3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la directive 98/34/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 juin 1998 ;
- la directive 98/70/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 octobre 1998 ;
- la directive 2009/30/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2009 ;
- le décret n° 62-1297 du 7 novembre 1962 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Cyrille Beaufils, auditeur,
- les conclusions de M. Xavier de Lesquen, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Garreau, Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, avocat de l'Union française des industries pétrolières et autres ;
1. Considérant que l'Union française des industries pétrolières (UFIP) demande d'annuler pour excès de pouvoir, d'une part, l'arrêté du 31 décembre 2014 du ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, du ministre des finances et des comptes publics et du ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique modifiant l'arrêté du 23 décembre 1999 relatif aux caractéristiques du gazole et du gazole grand froid et, d'autre part, l'arrêté du 31 décembre 2014 des mêmes ministres modifiant l'arrêté du 30 juin 2010 relatif aux caractéristiques des esters méthyliques d'acides gras (EMAG) ;
Sur les interventions :
2. Considérant qu'eu égard à la nature et à l'objet du litige, le Conseil national des professionnels de l'automobile, la Fédération nationale des distributeurs indépendants d'énergies et la Fédération française de l'artisanat automobile justifient d'un intérêt suffisant à demander l'annulation des arrêtés attaqués ; que la société Avril justifie également d'un intérêt suffisant au maintien des arrêtés attaqués ; qu'ainsi, leurs interventions sont recevables ;
Sur la légalité de l'arrêté du 31 décembre 2014 modifiant l'arrêté du 23 décembre 1999 relatif aux caractéristiques du gazole et du gazole grand froid :
3. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la directive 98/34/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 juin 1998 prévoyant une procédure d'information dans le domaine des normes et réglementations techniques, alors applicable : " 1. Sous réserve de l'article 10, les États membres communiquent immédiatement à la Commission tout projet de règle technique, sauf s'il s'agit d'une simple transposition intégrale d'une norme internationale ou européenne, auquel cas une simple information quant à la norme concernée suffit. Ils adressent également à la Commission une notification concernant les raisons pour lesquelles l'établissement d'une telle règle technique est nécessaire, à moins que ces raisons ne ressortent déjà du projet. / Le cas échéant, et à moins qu'il n'ait été transmis en liaison avec une communication antérieure, les États membres communiquent en même temps le texte des dispositions législatives et réglementaires de base principalement et directement concernées, si la connaissance de ce texte est nécessaire pour l'appréciation de la portée du projet de règle technique. / Les États membres procèdent à une nouvelle communication dans les conditions énoncées ci-dessus s'ils apportent au projet de règle technique, d'une manière significative, des changements qui auront pour effet de modifier le champ d'application, d'en raccourcir le calendrier d'application initialement prévu, d'ajouter des spécifications ou des exigences ou de rendre celles-ci plus strictes. (...) / La Commission porte aussitôt le projet de règle technique et tous les documents qui lui ont été communiqués à la connaissance des autres États membres. Elle peut aussi soumettre le projet pour avis au comité visé à l'article 5 et, le cas échéant, au comité compétent dans le domaine en question. (...) / 2. La Commission et les États membres peuvent adresser à l'État membre qui a fait part d'un projet de règle technique des observations dont cet État membre tiendra compte dans la mesure du possible lors de la mise au point ultérieure de la règle technique. / 3. Les États membres communiquent sans délai à la Commission le texte définitif d'une règle technique. (...) " ; qu'aux termes de son article 9 : " 1. Les États membres reportent l'adoption d'un projet de règle technique de trois mois à compter de la date de la réception par la Commission de la communication prévue à l'article 8, paragraphe 1. (...) " ; que constitue une règle technique au sens de la directive, selon les termes du 9) de son article 1er, " une spécification technique ou une autre exigence, y compris les dispositions administratives qui s'y appliquent, dont l'observation est obligatoire, de jure ou de facto, pour la commercialisation ou l'utilisation dans un Etat membre ou dans une partie importante de cet Etat (...) " ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article 4, " Carburants diesel ", de la directive 98/70/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 octobre 1998 concernant la qualité de l'essence et des carburants diesel, dans sa rédaction en vigueur : " 1. Les États membres veillent à ce que les carburants diesel ne puissent être mis sur le marché sur leur territoire que s'ils sont conformes aux spécifications fixées à l'annexe II. / Nonobstant les prescriptions de l'annexe II, les États membres peuvent autoriser la mise sur le marché de carburants diesel dont la teneur en esters méthyliques d'acides gras (EMAG) est supérieure à 7 %. (...) " ; que l'annexe II de cette directive fixe la teneur maximale en esters méthyliques d'acides gras du gazole à 7 % ;
5. Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 8 de la directive 98/34/CE rappelées au point 3 que tout Etat membre qui souhaite adopter une nouvelle règle technique ou modifier une règle technique existante doit, sauf s'il s'agit d'une simple transposition intégrale d'une norme internationale ou européenne, en informer la Commission européenne, dans les conditions prévues par cet article ; que cette obligation est prescrite à peine d'irrégularité de l'acte édictant cette règle ;
6. Considérant qu'en portant de 7 % à 8 % la teneur maximale en esters méthyliques d'acides gras du gazole et du gazole grand froid, l'arrêté attaqué soumet la commercialisation de ces carburants à une spécification technique dont l'observation est obligatoire pour leur commercialisation ou leur utilisation ; qu'il doit, dès lors, être regardé comme comportant une règle technique, au sens de l'article 8 de la directive 98/34/CE ; que la circonstance que les dispositions du § 1 de l'article 4 de la directive 98/70/CE autoriseraient les Etats membres à permettre la mise sur le marché de carburants diesel dont la teneur en esters méthyliques d'acides gras est supérieure à 7 % ne saurait faire regarder l'acte par lequel cette règle est édictée comme la simple transposition intégrale de celles-ci ; que l'arrêté attaqué devait, par suite, être précédé de la procédure de communication et de notification prévue à l'article 8 de la directive ; que si le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie fait valoir, à titre subsidiaire, que le projet de règle technique dont s'agit aurait été préalablement porté à la connaissance des services de la Commission européenne, l'envoi, par le secrétaire général des affaires européennes à l'ambassadeur représentant permanent de la France auprès de l'Union européenne, d'une note et d'un projet d'arrêté afin qu'ils soient transmis à la Commission européenne ne saurait être regardé comme ayant tenu lieu de la procédure de communication et de notification ainsi prévue par la directive 98/34/CE ; que si le ministre fait valoir que la Commission européenne aurait été informée de l'intention des autorités françaises de prendre un tel arrêté, il résulte en tout état de cause des termes du courriers adressé par la Commission européenne le 17 septembre 2014 au représentant permanent de la France auprès de l'Union européenne que le directeur général " action pour le climat " formule des observations générales rappelant les conditions à remplir " si la France décide de mettre du diésel ayant une teneur en EMAG de 8 % sur le marché " ; qu'ainsi la Commission n'a nullement estimé, par le courrier en cause, avoir reçu une notification régulière au titre des dispositions de l'article 8 de la directive 98/34/CE ; que, dans les circonstances de l'espèce, par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, l'UFIP est fondée, pour ce motif, à demander l'annulation de l'arrêté qu'elle attaque ;
Sur la légalité de l'arrêté du 31 décembre 2014 modifiant l'arrêté du 30 juin 2010 relatif aux caractéristiques des esters méthyliques d'acides gras :
7. Considérant qu'en raison des effets qui s'y attachent, l'annulation pour excès de pouvoir d'un acte administratif, qu'il soit ou non réglementaire, emporte, lorsque le juge est saisi de conclusions recevables, l'annulation par voie de conséquence des décisions administratives consécutives qui n'auraient pu légalement être prises en l'absence de l'acte annulé ou qui sont en l'espèce intervenues en raison de l'acte annulé ; qu'il en va ainsi, notamment, des décisions qui ont été prises en application de l'acte annulé et de celles dont l'acte annulé constitue la base légale ;
8. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'arrêté du 31 décembre 2014 modifie, à l'annexe I de l'arrêté du 30 juin 2010 relatif aux caractéristiques des esters méthyliques d'acides gras, le tableau de prescriptions techniques s'appliquant à ceux-ci afin d'en améliorer la résistance au froid et de permettre ainsi la commercialisation de gazoles en contenant jusqu'à 8 % sans risque de problèmes techniques avec les véhicules commercialisés ou circulant en France ; que cet arrêté doit ainsi être regardé comme ayant été pris en raison de l'arrêté du 31 décembre 2014 modifiant l'arrêté du 23 décembre 1999 relatif aux caractéristiques du gazole et du gazole grand froid et portant de 7 % à 8 % la teneur maximale en esters méthyliques d'acides gras du gazole et du gazole grand froid ; que la requérante est, par suite, fondée à en demander l'annulation par voie de conséquence de l'annulation de ce dernier ;
9. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à l'UFIP, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
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Article 1er : Les interventions du Conseil national des professionnels de l'automobile, de la Fédération nationale des distributeurs indépendants d'énergies, de la Fédération française de l'artisanat automobile et de la société Avril sont admises.
Article 2 : L'arrêté du 31 décembre 2014 modifiant l'arrêté du 23 décembre 1999 relatif aux caractéristiques du gazole et du gazole grand froid et l'arrêté du 31 décembre 2014 modifiant l'arrêté du 30 juin 2010 relatif aux caractéristiques des esters méthyliques d'acides gras sont annulés.
Article 3 : L'Etat versera à l'UFIP une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à l'Union française des industries pétrolières, à la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, au ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, au Conseil national des professionnels de l'automobile, à la Fédération nationale des distributeurs indépendants d'énergies, à la Fédération française de l'artisanat automobile et à la société Avril.
Copie en sera adressée au ministre des finances et des comptes publics.