Par une décision n° 426501 du 24 avril 2019, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a refusé d'admettre le pourvoi formé par M. A... contre la décision de la Commission centrale d'aide sociale, a refusé de transmettre au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions de l'article 4 de la loi du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques et a rejeté ses conclusions à fin d'indemnisation.
Recours en rectification d'erreur matérielle
Par une requête et dix autres mémoires, enregistrés les 3 juin, 19 décembre, 23 décembre, 24 décembre et 26 décembre 2019 et les 24 juillet, 10 août, 16 novembre, 25 novembre et 1er décembre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... demande au Conseil d'Etat :
1°) de rectifier pour erreur matérielle sa décision n° 426501 du 24 avril 2019 ;
2°) statuant à nouveau sur son pourvoi, de faire droit à ses conclusions.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Pearl Nguyên Duy, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Nicolas Polge, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
Sur les questions prioritaires de constitutionnalité :
1. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé, y compris pour la première fois en cassation, à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ". Il résulte des dispositions de cet article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.
En ce qui concerne la question prioritaire de constitutionnalité relative à l'article 4 de la loi du 31 décembre 1971 :
2. Aux termes du premier alinéa de l'article 4 de la loi du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques : " Nul ne peut, s'il n'est avocat, assister ou représenter les parties, postuler et plaider devant les juridictions et les organismes juridictionnels ou disciplinaires de quelque nature que ce soit, sous réserve des dispositions régissant les avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ". Ces dispositions, éclairées par leurs travaux préparatoires, ont pour effet de réserver aux seuls avocats de l'ordre des avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation la représentation des parties devant le Conseil d'Etat lorsque le ministère d'avocat est rendu obligatoire par les règles de procédure applicables, ainsi que la faculté de plaider à l'audience devant le Conseil d'Etat.
3. Aux termes des dispositions de l'article L. 111-1 du code de justice administrative : " Le Conseil d'Etat est la juridiction administrative suprême. Il statue souverainement sur les recours en cassation dirigés contre les décisions rendues en dernier ressort par les diverses juridictions administratives ainsi que sur ceux dont il est saisi en qualité de juge de premier ressort ou de juge d'appel ". Eu égard aux spécificités des règles de procédure devant le Conseil d'Etat, comme devant la Cour de cassation, le monopole de la représentation et de la prise de parole par des avocats spécialisés, qui répond à l'objectif de valeur constitutionnelle de bonne administration de la justice et vise à garantir l'exercice effectif de leurs droits par les parties, ne méconnaît, par suite, ni le droit des parties à un recours juridictionnel effectif ni les droits de la défense. Pour les mêmes motifs, les restrictions qu'il introduit dans l'exercice de la profession d'avocat ne portent pas d'atteinte injustifiée à l'égalité de traitement entre les avocats, ni d'atteinte disproportionnée à la liberté d'entreprendre de ces derniers.
4. Il résulte de ce qui précède que la question soulevée, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux. Par suite, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur sa recevabilité, il n'y a pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel.
En ce qui concerne la question prioritaire de constitutionnalité relative à l'article 23 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique :
5. Aux termes de l'article 23 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Les décisions du bureau d'aide juridictionnelle, de la section du bureau ou de leur premier président peuvent être déférées, selon le cas, au président de la cour d'appel ou de la Cour de cassation, au président de la cour administrative d'appel, au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat, au président du Tribunal des conflits, au président de la Cour nationale du droit d'asile ou au membre de la juridiction qu'ils ont délégué. Ces autorités statuent sans recours. / Les recours contre les décisions du bureau d'aide juridictionnelle peuvent être exercés par l'intéressé lui-même lorsque le bénéfice de l'aide juridictionnelle lui a été refusé, ne lui a été accordé que partiellement ou lorsque ce bénéfice lui a été retiré / (...) ".
6. En premier lieu, eu égard tant à l'objectif du dispositif d'aide juridictionnelle mis en place par le législateur, destiné à garantir l'effectivité du droit au recours juridictionnel pour les personnes dont les ressources sont insuffisantes pour faire valoir leurs droits en justice, qu'aux garanties substantielles que ce dispositif leur offre, tenant, d'une part, à la composition des organes collégiaux chargés de statuer sur l'octroi de l'aide juridictionnelle, que président des magistrats judiciaires, des magistrats administratifs ou des membres du Conseil d'Etat et, d'autre part, à ce que les décisions de refus de l'aide juridictionnelle peuvent faire l'objet d'un recours devant le président de la juridiction compétente pour connaître de l'action envisagée, la circonstance que les décisions d'administration judiciaire par lesquelles les présidents de juridiction statuent sur de tels recours ne sont pas, elles-mêmes, susceptibles de recours ne porte pas atteinte aux droits de la défense et ne méconnaît ni le droit à un recours juridictionnel effectif ni le droit à un procès équitable.
