2°) de rejeter la protestation de M. D... ;
3°) de mettre à la charge de M. D... la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code électoral ;
- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Hervé Cassagnabère, conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat de M. B... ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 29 janvier 2021, présentée pour M. D... ;
Considérant ce qui suit :
1. A l'issue des opérations électorales qui se sont déroulées le 15 mars 2020 en vue de la désignation des conseillers municipaux et du conseiller communautaire de la commune de Bellefontaine (Martinique), la liste " Le nouveau souffle " conduite par le maire sortant, M. A... B..., est arrivée en tête avec 725 voix, soit 57,95 % des 1 251 suffrages exprimés et a obtenu quinze sièges au conseil municipal ainsi qu'un siège au conseil communautaire. La liste " Bellefontaine Doubout' pour le changement ", menée par M. E..., est arrivée en deuxième position avec 526 voix, soit 42,04 % des suffrages exprimés et a obtenu quatre sièges au conseil municipal. M. B... relève appel du jugement du 9 juillet 2020 par lequel le tribunal administratif de la Martinique, sur la protestation de M. D..., a annulé ces opérations électorales.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Il ressort des pièces de la procédure suivie devant le tribunal administratif que M. D..., auteur de la protestation dirigée contre les opérations électorales qui se sont déroulées le 15 mars 2020 dans la commune de Bellefontaine (Martinique), a adressé un mémoire en réplique enregistré le dimanche 21 juin 2020 au greffe du tribunal administratif de la Martinique à 12h06, avant la clôture de l'instruction intervenue le 21 juin à minuit. Ce mémoire, visé et analysé par le tribunal mais non communiqué à M. B..., comportait des éléments nouveaux, en particulier la production de cent-quarante attestations émanant d'habitants de Bellefontaine et, pour quelques-unes d'entre elles, de communes alentour, faisant état de ce qu'un bulletin municipal d'août 2019 dressant un bilan élogieux de l'action de la municipalité sortante avait été largement distribué dans différents points de la commune. Dans les circonstances de l'espèce, le tribunal ne pouvait, sans mettre à même M. B... de prendre connaissance de ce mémoire et des éléments nouveaux qu'il contenait et, le cas échéant, d'y répliquer, tenir compte de ces éléments dans les motifs de sa décision. Il s'ensuit que son jugement est entaché d'irrégularité et doit, pour ce motif, être annulé.
3. Le délai imparti au tribunal administratif par l'article R. 120 du code électoral pour statuer sur la protestation de M. D... est expiré. Il y a dès lors lieu pour le Conseil d'Etat de de statuer immédiatement sur cette protestation.
Sur la régularité des opérations électorales :
En ce qui concerne les inscriptions sur les listes électorales :
4. Il appartient seulement au juge administratif, qui n'est pas compétent pour statuer sur la régularité des inscriptions sur la liste électorale, d'apprécier si les modifications apportées à la liste électorale par la commission électorale ont constitué des manoeuvres de nature à altérer les résultats du scrutin.
5. M. D... n'établit pas l'existence de manoeuvres de nature à altérer les résultats du scrutin en se prévalant du fait que le nombre total d'électeurs inscrits dans la commune serait égal à 1 675 et que ce chiffre serait sujet à caution en le comparant aux 1 721 habitants recensés au 1er janvier 2017. S'il soutient qu'une centaine d'électeurs ne remplissaient plus les conditions pour être inscrits sur les listes électorales de la commune de Bellefontaine et produit pour la première fois en appel les courriers qu'il aurait écrits le 31 mars 2020 aux personnes qu'il soupçonnait de ne pas remplir ces conditions, notamment parce qu'elles résideraient en métropole, accompagnés des accusés de réception qui lui seraient revenus, soit avec la mention " pli avisé et non réclamé ", soit avec la mention " destinataire inconnu à l'adresse ", ces éléments sont à eux seuls insuffisants pour démontrer l'existence de manoeuvres de nature à altérer les résultats du scrutin. Le grief soulevé sur ce point n'est dès lors pas fondé et doit être écarté.
En ce qui concerne la propagande électorale :
6. En premier lieu, l'article L. 52-1 du code électoral dispose : " (...) A compter du premier jour du sixième mois précédant le mois au cours duquel il doit être procédé à des élections générales, aucune campagne de promotion publicitaire des réalisations ou de la gestion d'une collectivité ne peut être organisée sur le territoire des collectivités intéressées par le scrutin. Sans préjudice des dispositions du présent chapitre, cette interdiction ne s'applique pas à la présentation, par un candidat ou pour son compte, dans le cadre de l'organisation de sa campagne, du bilan de la gestion des mandats qu'il détient ou qu'il a détenus. (...) ".
7. Il résulte de l'instruction que le numéro du bulletin municipal intitulé " Pour continuer ", daté d'août 2019, comporte un éditorial du maire qui présente les réalisations accomplies par l'équipe municipale en des termes élogieux. Ce numéro retranscrit également, sur cinq pages, le discours prononcé par le premier adjoint au maire à l'occasion de festivités organisées par la commune, accompagné de nombreuses photographies de l'évènement faisant apparaître, cet adjoint ceint de son écharpe tricolore, dans lequel ce dernier dresse un bilan avantageux des réalisations accomplies par la municipalité au cours de sa mandature et appelle au rassemblement des habitants pour 2020. Dans ces conditions, la production et la diffusion de ce numéro du bulletin municipal au cours du mois de septembre 2019 ont constitué une campagne de promotion publicitaire contraire au second alinéa de l'article L. 52-1 du code électoral précité.
