l'Etat à verser à la société Mutuelle du Mans Assurances, venant aux droits de la société Covea Risks, la somme de 1 248 647,14 euros, ainsi que les frais d'expertise.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 4 février et 6 mai 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Mutuelle du Mans Assurances demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt en tant qu'il rejette ses conclusions indemnitaires au titre des dommages aux bâtiments ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code des assurances ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Florian Roussel, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Nicolas Polge, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SARL Didier, Pinet, avocat de la Société Mutuelles Du Mans Assurances.
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'un garage automobile situé à Villiers-le-Bel et exploité par la société Petillon Auto SA a été incendié le 26 novembre 2007, à la suite d'une émeute urbaine. La société Covéa Risks, assureur subrogé dans les droits de l'exploitant, a recherché la responsabilité de l'Etat sur le fondement des dispositions de l'article L. 2216-3 du code général des collectivités territoriales, réclamant à celui-ci la somme de 2 401 580,34 euros. Par un jugement du 5 avril 2012, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande. Par un arrêt du 2 octobre 2014, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé par la société Covea Risks contre ce jugement. Par une décision n° 386536 du 30 décembre 2016, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire devant la cour. Par un arrêt avant-dire droit du 4 juillet 2017, la cour a condamné l'Etat à indemniser les dommages subis par la société Pétillon Auto SA ordonné une expertise aux fins d'évaluer ses préjudices. Par un arrêt du 4 décembre 2018, la cour a condamné l'Etat à verser à la société Mutuelle du Mans Assurances (MMA), venant aux droits de la société Covea Risks, la somme de 1 248 647,14 euros, correspondant aux seules demandes concernant les dommages aux véhicules, les " dommages du contenu " du garage et la perte d'exploitation, à l'exclusion de la demande de l'assureur portant sur les dommages aux bâtiments. La société MMA demande au Conseil d'Etat d'annuler cet arrêt en tant qu'il rejette ses conclusions indemnitaires au titre des dommages aux bâtiments. Le ministre de l'intérieur demande à titre incident l'annulation de cet arrêt en tant qu'il statue sur les conclusions tendant à l'indemnisation des dommages aux véhicules et des " dommages du contenu " du garage.
Sur le pourvoi de la société MMA :
En ce qui concerne la régularité de l'arrêt :
2. Aux termes de l'article R. 711-2 du code de justice administrative : " Toute partie est avertie, par une notification faite par lettre recommandée avec demande d'avis de réception (...), du jour où l'affaire sera appelée à l'audience. / (...) / L'avertissement est donné sept jours au moins avant l'audience " ; qu'aux termes de l'article R. 711-2-1 : " Les parties ou leur mandataire inscrits dans l'application informatique mentionnée à l'article R. 414-1 peuvent être convoqués à l'audience par le moyen de cette application. / (...) / Les dispositions des deuxième et troisième alinéas de l'article R. 611-8-2 sont applicables ". Aux termes de l'article R. 611-8-2 du code de justice administrative, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Toute juridiction peut adresser par le moyen de l'application informatique mentionnée à l'article R. 414-1, à une partie ou à un mandataire qui y est inscrit, toutes les communications et notifications prévues par le présent livre pour tout dossier. Les parties ou leur mandataire sont réputés avoir reçu la communication ou la notification à la date de première consultation du document qui leur a été ainsi adressé, certifiée par l'accusé de réception délivré par l'application informatique, ou, à défaut de consultation dans un délai de deux jours ouvrés à compter de la date de mise à disposition du document dans l'application, à l'issue de ce délai. (...) ". Il résulte de la combinaison de ces dispositions que lorsqu'un avis d'audience est envoyé au mandataire d'une partie via l'application télérecours et que ce mandataire ne consulte pas ce document dans le délai de deux jours ouvrés prévu à l'article R. 611-8-2 précité, il est réputé en avoir reçu notification à l'expiration de ce délai.
3. En premier lieu, il ressort, d'une part, des pièces du dossier transmis par la cour administrative d'appel de Versailles que l'avis d'audience a été mis à la disposition du mandataire de la société MMA le 23 octobre 2018. Il résulte de l'accusé de réception délivré par cette application que le mandataire n'a pas consulté ce document dans le délai de deux jours à compter de cette date. Par suite en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article R. 611-8-2 du code de justice administrative, il est réputé en avoir reçu notification à l'expiration de ce délai, soit le 25 octobre. Il ressort, d'autre part, des pièces du dossier que l'audience s'étant tenue le 20 novembre, les dispositions de l'article R. 711-2 du même code selon lesquelles l'avertissement relatif à la date de l'audience est donné au moins sept jours à l'avance ont été respectées. Par suite, la société MMA n'est pas fondée à soutenir que la cour aurait méconnu les dispositions citées au point 2.
4. En second lieu, il appartient au juge administratif de se prononcer sur le bien-fondé des moyens dont il est saisi et, le cas échéant, d'écarter de lui-même, quelle que soit l'argumentation du défendeur, un moyen qui lui paraît infondé au vu de l'argumentation qu'il incombe au requérant de présenter au soutien de ses prétentions. Contrairement à ce qui est soutenu, la cour, en rejetant les conclusions de la société MMA tendant à l'indemnisation du poste de préjudice relatif aux dommages causés aux bâtiments du garage exploité par son assuré, la société Pétillon Auto SA, au motif que ces bâtiments n'appartenaient pas à cette société, n'a, en tout état de cause, pas soulevé d'office un moyen mais a seulement relevé que la société MMA ne remplissait pas l'une des conditions de la mise en jeu de la responsabilité de la puissance publique.
