Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, notamment ses articles 49 et 54 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Vincent Uher, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public.
1. Considérant que l'association dénommée Office de coordination bancaire et financière demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir le § 100 de l'instruction fiscale publiée le 3 septembre 2014 au bulletin officiel des finances publiques - impôts sous la référence BOI-IS-AUT-20, en tant qu'il englobe le chiffre d'affaires d'exploitations étrangères, non soumises à l'impôt sur les sociétés en France, pour déterminer l'assujettissement à la contribution exceptionnelle sur l'impôt sur les sociétés prévue à l'article 235 ter ZAA du code général des impôts ;
Sur le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 235 ter ZAA du code général des impôts :
2. Considérant qu'aux termes du I de l'article 235 ter ZAA du code général des impôts : " Les redevables de l'impôt sur les sociétés réalisant un chiffre d'affaires supérieur à 250 millions d'euros sont assujettis à une contribution exceptionnelle égale à une fraction de cet impôt calculé sur leurs résultats imposables (...) / Le chiffre d'affaires mentionné au premier alinéa du présent I s'entend du chiffre d'affaires réalisé par le redevable au cours de l'exercice ou de la période d'imposition, ramené à douze mois le cas échéant, et pour la société mère d'un groupe mentionné à l'article 223 A ou à l'article 223 A bis, de la somme des chiffres d'affaires de chacune des sociétés membres de ce groupe " ;
3. Considérant que le § 100 de l'instruction fiscale du 3 septembre 2014 référencée BOI-IS-AUT-20 énonce que : " La condition tenant au chiffre d'affaires ayant pour objet d'apprécier l'importance de l'entreprise, la limite de 250 millions d'euros s'apprécie par référence aux recettes retirées de l'ensemble des opérations réalisées par le redevables dans le cadre de son activité professionnelle, quel que soit le régime fiscal applicable au résultat de ces opérations. Ainsi, il doit être tenu compte non seulement du produit des opérations, définies au I-C-1 § 80 à 90, imposables aux taux de droit commun ou, le cas échéant, au taux réduit sur les produits et plus-values nettes soumis au régime des plus ou moins-values à long terme, mais également du chiffre d'affaires réalisé dans le cadre d'opérations dont le résultat bénéficie d'un régime d'imposition particulier, d'une exonération ou est placé hors du champ d'application de l'IS. / Il en résulte notamment que les sociétés (françaises ou étrangères, exerçant leur activité en France et hors de France) sont visées par la présente mesure, si le chiffre d'affaires qu'elles retirent de l'ensemble de leurs opérations atteint plus de 250 millions d'euros au titre de l'exercice ou de la période d'imposition considéré " ;
4. Considérant qu'en application de l'article 235 ter ZAA précité, l'assujettissement à la contribution exceptionnelle sur l'impôt sur les sociétés repose sur la qualité de redevable de l'impôt sur les sociétés et sur la réalisation d'un chiffre d'affaires annuel d'au moins 250 millions euros ; que, par suite, c'est sans méconnaître cet article que le paragraphe 100 de l'instruction a précisé que le seuil de chiffre d'affaires de 250 millions d'euros s'apprécie par référence aux recettes retirées de l'ensemble des opérations réalisées par le redevable dans le cadre de son activité professionnelle, exercée en France et hors de France, quel que soit le régime fiscal du résultat des opérations correspondant à ce chiffre d'affaires ;
Sur le moyen tiré de la méconnaissance du principe de liberté d'établissement découlant de l'article 49 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne :
5. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 49 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " (...) les restrictions à la liberté d'établissement des ressortissants d'un Etat membre dans le territoire d'un autre Etat membre sont interdites. Cette interdiction s'étend également aux restrictions à la création d'agences, de succursales ou de filiales, par les ressortissants d'un Etat membre établis sur le territoire d'un Etat membre " ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article 54 du même traité : " Les sociétés constituées en conformité de la législation d'un Eat membre et ayant leur siège statutaire, leur administration centrale ou leur principal établissement à l'intérieur de l'Union sont assimilées, pour l'application des dispositions du présent chapitre, aux personnes physiques ressortissantes des Etats membres " ; que le principe de liberté d'établissement, qui découle de ces stipulations, s'oppose à l'application de toute réglementation nationale qui, en restreignant la possibilité pour les opérateurs économiques établis dans un Etat membre de choisir librement la forme juridique appropriée pour l'exercice de leurs activités dans un autre Etat membre, interdit, gêne ou rend moins attrayant l'exercice de la liberté d'établissement ;
6. Considérant que l'association requérante soutient que le principe de liberté d'établissement impose que l'établissement stable français d'une société étrangère et la société française filiale d'une société étrangère soient traités de manière identique et qu'en retenant, pour apprécier le seuil d'assujettissement à la contribution exceptionnelle, le chiffre d'affaires de la société étrangère dans le premier cas et celui de la société française dans le second cas, les dispositions de l'article 235 ter ZAA du code général des impôts sont à l'origine d'une différence de traitement entre l'établissement stable et la filiale d'une société étrangère et, par suite, d'une restriction à la liberté d'établissement ;
7. Considérant qu'au regard de la contribution exceptionnelle sur l'impôt sur les sociétés, une société établie dans un autre Etat membre ayant une filiale ou une succursale en France est traitée de manière identique à une société établie en France ayant une filiale ou une succursale en France ou dans un autre Etat membre ; que, dès lors, le moyen tiré de ce qu'il existerait une différence de traitement selon le lieu d'établissement de la société ou selon la structure juridique de l'établissement secondaire de la société ne peut qu'être écarté ;
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre des finances et des comptes publics, l'Office de coordination bancaire et financière n'est pas fondé à demander l'annulation de l'instruction qu'il attaque ; que ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être rejetées ;
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de l'Office de coordination bancaire et financière est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'Office de coordination bancaire et financière et au ministre de l'économie et des finances.