Il soutient que :
- l'ordonnance contestée est insuffisamment motivée, faute de répondre au moyen tiré de ce que l'arrêté litigieux repose, sur deux points, sur des faits matériellement inexacts ;
- la condition d'urgence est présumée remplie ;
- il est porté une atteinte grave et manifestement illégale à sa liberté d'aller et venir et à son droit au respect de sa vie privée et familiale ;
- l'arrêté est entaché d'un vice de procédure en ce qu'il n'a pas été pris après information du procureur de la République de Paris et du procureur de la République d'Angers ;
- l'arrêté est insuffisamment motivé ;
- l'arrêté repose sur des faits matériellement inexacts ;
- les conditions prévues à l'article L. 228-1 du code de la sécurité intérieure pour prononcer la mesure prévue à l'article L. 228-2 ne sont pas remplies ;
- l'arrêté ne peut légalement se fonder sur des faits qui ne lui sont pas contemporains ;
- les mesures prévues par l'arrêté sont manifestement disproportionnées avec l'objectif poursuivi, compte tenu, d'une part, de ce qu'elles portent la durée totale de la contrainte administrative qui pèse sur sa liberté d'aller et de venir à plus de deux ans et, d'autre part, elles font obstacle à sa vie privée et familiale, du fait de son assignation dans une commune dans laquelle il n'a aucune attache particulière et, par suite, ont été prises, en méconnaissance des droits que lui confèrent les stipulations des articles 5 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 mars 2018, le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution, et notamment son Préambule ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la loi n° 2017-1510 du 30 octobre 2017 ;
- le code de la sécurité intérieure ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, M. B...et, d'autre part, le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur ;
Vu le procès-verbal de l'audience publique du 29 mars 2018 à 17 heures au cours de laquelle ont été entendues :
- Me Wacquet, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de M. B... ;
- les représentantes du ministre d'Etat, ministre de l'intérieur ;
et à l'issue de laquelle le juge des référés a clos l'instruction ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures " ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 228-1 du code de sécurité intérieure : " Aux seules fins de prévenir la commission d'actes de terrorisme, toute personne à l'égard de laquelle il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace d'une particulière gravité pour la sécurité et l'ordre publics et qui soit entre en relation de manière habituelle avec des personnes ou des organisations incitant, facilitant ou participant à des actes de terrorisme, soit soutient, diffuse, lorsque cette diffusion s'accompagne d'une manifestation d'adhésion à l'idéologie exprimée, ou adhère à des thèses incitant à la commission d'actes de terrorisme ou faisant l'apologie de tels actes peut se voir prescrire par le ministre de l'intérieur les obligations prévues au présent chapitre " ; que l'article L. 228-2 du même code prévoit que " Le ministre de l'intérieur peut, après en avoir informé le procureur de la République de Paris et le procureur de la République territorialement compétent, faire obligation à la personne mentionnée à l'article L. 228-1 de : / 1° Ne pas se déplacer à l'extérieur d'un périmètre géographique déterminé, qui ne peut être inférieur au territoire de la commune. La délimitation de ce périmètre permet à l'intéressé de poursuivre une vie familiale et professionnelle et s'étend, le cas échéant, aux territoires d'autres communes ou d'autres départements que ceux de son lieu habituel de résidence ; /2° Se présenter périodiquement aux services de police ou aux unités de gendarmerie, dans la limite d'une fois par jour, en précisant si cette obligation s'applique les dimanches et jours fériés ou chômés ; /3° Déclarer son lieu d'habitation et tout changement de lieu d'habitation. /Les obligations prévues aux 1° à 3° du présent article sont prononcées pour une durée maximale de trois mois à compter de la notification de la décision du ministre. Elles peuvent être renouvelées par décision motivée, pour une durée maximale de trois mois, lorsque les conditions prévues à l'article L. 228-1 continuent d'être réunies. Au-delà d'une durée cumulée de six mois, chaque renouvellement est subordonné à l'existence d'éléments nouveaux ou complémentaires. La durée totale cumulée des obligations prévues aux 1° à 3° du présent article ne peut excéder douze mois. Les mesures sont levées dès que les conditions prévues à l'article L. 228-1 ne sont plus satisfaites. / Toute décision de renouvellement des obligations prévues aux 1° à 3° du présent article est notifiée à la personne concernée au plus tard cinq jours avant son entrée en vigueur. Si