Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la défense ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le décret n° 2008-961 du 12 septembre 2008 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Frédéric Gueudar Delahaye, conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Marc Pichon de Vendeuil, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B... a été recruté le 5 septembre 2002 pour une durée de quatre ans, en qualité d'engagé volontaire fusilier au sein de l'armée de l'air. Après trois renouvellements successifs, le ministre de la défense a décidé, le 13 février 2017, de ne pas renouveler le contrat de M. B... à l'échéance du 4 septembre 2017 et de rayer l'intéressé des contrôles de l'armée de l'air à cette date. Par une décision implicite, née après la saisine de la commission des recours des militaires, la ministre des armées a rejeté le recours administratif préalable de M. B... contre sa décision de ne pas renouveler son contrat. La ministre des armées se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 16 mars 2021 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté son appel formé contre le jugement du 23 mai 2019 par lequel le tribunal administratif de Rennes a fait droit à la demande de M. B... tendant à l'annulation de cette décision implicite. Son pourvoi doit être regardé comme dirigé contre les articles 1er et 2 de cet arrêt, qui seuls lui font grief.
2. Aux termes de l'article 19 du décret du 12 septembre 2008 relatif aux militaires engagés : " Pour les contrats d'une durée égale ou supérieure à un an, le ministre de la défense, ou le ministre de l'intérieur pour les militaires engagés de la gendarmerie nationale, notifie par écrit son intention de renouveler ou non le contrat d'engagement d'un militaire au moins six mois avant le terme. / Le militaire engagé à qui est proposé le renouvellement du contrat dispose d'un délai d'un mois pour faire connaître son acceptation par écrit. L'absence de réponse dans ce délai vaut renonciation. En cas de renouvellement, le contrat prend effet le lendemain de la date d'expiration du contrat précédent ".
3. L'administration peut toujours, pour des motifs tirés de l'intérêt du service ou pris en considération de la personne, qu'ils aient ou non un caractère disciplinaire, ne pas renouveler le contrat d'un agent public recruté pour une durée déterminée et, par là même, mettre fin aux fonctions de l'intéressé.
4. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à la suite du jugement avant dire droit du 21 juin 2018, la ministre des armées a informé le tribunal administratif de Rennes, après avoir saisi la commission consultative du secret de la défense nationale, qui a émis le 20 septembre 2018 un avis défavorable à la déclassification des documents concernant M. B..., que la décision contestée a été prise au motif qu'une enquête a permis de mettre en évidence de " potentielles vulnérabilités " de l'intéressé et qu'eu égard à la sensibilité, d'une part, de la spécialité qu'il exerce et, d'autre part, des sites sur lesquels il est amené à intervenir, elle ne pouvait pas prendre le risque de procéder au renouvellement de son contrat. En estimant que la ministre des armées se bornait à faire valoir des éléments très généraux pour en conclure que la réalité des motifs ayant conduit au non-renouvellement du contrat de l'intéressé n'était pas établie, alors que la sensibilité particulière des fonctions de celui-ci justifiait que l'autorité militaire prenne les précautions requises au vu de la vulnérabilité identifiée, la cour administrative d'appel de Nantes a dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis. Par suite, la ministre des armées est fondée à demander l'annulation des articles 1er et 2 de l'arrêt qu'elle attaque, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen de son pourvoi.
5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond dans cette mesure, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.
6. Ainsi qu'il a été dit au point 4, les vulnérabilités liées au comportement personnel de M. B... mises en évidence par l'enquête administrative étaient, compte tenu de la sensibilité des sites sur lesquels sa spécialité le conduisait à intervenir, de nature à justifier le non-renouvellement de son contrat. Par suite, c'est à tort que le tribunal administratif de Rennes a estimé, dans son jugement du 23 mai 2019, que l'administration n'apportait pas d'éléments de nature à établir les motifs sur lesquels était fondée la décision de non-renouvellement du contrat de M. B....
7. Toutefois, il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'autre moyen soulevé par M. B... devant le tribunal administratif de Rennes.
8. Aux termes de l'article L. 242-1 du code des relations entre le public et l'administration aux termes desquelles : " L'administration ne peut abroger ou retirer une décision créatrice de droits de sa propre initiative ou sur la demande d'un tiers que si elle est illégale et si l'abrogation ou le retrait intervient dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision ". M. B... soutient que la décision refusant de renouveler son contrat méconnaît ces dispositions en ce qu'elle a pour effet de retirer la proposition de renouvellement de contrat que lui a faite le ministre chargé de la défense sur le fondement des dispositions de l'article 19 du décret du 12 septembre 2008, citées au point 2. Ce moyen est toutefois inopérant dès lors qu'une telle proposition ne constitue pas une décision créatrice de droits.
9. Il résulte de ce qui précède que la ministre des armées est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a annulé la décision par laquelle elle a refusé de renouveler le contrat de M. B....
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
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Article 1er : Les articles 1er et 2 de l'arrêt du 16 mars 2021 de la cour administrative d'appel de Nantes et le jugement du 23 mai 2019 du tribunal administratif de Rennes sont annulés.
Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Rennes et ses conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative présentées devant la cour administrative d'appel de Nantes sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la ministre des armées et à M. A... B....
Délibéré à l'issue de la séance du 18 février 2022 où siégeaient : M. Olivier Japiot, président de chambre, présidant ; M. Gilles Pellissier, conseiller d'Etat et M. Frédéric Gueudar Delahaye, conseiller d'Etat-rapporteur.
Rendu le 9 mars 2022.
Le président :
Signé : M. Olivier Japiot
Le rapporteur :
Signé : M. Frédéric Gueudar Delahaye
La secrétaire :
Signé : Mme D... C...