2. Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 28 février et 23 octobre 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat sous le n° 418662, la société par actions simplifiée Séché Eco industries demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler les articles 4 et 6 de l'arrêté n° TREP1733787A du 28 décembre 2017 du ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire et du ministre de l'action et des comptes publics pris pour l'application des articles 266 sexies et 266 nonies du code des douanes ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
....................................................................................
3. Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 28 février et 24 octobre 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat sous le n° 418672, les sociétés Suez Recyclage et Valorisation France et autres demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler les articles 4 et 6 de l'arrêté n° TREP1733787A du 28 décembre 2017 du ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire et du ministre de l'action et des comptes publics pris pour l'application des articles 266 sexies et 266 nonies du code des douanes ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
....................................................................................
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- le code général des impôts ;
- le code des douanes ;
- le décret n° 2001-387 du 3 mai 2001 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Vincent Uher, Maître des Requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public.
Vu la note en délibéré, enregistrée le 25 octobre 2018, présentée par la Fédération nationale des activités de la dépollution et de l'environnement.
Vu les notes en délibéré, enregistrées le 26 octobre 2018, présentées respectivement par la société Séché Eco industries et les sociétés du groupe Suez Recyclage et Valorisation France ;
Considérant ce qui suit :
1. Les requêtes étant dirigées contre le même arrêté et présentant à juger les mêmes questions, il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.
2. L'article 266 sexies du code des douanes dispose : " I. - Il est institué une taxe générale sur les activités polluantes qui est due par les personnes physiques ou morales suivantes : / 1. Tout exploitant d'une installation soumise à autorisation, en application du titre Ier du livre V du code de l'environnement, au titre d'une rubrique de la nomenclature des installations classées relative : / a) Au stockage ou au traitement thermique de déchets non dangereux ; (...) " et les tarifs qu'il prévoit sont fixés par l'article 266 nonies du même code. En vertu de ce dernier article, les installations réalisant une valorisation énergétique de plus de 75% du biogaz capté issu de la fermentation des déchets réceptionnés dans une installation de stockage de déchets non dangereux ou transférés vers une telle installation située dans un autre Etat peuvent bénéficier d'une réduction de taxe générale sur les activités polluantes, dont l'ampleur est fonction de la méthode de stockage retenue.
Sur l'article 4 de l'arrêté du 28 décembre 2017 :
3. Aux termes de l'article 1er du décret n° 2001-387 modifié relatif au contrôle des instruments de mesure : " Sont soumis aux dispositions du présent décret, en application de la loi du 4 juillet 1837 susvisée, les instruments qui mesurent directement ou indirectement les grandeurs, rapports ou fonctions de ces grandeurs, dont les unités sont définies par le décret du 3 mai 1961 susvisé, appartiennent à une des catégories mentionnées en annexe I au présent décret et sont utilisés pour l'une des opérations suivantes : (...) opérations de mesurage pouvant servir de base à des poursuites pénales ou à des décisions ou sanctions administratives, opérations fiscales, (...) ". Son article 5-1, relatif aux dispositions générales applicables à la mise à disposition sur le marché, à la mise sur le marché et à la mise en service des instruments faisant l'objet d'une harmonisation européenne, dispose que : " I.-Le présent titre s'applique (...) aux compteurs de gaz et aux dispositifs de conversion associés (...) aux sous-ensembles des instruments de mesure susmentionnés au sens de la directive 2014/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 relative à l'harmonisation des législations des Etats membres concernant la mise à disposition sur le marché d'instruments de mesure, ainsi qu'aux instruments de pesage à fonctionnement non automatique au sens de la directive 2014/31/ UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 relative à l'harmonisation des législations des Etats membres concernant la mise à disposition sur le marché des instruments de pesage à fonctionnement non automatique. ", son article 5-3 précisant en son I qu' " un instrument de mesure satisfait aux exigences essentielles et aux exigences concernant les inscriptions et marquages qu'il doit porter, fixées par arrêté du ministre chargé de l'industrie. (...) ", son article 5-13 prévoyant que " I.-L'évaluation de la conformité d'un instrument de mesure aux exigences essentielles applicables prévues à l'article 5-3 est effectuée par l'application, au choix du fabricant, de l'une des procédures d'évaluation de la conformité prévues pour la catégorie à laquelle appartient l'instrument par arrêté du ministre chargé de l'industrie. (...) / III.-Cette évaluation est réalisée soit en France, soit dans un autre Etat membre de l'Union européenne, selon les procédures prévues par le présent titre ou par les règles transposant, dans le droit interne de l'Etat où elles ont été accomplies, les directives 2014/31/ UE et 2014/32/ UE mentionnées au I de l'article 5-1. (...) " et le I de son article 5-15 précisant que " La déclaration UE de conformité atteste que le respect des exigences essentielles prévues à l'article 5-3 a été démontré ".
