- il existe un doute sérieux quant à la légalité des décisions contestées ;
- la signataire de la décision du 29 janvier 2019 ne disposait pas d'une délégation de pouvoir et de signature l'habilitant à signer une telle décision ;
- les décisions sont entachées d'un vice de procédure dès lors qu'elles sont fondées sur un avis du 4 décembre 2018 de la commission nationale d'évaluation des dispositifs médicaux et des technologies de santé de la Haute Autorité de Santé entaché d'irrégularité au regard de sa composition, plusieurs de ses membres étant en situation de conflit d'intérêt ;
- elles ont été prises en violation du principe d'égalité devant la loi et en méconnaissance des règles de la concurrence dès lors que certains produits concurrents ont été inscrits sur la liste des produits et prestations remboursables alors même qu'ils contenaient également des produits hors nomenclature ;
- elles sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que, en premier lieu, l'avis de la commission nationale d'évaluation des dispositifs médicaux et des technologies de santé du 28 mai 2013 relatif aux spécifications techniques minimales générales concernant les substituts osseux n'excluait pas l'utilisation d'un liant inerte, en deuxième lieu, il n'existait, à la date de l'avis du 28 mai 2013, aucun substitut osseux injectable à base de verre bioactif, en troisième lieu, la commission nationale d'évaluation des dispositifs médicaux et des technologies de santé a déjà autorisé des substituts osseux contenant des molécules hors spécifications techniques minimales, en quatrième lieu, le liant non aqueux polymère se résorbe dans les 48 heures suivant l'injection du substitut osseux et, en dernier lieu, l'ensemble des enjeux scientifiques relatifs au produit n'a pas été pris en compte.
Par un mémoire en défense, enregistré le 1er juillet 2019, la ministre des solidarités et de la santé conclut au rejet de la requête. Elle soutient que la condition d'urgence n'est pas remplie et que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.
La Haute autorité de santé a présenté des observations, enregistrées le 1er juillet 2019.
La requête a été communiquée au ministre de l'action et des comptes publics qui n'a pas produit de mémoire.
Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, la société Noraker et, d'autre part, la ministre des solidarités et de la santé, le ministre de l'action et des comptes publics et la Haute autorité de santé ;
Vu le procès-verbal de l'audience publique du 4 juillet 2019 à 10 heures au cours de laquelle ont été entendus :
- Me Pinatel, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de la société Noraker ;
- les représentants de la société Noraker ;
- les représentants de la ministre des solidarités et de la santé ;
- les représentants de la Haute autorité de santé ;
et à l'issue de laquelle le juge des référés a différé la clôture de l'instruction au vendredi 5 juillet 2019 à 17 heures ;
Vu les deux nouveaux mémoires, enregistrés les 4 et 5 juillet 2019 avant la clôture de l'instruction, présentés par la société Noraker, qui maintient ses conclusions et ses moyens ;
Vu le nouveau mémoire, enregistré le 5 juillet 2019 avant la clôture de l'instruction, présenté par la ministre des solidarités et de la santé, qui maintient ses conclusions et ses moyens ;
Vu les observations, enregistrées le 5 juillet 2019 avant la clôture de l'instruction, présentées par la Haute autorité de santé ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".
2. Il ressort des pièces du dossier que le substitut osseux synthétique injectable " Glassbone Injectable Putty ", développé par la société Noraker, est un dispositif médical à base de verre bioactif utilisé pour la régénération osseuse en orthopédie et en chirurgie dentaire. Le 16 juillet 2018, la société Noraker a déposé une demande d'inscription de ce produit en nom de marque sur la liste des produits et prestations remboursables mentionnée à l'article L. 165-1 du code de la sécurité sociale. Par un avis du 4 décembre 2018, la commission nationale d'évaluation des dispositifs médicaux et des technologies de santé de la Haute autorité de santé a considéré que le service attendu pour ce dispositif médical était insuffisant, au sens de l'article R. 165-2 du code de la sécurité sociale, pour justifier son inscription sur la liste précitée. Par une décision du 29 janvier 2019, les ministres compétents ont décidé de suivre cet avis et ont refusé l'inscription sur la liste précitée. Le 29 mars 2019, la société requérante a formé un recours gracieux contre cette décision, qui a été rejeté par une décision implicite des ministres. Elle demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision du 29 janvier 2019 et de la décision implicite rejetant son recours gracieux contre celle-ci.
3. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 165-1 du code de la sécurité sociale : " Le remboursement par l'assurance maladie des dispositifs médicaux à usage individuel (...) est subordonné à leur inscription sur une liste établie après avis d'une commission de la Haute autorité de santé mentionnée à l'article L. 161-37. L'inscription est effectuée soit par la description générique de tout ou partie du produit concerné, soit sous forme de marque ou de nom commercial. (...) ". Aux termes de l'article R. 165-1 du même code : " Les produits et prestations mentionnés à l'article L. 165-1 ne peuvent être remboursés par l'assurance maladie, sur prescription médicale ou sur prescription d'un auxiliaire médical (...), que s'ils figurent sur une liste établie par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale et du ministre chargé de la santé après avis de la commission spécialisée de la Haute Autorité de santé mentionnée à l'article L. 165-1 du présent code et dénommée " Commission nationale d'évaluation des dispositifs médicaux et des technologies de santé ". ". Aux termes de l'article R. 165-2 du même code : " Les produits ou les prestations mentionnés à l'article L. 165-1 sont inscrits sur la liste prévue audit article au vu de l'appréciation du service qui en est attendu./Le service attendu est évalué, dans chacune des indications du produit ou de la prestation et, le cas échéant, par groupe de population en fonction des deux critères suivants : /1° L'intérêt du produit ou de la prestation au regard, d'une part, de son effet thérapeutique, diagnostique ou de compensation du handicap ainsi que des effets indésirables ou des risques liés à son utilisation, d'autre part, de sa place dans la stratégie thérapeutique, diagnostique ou de compensation du handicap compte tenu des autres thérapies ou moyens de diagnostic ou de compensation disponibles ; /2° Son intérêt de santé publique attendu, dont notamment son impact sur la santé de la population, en termes de mortalité, de morbidité et de qualité de vie, sa capacité à répondre à un besoin thérapeutique, diagnostique ou de compensation du handicap non couvert, eu égard à la gravité de la pathologie ou du handicap, son impact sur le système de soins et son impact sur les politiques et programmes de santé publique. / (...) Les produits ou les prestations dont le service attendu est insuffisant pour justifier l'inscription au remboursement ne sont pas inscrits sur la liste. ".
4. En premier lieu, les moyens tirés de ce que la décision litigieuse serait entachée, d'une part, d'incompétence, faute de délégation de signature régulière de ses auteurs, et, d'autre part, d'un vice de procédure résultant de la situation de conflit d'intérêt dans laquelle se trouveraient certains membres de la commission nationale d'évaluation des dispositifs médicaux et des technologies de santé de la Haute autorité de santé ne sont pas, en l'état de l'instruction et eu égard aux pièces versées au dossier, de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de la décision litigieuse.
5. En deuxième lieu, le respect du principe d'égalité devant la loi et les règles de concurrence imposent aux ministres compétents de s'assurer que les différences pouvant exister dans les conditions d'inscription, sur les listes prévues par les articles L. 165-1 et L. 162-22-7 du code de la sécurité sociale, de produits étroitement comparables dans le traitement d'une même pathologie ne soient pas manifestement disproportionnées au regard des motifs susceptibles de les justifier.
6. La société Noraker fait valoir que le refus d'inscription de son dispositif médical " Glassbone Injectable Putty " en nom de marque méconnaît le principe d'égalité devant la loi et les règles de la concurrence dès lors que les ministres compétents ont accepté l'inscription en nom de marque de dispositifs médicaux similaires concurrents comportant également des molécules hors des spécifications techniques minimales. Toutefois, eu égard aux différences de composition entre le dispositif médical en litige et les produits concurrents cités par la société requérante, il n'apparaît pas, en l'état de l'instruction, que les différences pouvant exister dans les conditions d'inscription, sur la liste prévue par l'article L. 165-1 du code de la sécurité sociale, entre ces différents dispositifs médicaux seraient manifestement disproportionnées au regard des motifs susceptibles de les justifier.
7. Enfin, il ressort des pièces du dossier que pour retenir l'insuffisance de service attendu par le substitut osseux synthétique injectable " Glassbone Injectable Putty ", la commission nationale d'évaluation des dispositifs médicaux et des technologies de santé a relevé qu'il n'existait aucune donnée clinique spécifique permettant d'établir l'intérêt thérapeutique de ce dispositif médical dont la composition est innovante. Cette absence de données spécifiques n'étant pas sérieusement contestée par la société requérante, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation n'est pas, en l'état de l'instruction, de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de la décision litigieuse.
8. Il résulte de tout ce qui précède qu'aucun des moyens invoqués par la société Noraker n'est, en l'état de l'instruction, de nature à faire naître un doute sérieux quant la légalité de la décision contestée. Par suite et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'urgence, les conclusions de la société requérante aux fins de suspension des décisions contestées, ainsi que celles à fin d'injonction et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
O R D O N N E :
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Article 1er : La requête de la société Noraker est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à la société Noraker, à la ministre des solidarités et de la santé et à la Haute autorité de santé.
Copie en sera adressée au ministre de l'action et des comptes publics.