En ce qui concerne le bien-fondé de l'arrêt :
5. Aux termes de l'article 1249 du code civil, dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce : " La subrogation dans les droits du créancier au profit d'une tierce personne qui le paie est conventionnelle ou légale ". Aux termes de l'article L. 112-1 du code des assurances : " L'assurance peut être contractée en vertu d'un mandat général ou spécial ou même sans mandat, pour le compte d'une personne déterminée. Dans ce dernier cas, l'assurance profite à la personne pour le compte de laquelle elle a été conclue, alors même que la ratification n'aurait lieu qu'après le sinistre./ L'assurance peut aussi être contractée pour le compte de qui il appartiendra. La clause vaut, tant comme assurance au profit du souscripteur du contrat que comme stipulation pour autrui au profit du bénéficiaire connu ou éventuel de ladite clause./ Le souscripteur d'une assurance contractée pour le compte de qui il appartiendra est seul tenu au paiement de la prime envers l'assureur ; les exceptions que l'assureur pourrait lui opposer sont également opposables au bénéficiaire du contrat, quel qu'il soit ". Aux termes de l'article L. 121-12 de ce code : " L'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur ".
6. Pour rejeter la demande de la société MMA tendant au remboursement de l'indemnité versée par la société Covéa Risks à la société Pétillon Auto au titre des dommages causés au bâtiment, la cour a relevé que ce bâtiment appartenait à la SCI Pétillon, qui n'était pas l'assurée de la société Covéa Risks, de sorte que la société MMA ne pouvait bénéficier de la subrogation légale sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 121-12 du code des assurances.
7. Le moyen tiré de ce que l'indemnité d'assurance avait été versée sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 112-1 du code des assurances, la société Pétillon Auto SA étant assurée pour le compte de la SCI Pétillon, n'a pas été soulevé devant les juges du fond et ne saurait l'être pour la première fois en cassation. En tout état de cause, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société MMA n'avait pas justifié que l'assurance avait été conclue pour le compte de la SCI Pétillon. Par suite, en s'abstenant de rechercher si la société Pétillon Auto SA n'avait pas conclu avec la société Covéa Risks une assurance pour le compte de la SCI Pétillon, la cour n'a ni insuffisamment motivé son arrêt ni commis d'erreur de droit.
8. La société MMA soutient également que la société Covea Risks était tenue d'indemniser la SCI Pétillon , sur le fondement des articles L. 121-13 et L. 124-3 du code des assurances, dans la mesure où son assurée, la société Pétillon Auto SA était civilement responsable du dommage. Toutefois, ces dispositions n'ont pas été invoquées devant les juges du fond et ne sauraient l'être, pour la première fois, devant le juge de cassation, la société requérante se bornant, comme il a été dit, devant la cour à invoquer le bénéfice de la subrogation légale prévue à l'article L. 121-12 de ce code, sans faire valoir que la responsabilité de la société Pétillon Auto SA était susceptible d'être engagée envers le propriétaire du garage.
9. La société MMA s'étant bornée à soutenir devant la cour que la société Covéa était légalement subrogée, en application de l'article L. 121-12 du code des assurances, dans les droits de la société Pétillon Auto SA, elle ne peut utilement invoquer pour la première fois en cassation le moyen tiré de ce que la société Covea Risks était conventionnement subrogée dans les droits de la SCI Pétillon .
10. Il résulte de tout ce qui précède que la société MMA n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué en tant qu'il rejette ses conclusions indemnitaires au titre des dommages causés aux bâtiments.
Sur le pourvoi incident du ministre de l'intérieur
11. En estimant que la quittance du 22 janvier 2010 produite par la société MMA, portant sur un montant de 396 786,83 euros, signée par le gérant de la société Pétillon Auto SA, était, comme l'avait retenu finalement l'expert, de nature à établir la réalité du paiement de l'indemnité d'assurance en ce qui concerne les dommages aux véhicules, la cour a porté sur les faits de l'espèce une appréciation souveraine exempte de dénaturation.
12. En estimant que les trois quittances subrogatives portant sur des montants de 200 000, 225 000 et 1 254 euros dont se prévalait la société Covéa Risks permettaient de justifier du paiement de l'indemnité d'assurance portant sur les dommages subis par la société Pétillon Auto SA correspondant à la destruction du matériel et des marchandises ainsi qu'aux frais de gardiennage, dès lors que ces quittances avaient été signées par le gérant de cette société et qu'il ressortait du rapport d'expertise que les indemnités versées étaient en cohérence avec les dommages qu'elles avaient pour objet de réparer, la cour n'a pas dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis.
13. Par suite, le pourvoi incident du ministre de l'intérieur doit être rejeté.
Sur les frais du litige :
14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, une somme à ce titre.
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de la société Mutuelle du Mans Assurances est rejeté.
Article 2 : Le pourvoi incident du ministre de l'intérieur est rejeté.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société Mutuelle du Mans Assurances et au ministre de l'intérieur.