la personne concernée saisit le juge administratif d'une demande présentée sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative dans un délai de quarante-huit heures à compter de la notification de la décision, la mesure ne peut entrer en vigueur avant que le juge ait statué sur la demande./ La personne soumise aux obligations prévues aux 1° à 3° du présent article peut, dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision ou à compter de la notification de chaque renouvellement, demander au tribunal administratif l'annulation de cette décision. Le tribunal administratif statue dans un délai de deux mois à compter de sa saisine. Ces recours s'exercent sans préjudice des procédures prévues aux articles L. 521-1 et L. 521-2 du code de justice administrative. " ; qu'aux termes de l'article L. 228-6 du même code : " Les décisions du ministre de l'intérieur prises en application des articles L. 228-2 à L. 228-5 sont écrites et motivées " ;
3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, par un arrêté en date du 22 novembre 2015, pris sur le fondement de l'article 6 de la loi du 3 avril 1955, le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, a astreint M.B..., ressortissant français né le 13 janvier 1988, à résider dans la commune d'Angers ; que cette mesure d'assignation à résidence a été renouvelée, à plusieurs reprises, jusqu'au terme de l'état d'urgence, à l'exception de deux périodes de respectivement quatre et six mois où M. B...a été incarcéré ; que, par un arrêté du 14 novembre 2017, pris sur le fondement des dispositions, citées ci-dessus, des articles L. 228-1 et L. 228-2 du code de la sécurité intérieure, le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, a, pour une durée de trois mois, pris à l'encontre de M. B...une mesure individuelle de contrôle administratif et de surveillance ; que, par l'arrêté litigieux du 8 février 2018, le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, a décidé de renouveler, pour une durée de trois mois à compter du 15 février 2018, cette mesure qui fait obligation à M. B...de ne pas se déplacer, sauf obtention préalable d'un sauf-conduit, en dehors du territoire de la commune d'Angers, de se présenter tous les jours de la semaine, y compris les dimanches, les jours fériés ou chômés, à 14 heures, à l'hôtel de police d'Angers, d'y déclarer son lieu d'habitation dans un délai de vingt-quatre heures à compter de la notification de l'arrêté ainsi que tout changement de celui-ci ; que M. B... relève appel de l'ordonnance du 15 février 2018 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande, présentée sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, tendant à la suspension des effets de cette mesure ;
Sur la condition d'urgence :
4. Considérant qu'eu égard à son objet et à ses effets, notamment aux restrictions apportées à la liberté d'aller et venir, une décision prise par l'autorité administrative en application des articles L. 228-1 et L. 228-2 du code de la sécurité intérieure, porte, en principe et par elle-même, sauf à ce que l'administration fasse valoir des circonstances particulières, une atteinte grave et immédiate à la situation de cette personne, de nature à créer une situation d'urgence justifiant que le juge administratif des référés, saisi sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, puisse prononcer dans de très brefs délais, si les autres conditions posées par cet article sont remplies, une mesure provisoire et conservatoire de sauvegarde ; que le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, n'a fait valoir, ni dans ses écritures, ni au cours de l'audience publique, aucun élément de nature à remettre en cause, au cas d'espèce, l'existence d'une situation d'urgence caractérisée de nature à justifier l'intervention du juge des référés dans les conditions d'urgence particulière prévues par l'article L. 521-2 du code de justice administrative ;
Sur la condition tenant à l'atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale :
5. Considérant que, par sa décision n° 2017-691 QPC du 16 février 2018, le Conseil constitutionnel a relevé que la mesure d'assignation à résidence prévue par l'article L. 228-2 du code de la sécurité intérieure, d'une part, ne répond pas aux mêmes conditions que celle prévue par l'article 6 de la loi du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence et, d'autre part, n'a pas non plus la même portée ; qu'il en a déduit que le fait qu'une même personne puisse successivement être soumise à l'une puis à l'autre de ces mesures d'assignation à résidence n'imposait pas au législateur de prévoir des mesures transitoires destinées à tenir compte de cette succession ; qu'en outre, il résulte des termes mêmes de l'article L. 228-2 du code de la sécurité intérieure qu'il n'y a que dans l'hypothèse