Résumé de la décision :
Cette affaire concerne un litige entre la société Electricité de France (EDF) et la Compagnie nationale du Rhône (CNR) lié à des opérations de "chasse" réalisées par EDF sur les barrages de l'Isère en 2008, qui ont entraîné un envasement des installations hydrauliques de la CNR sur le Rhône. La CNR a demandé une indemnisation pour les dommages subis, EDF ayant été condamnée par le tribunal administratif de Grenoble. En appel, la cour administrative d'appel de Lyon a annulé ce jugement et rejeté la demande d'indemnisation de la CNR. La CNR s'est pourvue en cassation, arguant que la responsabilité d'EDF était engagée, même sans faute de sa part. La décision de la cour administrative d'appel de Lyon a été annulée par le Conseil d'État, qui a reconnu que les dommages subis par la CNR constituaient un dommage accidentel et non lié à l'état normal des ouvrages.
Arguments pertinents :
1. Responsabilité sans faute : Le maître de l'ouvrage (EDF, dans ce cas) est responsable des dommages causés par ses ouvrages publics. La décision souligne que cette responsabilité est engagée même en l'absence de faute, ce qui est confirmé par le passage suivant : "Le maître de l'ouvrage est responsable, même en l'absence de faute, des dommages que les ouvrages publics dont il a la garde peuvent causer aux tiers."
2. Caractère accidentel des dommages : Le Conseil d'État a mis en avant le fait que les dommages subis par la CNR étaient la conséquence directe des opérations de chasse effectuées par EDF. Il a ainsi contesté la qualification des dommages par la cour d'appel, soulignant que ceux-ci présentaient bien un caractère accidentel, se fondant sur les faits établis par le rapport d'expert, ce qui a conduit à l'annulation de l'arrêt de la cour d'appel.
3. Caractère exceptionnel des circonstances : Le Conseil d'État a noté que la nature exceptionnelle de l'accumulation des sédiments et le débit réduit du Rhône avaient contribué aux dommages, dénotant que la responsabilité d'EDF ne pouvait être écartée.
Interprétations et citations légales :
1. Responsabilité sans faute (Code civil - Article 1386) : Le principe de responsabilité sans faute, ici appliqué, est une application du droit administratif qui se fonde sur le fait que la détention d'un ouvrage public expose son exploitant à des responsabilités en cas de préjudice : "Il ne peut dégager sa responsabilité que s'il établit que ces dommages résultent de la faute de la victime ou d'un cas de force majeure."
2. Caractère accidentel des dommages : Cette notion est importante car elle relaxe la victime (CNR) de prouver la gravité ou le caractère spécial de son préjudice. Le Conseil d'État souligne que : "Ces tiers ne sont pas tenus de démontrer le caractère grave et spécial du préjudice qu'ils subissent lorsque le dommage présente un caractère accidentel."
3. Article L. 761-1 du code de justice administrative : Les dispositions de cet article ont été citées pour justifier la mise à la charge d'EDF des frais d'indemnisation dus à CNR, renforçant ainsi la réparation pour la victime d'un dommage causé par un ouvrage public : "Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société EDF la somme de 3 500 euros."
En conclusion, cette décision met en avant le cadre de responsabilité applicable aux ouvrages publics, illustrant comment même l'absence de faute de la part de l'exploitant d'un ouvrage n'épargne pas celui-ci d'une obligation d'indemnisation lorsque des dommages accidentels en résultent.