4. L'article 4 de l'arrêté attaqué du 28 décembre 2017 dispose que : " Les volumes de biogaz Qgv et Qgc mentionnés à l'article 3 du présent arrêté sont obtenues par mesurage direct au moyen d'instruments de mesure respectant les dispositions du décret n° 2001- 87 du 3 mai 2001 modifié relatif au contrôle des instruments de mesure. ". Les requérantes soutiennent que les propriétés physico-chimiques du biogaz issu des installations de stockage de déchets non dangereux, notamment son caractère évolutif et fortement corrosif, le rendant impropre à une mesure volumétrique par des appareils existant et ayant fait l'objet d'une déclaration de conformité au sens des articles 5-13 et 5-15 du décret précité du 3 mai 2001, cet article aurait pour effet de subordonner le bénéfice du taux réduit de taxe générale sur les activités polluantes prévu par les dispositions de l'article 266 nonies du code des douanes à une condition impossible à respecter, sauf à prévoir des mesures transitoires. Il résulte toutefois de l'instruction et n'est pas sérieusement contesté qu'il existe au moins un appareil de métrologie dont les caractéristiques techniques permettent la mesure du biogaz concerné, l'homologation de cet appareil par les autorités allemandes en application de la directive 2014/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014, sous la référence DE-08-MI002-PTB005 valant attestation de conformité au sens et pour l'application des articles 5-1, 5-3, 5-13 et 5-15 précités du décret du 3 mai 2001. Il en résulte que le moyen manque en fait. Les conclusions des requêtes dirigées contre l'article 4 de l'arrêté litigieux ne peuvent, par suite, qu'être écartées.
Sur l'article 6 de l'arrêté du 28 décembre 2017 :
5. Aux termes du g) du A de l'article 266 nonies du code des douanes : " Un arrêté conjoint des ministres chargés du budget et de l'environnement précise les modalités d'application des tarifs réduits mentionnés aux B et C du tableau du a et au B du tableau du b ainsi que la liste des déchets, parmi ceux de la liste mentionnée à l'article 7 de la directive 2008/98/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 novembre 2008 précitée, susceptibles de produire du biogaz pour les besoins de l'application des tarifs réduits précités. ", la liste mentionnée à l'article 7 de la directive du 19 novembre 2008 étant celle que la Commission, habilitée à cette fin, a adoptée par sa décision 2000/532/CE modifiée par la décision 2014/955/UE du 18 décembre 2014. En application des ces dispositions, l'article 6 de l'arrêté litigieux dispose que " Pour l'application des tarifs réduits mentionnés au B et au C du tableau du a du A du 1 de l'article 266 nonies du code des douanes, sont considérés comme susceptibles de produire du biogaz les déchets autorisés à être réceptionnés dans une installation de stockage de déchets non dangereux et relevant d'un des codes déchets mentionnés à l'annexe I du présent arrêté. ", l'annexe I reprenant la nomenclature des déchets retenue par la décision précitée de la Commission. Eu égard aux moyens qu'elles soulèvent, les conclusions d'annulation présentées par les requérantes doivent être regardées comme dirigées contre l'annexe I de l'arrêté à laquelle renvoie l'article 6 de l'arrêté litigieux.
6. En premier lieu, les requérantes font grief à la liste contenue dans l'annexe I de l'arrêté d'exclure à tort des déchets dont la valorisation peut ouvrir droit à la réfaction des tarifs de la taxe la catégorie des déchets municipaux correspondant à celles des fractions collectées séparément qui ne font pas l'objet d'une spécification dans la décision précitée de la Commission européenne (code 20 01 99 : " autres fractions non spécifiées ailleurs ").
7. L'arrêté du 15 février 2016 relatif aux installations de stockage de déchets non dangereux dispose cependant à son article 3 que " Les déchets autorisés dans une installation de stockage de déchets non dangereux sont les déchets non dangereux ultimes, quelle que soit leur origine, notamment provenant des ménages ou des entreprises. / Les déchets suivants ne sont pas autorisés à être stockés dans une installation de stockage de déchets non dangereux : / (...) les déchets ayant fait l'objet d'une collecte séparée à des fins de valorisation à l'exclusion des refus de tri ; (...) ". Il résulte de ces dispositions que les installations de stockage de déchets non dangereux n'étant en tout état de cause pas autorisées à admettre des déchets collectés séparément, le pouvoir règlementaire était tenu de prévoir l'exclusion d'une telle catégorie de déchets. Il s'ensuit que le premier moyen ne peut qu'être écarté.
8. En second lieu, si les requérantes soutiennent que l'annexe I ne saurait exclure la catégorie des autres déchets municipaux ne constituant pas des déchets de jardins et de parcs et ne faisant l'objet d'aucune spécification ailleurs dans la même décision (code 20 03 99 : " déchets municipaux non spécifiés ailleurs "), dès lors qu'ils constituent des déchets fermentescibles, elles n'apportent à l'appui de leur argumentation aucun élément de nature à établir l'existence de déchets fermentescibles dans cette catégorie. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que l'exclusion de cette catégorie de déchets de celles dont la valorisation peut ouvrir droit à la réfaction des tarifs de taxe ne serait pas cohérente avec l'objectif poursuivi par le législateur ne peut être regardé comme fondé. Par suite, les sociétés requérantes ne sont pas fondées à demander l'annulation de l'annexe I de l'arrêté litigieux.
9. Il résulte de tout ce qui précède que les requêtes doivent être rejetées, y compris leurs conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : Les requêtes de la Fédération nationale des activités de la dépollution et de l'environnement, de la société Séché Eco industries et des sociétés Suez Recyclage et Valorisation France et autres sont rejetées.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la Fédération nationale des activités de la dépollution et de l'environnement (FNADE), à la société par actions simplifiée Séché Eco industries, à la société Suez Recyclage et Valorisation France, premier dénommé pour l'ensemble des requérants sous le n° 418672, et au ministre de l'action et des comptes publics.