où les obligations imposées sur son fondement sont prononcées pour une durée cumulée supérieure à six mois que le législateur a prévu que chaque renouvellement est subordonné à l'existence d'éléments nouveaux ou complémentaires, tandis qu'il suffit pour qu'il y ait renouvellement, tant que cette durée n'est pas atteinte, que les condition prévues à l'article L. 228-1 continuent d'être remplies ; que, dès lors, il n'y a pas lieu d'exiger de l'administration qu'elle justifie les mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance qui sont prises sur le fondement de l'article L. 228-2 du code de la sécurité intérieure, après la fin de l'état d'urgence et pendant une durée cumulée pouvant aller jusqu'à six mois, à l'égard de personnes qui ont été assignées à résidence en application de l'article 6 de la loi du 3 avril 1955, par l'existence de faits nouveaux ou complémentaires par rapport à ceux qui avaient alors été pris en compte ; qu'en revanche, il appartient au juge d'apprécier, au regard des faits déjà pris en compte ainsi que de l'ensemble des circonstances intervenues depuis lors, si les conditions posées par l'article L. 228-1 du même code étaient remplies ou continuaient à l'être, lorsqu'ont été appliqués, respectivement, les premières mesures pendant une durée maximale de trois mois, ou leur éventuel renouvellement pendant la même durée maximale ;
6. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, a pris l'arrêté litigieux après avoir estimé, d'une part, qu'il existe des raisons sérieuses de penser que le comportement de M. B...constitue une menace d'une particulière gravité pour la sécurité et l'ordre publics et, d'autre part, que celui-ci adhère à des thèses incitant à la commission d'actes de terrorisme ou faisant l'apologie de tels actes et que, dès lors, les conditions exigées par l'article L. 228-1 du code de la sécurité intérieure pour prendre une mesure individuelle de contrôle et de surveillance prévue par l'article L. 228-2 du même code étaient réunies ;
7. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que M. B...a manifesté une attitude agressive et menaçante, notamment à l'égard du personnel hospitalier, lors de sa garde à vue, le 9 juin 2017, ainsi qu'à l'occasion de sa première comparution, le 14 juin 2017, devant le tribunal correctionnel d'Angers, ce qui a conduit, d'ailleurs, le tribunal à relever dans son jugement du 13 juillet 2017 qu'il était " installé dans un processus de déni, de provocation et de radicalisation laissant craindre une réelle dangerosité à l'égard des tiers ", ce qui justifiait de lui infliger, à raison des faits dont il le déclarait coupable, une peine d'emprisonnement ferme, laquelle a été confirmée en appel ;
8. Considérant, en second lieu, qu'il résulte de l'instruction qu'une perquisition au domicile de M. B...le 9 juin 2017, dans le cadre de la garde à vue dont il faisait l'objet, a permis de découvrir, sur des supports informatiques et téléphoniques, des centaines d'images, fichiers audio et vidéo faisant la propagande de l'organisation " Etat islamique ", dont une vidéo comportant une scène de décapitation, ce qui révèle son intérêt constant pour des thèses faisant l'apologie du terrorisme ;
9. Considérant que, dans ces conditions, eu égard tant au comportement durablement menaçant de M. B...qu'à son adhésion constante à une propagande faisant l'apologie du terrorisme, il n'apparaît pas qu'en estimant que les conditions posées par l'article L. 228-1 du code de la sécurité intérieure étaient remplies pour que soit renouvelée, une première fois, la mesure prévue à l'article L. 228-2 du même code, le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, dont l'arrêté est suffisamment motivé et a, en tout état de cause, fait l'objet d'une information des parquets compétents, aurait porté une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté d'aller et venir ou au droit au respect de la vie privée et familiale du requérant, lequel, au demeurant, ne fait valoir aucun élément concret relatif à celle-ci ; que, par suite, M. B...n'est pas davantage fondé à invoquer la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni, en tout état de cause, de celles de l'article 5 de la même convention ;
10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, qui est suffisamment motivée, le juge des référés du tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande qu'il lui avait présentée sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative ; que, par suite, sa requête ne peut être accueillie, y compris les conclusions qu'elle comporte tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
O R D O N N E :
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Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. A...B...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.