Résumé de la décision
Le Conseil d'État a examiné les recours formés par M. B..., qui contestait la constitutionnalité de plusieurs dispositions de l'ordonnance du 19 septembre 1945 relative à l'institution de l'ordre des experts-comptables. Le requérant soutenait que ces dispositions méconnaissaient le principe non bis in idem et le principe de nécessité des délits et des peines garantis par l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, en ne prévoyant pas de restrictions sur le cumul des sanctions disciplinaires. En conclusion, le Conseil d'État a décidé qu'il n'y avait pas lieu de renvoyer la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel, estimant que la question soulevée ne présentait pas un caractère sérieux.
Arguments pertinents
1. Cumul des sanctions : Le Conseil d'État a relevé que M. B... ne critiquait que le silence de l'ordonnance concernant le cumul des sanctions disciplinaires, sans remettre en cause les dispositions des lois définissant d'autres types de sanctions. Il a affirmé que le principe de nécessité des délits et des peines ne s'oppose pas à ce que les mêmes faits puissent faire l'objet de poursuites distinctes :
> « Le principe de nécessité des délits et des peines ne fait pas obstacle à ce que les mêmes faits commis par une même personne puissent faire l'objet de poursuites différentes aux fins de sanctions de nature différente en application de corps de règles distincts. »
2. Rôle des autorités disciplinaires : Le Conseil a également souligné que les organes disciplinaires spécifiques à la profession veillent à ce que le cumul des sanctions n’excède pas le montant le plus élevé d’une des sanctions encourues, ce qui garantit un équilibre :
> « Il appartient aux autorités juridictionnelles et disciplinaires compétentes de veiller au respect de l'exigence selon laquelle, lorsque plusieurs sanctions de même nature prononcées pour un même fait sont susceptibles de se cumuler, le montant global des sanctions éventuellement prononcées ne dépasse pas le montant le plus élevé de l'une des sanctions encourues. »
3. Protection des intérêts professionnels : Le Conseil a également noté que les sanctions disciplinaires sont spécifiques à chaque profession et visent à protéger les intérêts sociaux et éthiques de la profession, ce qui justifie le cadre du droit disciplinaire :
> « L'ordre des experts-comptables [...] a pour objet d'assurer la défense de l'honneur et de l'indépendance de la profession qu'il représente ainsi que, dans ses fonctions disciplinaires, le contrôle du respect, par ces professionnels, des obligations auxquelles ils sont ainsi soumis. »
Interprétations et citations légales
1. Ordonnance n° 45-2138 - Article 53 : Cet article régule les sanctions disciplinaires pour les experts-comptables et évoque différents types de sanctions possibles (réprimande, suspension, radiation, etc.). Il est important de noter que ces sanctions visent à réprimer des manquements spécifiques aux obligations déontologiques de la profession.
2. Déclaration des droits de l'homme et du citoyen - Article 8 : Cet article garantit le principe de nécessité des délits et des peines, stipulant que nul ne peut être puni sans une loi ayant déterminé une infraction et une peine. Le Conseil d'État a interprété cet article en se fondant sur une jurisprudence antérieure, précisant que plusieurs corps de règles distincts peuvent coexister.
3. Ordonnance n° 58-1067 - Article 23-5 : Cet article stipule que les questions de constitutionnalité peuvent être soulevées lors d'instances devant le Conseil d'État, précisant ainsi la procédure pour contester une disposition législative. Le Conseil a appliqué ces critères et a jugé la question de M. B... comme non sérieuse.
En somme, la décision repose sur une analyse équilibrée des principes de droits disciplinaire et pénal, affirmant ainsi la légitimité et la spécificité des normes encadrant le métier d'expert-comptable.