7. En second lieu, le grief tiré de ce que les dispositions de l'article 23 de la loi du 10 juillet 1991 porteraient atteinte aux droits et libertés garantis par les articles 1er, 6 et 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ainsi que par l'article 34 de la Constitution n'est pas assorti de précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé.
8. Il résulte de ce qui précède que la question soulevée, qui n'est pas nouvelle, ne présente par un caractère sérieux. Par suite, il n'y a pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel.
Sur le recours en rectification d'erreur matérielle :
9. Aux termes du premier alinéa de l'article R. 833-1 du code de justice administrative : " Lorsqu'une décision d'une cour administrative d'appel ou du Conseil d'Etat est entachée d'une erreur matérielle susceptible d'avoir exercé une influence sur le jugement de l'affaire, la partie intéressée peut introduire devant la juridiction qui a rendu la décision un recours en rectification ".
10. Il résulte de ces dispositions que le recours en rectification d'erreur matérielle n'est ouvert qu'en vue de corriger des erreurs de caractère matériel qui ne sont pas imputables aux parties et qui ont pu avoir une influence sur le sens de la décision. L'omission de répondre à un moyen constitue en principe, dès lors qu'il n'y a pas lieu de se livrer à une appréciation d'ordre juridique pour interpréter les moyens soulevés, une erreur matérielle susceptible d'être rectifiée par la voie du recours prévu à l'article R. 833-1 du code de justice administrative. Toutefois, dans le cas où le moyen oublié est inopérant, l'omission d'y répondre ne peut avoir exercé d'influence sur le jugement de l'affaire et ne saurait, par suite, être corrigée par la voie du recours en rectification d'erreur matérielle.
11. En premier lieu, à supposer même que M. A... ait soulevé, dans un mémoire produit le 11 février 2019 au cours de l'instance ayant donné lieu à la décision attaquée, le moyen tiré de ce que la décision du 1er avril 2016 de la commission départementale d'aide sociale de Paris avait méconnu le droit à un procès équitable, un tel moyen, qui n'était pas dirigé contre la décision de la Commission centrale d'aide sociale dont M. A... demandait l'annulation, était, par suite, inopérant. Dès lors, la circonstance que la décision du 24 avril 2019 du Conseil d'Etat statuant au contentieux ne se soit pas prononcée sur le caractère sérieux de ce moyen n'a pas exercé d'influence sur le jugement de l'affaire.
12. En deuxième lieu, en jugeant, par cette décision, que les autres moyens présentés par M. A... à l'appui de son pourvoi ne présentaient pas de caractère sérieux au sens de l'article L. 822-1 du code de justice administrative, le Conseil d'Etat statuant au contentieux s'est livré à une appréciation d'ordre juridique que M. A... n'est pas recevable à remettre en cause par la voie d'un recours en rectification d'erreur matérielle.
13. Enfin, si M. A... soutient que le Conseil d'Etat statuant au contentieux aurait insuffisamment motivé sa décision, la circonstance qu'une décision juridictionnelle n'indique pas avec une précision suffisante les motifs de fait et de droit pour lesquels elle accueille ou écarte un moyen ne peut être regardée comme l'entachant d'une erreur matérielle au sens des dispositions, citées ci-dessus, de l'article R. 833-1 du code de justice administrative.
14. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il y ait lieu de surseoir à statuer jusqu'à ce que le bureau d'aide juridictionnelle du Conseil d'Etat se soit prononcé sur la troisième demande introduite par l'intéressé après le rejet, par les décisions du président de la section du contentieux du Conseil d'Etat des 4 mai et 1er octobre 2020, des deux recours introduits contre les deux refus opposés par le bureau d'aide juridictionnelle du Conseil d'Etat les 10 avril et 26 août 2020, que le recours en rectification d'erreur matérielle formé par M. A... ne peut qu'être rejeté.
D E C I D E :
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Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel les questions prioritaires de constitutionnalité soulevées par M. A....
Article 2 : La requête de M. A... est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. B... A....
Copie en sera adressée à la caisse primaire d'assurance maladie de Paris, au Conseil constitutionnel et au garde des sceaux, ministre de la justice.