8. En deuxième lieu, le deuxième alinéa de l'article L. 52-8 du code électoral, applicable à toutes les communes, y compris celles, comme la commune de Bellefontaine, dans lesquelles les dispositions combinées des articles L. 52-11 et L. 118-3 du même code ne sont pas applicables, dispose : " Les personnes morales, à l'exception des partis ou groupements politiques, ne peuvent participer au financement de la campagne électorale d'un candidat, ni en lui consentant des dons sous quelque forme que ce soit, ni en lui fournissant des biens, services ou autres avantages directs ou indirects à des prix inférieurs à ceux qui sont habituellement pratiqués (...) ".
9. Il résulte de l'instruction que le conseil municipal de la commune de Bellefontaine a décidé, lors de sa séance du 25 octobre 2019, d'attribuer une subvention d'un montant de 15 000 euros à l'association " Belfonten' nou la ", nouvellement créée, dont les statuts, signés le 25 août 2019 et déposés en préfecture le 7 octobre 2019, mentionnent un objet de " découverte de pratique artistique accompagnement social sports et loisirs ". Cette subvention visait à financer l'organisation en région parisienne d'une rencontre entre l'équipe municipale et les bellifontains de métropole, suivie d'un dîner et d'un gala, le 23 novembre 2019, le conseil municipal ayant, lors de cette même séance du 25 octobre 2019, mandaté le maire ainsi qu'une délégation de quatre autres conseillers municipaux, colistiers de ce dernier, pour se rendre à Paris afin d'assister au 102ème congrès des maires qui s'est déroulé entre le 18 et le 21 novembre 2019. Si le programme de l'évènement qui figurait dans la demande de subvention prévoyait la participation des élus d'opposition du conseil municipal, il résulte toutefois de l'instruction, notamment du tract que l'association a édité pour promouvoir l'évènement et de la photographie de la manifestation, que seul le maire de Bellefontaine était présent avec ses colistiers et a pu rencontrer les électeurs en présence d'un député de la Martinique. Dans ces circonstances, l'évènement organisé le 23 novembre 2019 doit être regardé comme ayant le caractère d'une réunion de campagne électorale de la liste conduite par le maire sortant de la commune. La subvention de 15 000 euros attribuée à l'association " Belfonten' nou la " constitue dès lors un don prohibé par les dispositions précitées de l'article L. 52-8 du code électoral.
10. Il résulte toutefois de l'instruction que, compte tenu de l'importance de l'écart des voix entre M. B... et M. D..., qui représente 199 voix soit près de 16 % des suffrages exprimés, les irrégularités mentionnées aux points précédents n'ont pu être de nature à porter atteinte à la sincérité du scrutin.
11. En troisième lieu, M. D... n'apporte aucun élément au soutien de ses allégations selon lesquelles la campagne de promotion de la fête de la mer, financée par la commune de Bellefontaine, aurait comporté la diffusion d'un message de propagande électorale au profit de la liste conduite par le maire sortant. Le grief soulevé sur ce point n'est dès lors par fondé et doit être écarté.
12. En quatrième lieu, le grief tiré de ce que le maire sortant aurait utilisé un véhicule municipal à des fins personnelles et politiques entre 2008 et 2020, notamment pendant la période de campagne électorale, n'est assorti d'aucun élément permettant d'en apprécier le bien-fondé. Il doit, par suite, être écarté.
En ce qui concerne les opérations de vote :
13. En premier lieu, M. D... soutient que le contexte sanitaire lié à l'épidémie de covid-19 a perturbé le scrutin du 15 mars 2020 en entraînant une baisse significative du taux de participation des électeurs par rapport aux élections municipales de 2014 et 2008. Toutefois, la circonstance que le taux de participation se soit élevé à Bellefontaine, le 15 mars 2020, à 77,13 % des électeurs inscrits, alors qu'il était de 82,2 % en 2014 et 87,69 % en 2008, ce qui constitue au demeurant une participation nettement supérieure à celle de 44,66 % constatée au plan national, n'est pas, par elle-même, de nature à établir l'insincérité du scrutin. Le protestataire se borne par ailleurs à se prévaloir d'une manière générale des événements de portée nationale liés à l'épidémie covid-19, sans invoquer aucune autre circonstance relative au déroulement de la campagne électorale ou du scrutin dans la commune qui montrerait, en particulier, qu'il aurait été porté atteinte au libre exercice du droit de vote ou à l'égalité entre les candidats. Le grief soulevé sur ce point ne peut, par suite, qu'être écarté.
14. En deuxième lieu, le grief tiré de ce qu'un véhicule de la commune de Bellefontaine aurait été utilisé pour acheminer des électeurs jusqu'aux bureaux de vote le jour du scrutin n'est assorti d'aucun élément permettant d'en apprécier le bien-fondé. Il ne peut, par suite, qu'être écarté.
15. En troisième lieu, le grief tiré de ce que les opérations de dépouillement auraient été conduites de manière irrégulière, au motif que le président du bureau de vote n° 1 et son adjoint auraient procédé au comptage des enveloppes sans faire participer les scrutateurs, n'est assorti d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé. Il doit, par suite, être écarté.
16. Il résulte de tout ce qui précède, d'une part, que la protestation formée par M. D... doit être rejetée et, d'autre part, que les opérations électorales qui se sont déroulées le 15 mars 2020 dans la commune de Bellefontaine doivent être validées.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
17. Les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise, à ce titre, à la charge de M. B..., qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par ce dernier sur le fondement des mêmes dispositions.
D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de la Martinique du 9 juillet 2020 est annulé.
Article 2 : La protestation de M. D... est rejetée.
Article 3 : Les opérations électorales qui se sont déroulées le 15 mars 2020 dans la commune de Bellefontaine sont validées.
Article 4 : Les conclusions de M. B... et de D... tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. E..., à M. C... B... et au ministre de l'Intérieur.