La requérante soutient que :
- la condition d'urgence est remplie dès lors que l'atteinte aux intérêts défendus par l'association est grave et immédiate ;
- l'arrêté attaqué a été adopté selon une procédure irrégulière en l'absence de consultation, d'une part, du Conseil national de la protection de la nature, prévue à l'article R. 411-13 du code de l'environnement et, d'autre part, du public, prévue à l'article L. 120-1 du même code ;
- il méconnaît le 4° de l'article L. 411-2 du code de l'environnement et la directive 92/43/CEE du Conseil du 21 mai 1992, dite directive " Habitats ", dès lors que les trois conditions cumulatives pouvant justifier une dérogation à la prohibition de toute destruction des loups ne sont pas réunies en l'espèce.
Par un mémoire en défense, enregistré le 8 décembre 2016, la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat conclut au rejet de la requête. Elle soutient que la condition d'urgence n'est pas remplie et que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Par un mémoire en intervention et un mémoire complémentaire, enregistrés le 9 décembre 2016, l'Association de secours et de placement des animaux Vosges demande au Conseil d'Etat de faire droit aux conclusions de la requête et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention de Berne relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel en Europe de 1979 ;
- la directive n° 92/43/CEE du 21 mai 1992 ;
- le code de l'environnement ;
- l'arrêté du 23 avril 2007 fixant la liste des mammifères terrestres protégés sur l'ensemble du territoire et les modalités de leur protection ;
- l'arrêté du 30 juin 2015 fixant les conditions et limites dans lesquelles des dérogations aux interdictions de destruction peuvent être accordées par les préfets concernant le loup (Canis lupus) ;
- l'arrêté du 5 juillet 2016 fixant le nombre maximum de spécimens de loups (Canis lupus) dont la destruction pourra être autorisée pour la période 2016-2017;
- le code de justice administrative ;
Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, l'Association pour la protection des animaux sauvages et l'Association de secours et de placement des animaux Vosges, d'autre part, la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat et le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement ;
Vu le procès-verbal de l'audience publique du 9 décembre 2016 à 10 heures au cours de laquelle ont été entendus :
- la représentante de l'Association pour la protection des animaux sauvages;
- le représentant de l'Association de secours et de placement des animaux Vosges ;
- les représentants de la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat et du ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement ;
et à l'issue de laquelle le juge des référés a clos l'instruction.
1. Considérant que l'Association de secours et de placement des animaux Vosges qui intervient au soutien des conclusions de la requête, justifie, eu égard à son objet statutaire et à la nature du litige, d'un intérêt suffisant pour intervenir dans la présente instance ; que son intervention est, par suite, recevable ;
2. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision " ;
3. Considérant qu'aux termes du I de l'article L. 411-1 du code de l'environnement, pris pour la transposition de la directive 92/43/CEE du Conseil du 21 mai 1992, concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvage, dite " Habitats " : " Lorsqu'un intérêt scientifique particulier, le rôle essentiel dans l'écosystème ou les nécessités de la préservation du patrimoine naturel justifient la conservation (...) d'espèces animales non domestiques (...) et de leurs habitats, sont interdits : 1° (...) la mutilation, la destruction, la capture ou l'enlèvement, la perturbation intentionnelle, la naturalisation d'animaux de ces espèces (...) " ; que l'article L. 411-2 du même code dispose : " Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions dans lesquelles sont fixées : 1° La liste limitative des habitats naturels, des espèces animales non domestiques (...) ainsi protégés ; 2° La durée et les modalités de mise en oeuvre des interdictions prises en application du I de l'article L. 411-1 ; 3° La partie du territoire sur laquelle elles s'appliquent ; 4° La délivrance de dérogations aux interdictions mentionnées aux 1°, 2° et 3° de l'article L. 411-1, à condition qu'il n'existe pas d'autre solution satisfaisante, pouvant être évaluée par une tierce expertise menée, à la demande de l'autorité compétente, par un organisme extérieur choisi en accord avec elle, aux frais du pétitionnaire, et que la dérogation ne nuise pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle : a) Dans l'intérêt de la protection de la faune et de la flore sauvages et de la conservation des habitats naturels ; / b) Pour prévenir des dommages importants notamment aux cultures, à l'élevage (...) et à d'autres formes de propriété " ;
4. Considérant que les articles R. 411-1 et R. 411-2 du même code renvoient à un arrêté conjoint des ministres chargés de la protection de la nature et de l'agriculture le soin de fixer la liste des espèces animales non domestiques faisant l'objet des interdictions définies à l'article L. 411-1 ; que le loup fait partie des mammifères terrestres protégés dont la liste est fixée par l'arrêté du 23 avril 2007 ; que l'article R. 411-13 du code dispose que les ministres chargés de la protection de la nature et de l'agriculture fixent par arrêté conjoint pris après avis du Conseil national de la protection de la nature : "1° Les modalités de présentation et la procédure d'instruction des demandes de dérogations (...) ; 2° Si nécessaire, pour certaines espèces dont l'aire de répartition excède le territoire d'un département, les conditions et limites dans lesquelles les dérogations sont accordées afin de garantir le respect des dispositions du 4° de l'article L. 411-2 du code de l'environnement " ;
5. Considérant qu'en application de ces dispositions, a été pris un arrêté du 30 juin 2015 fixant les conditions et limites dans lesquelles des dérogations aux interdictions de destruction peuvent être accordées par les préfets concernant le loup ; que cet arrêté prévoit que le nombre maximum de spécimens de loups dont la destruction est autorisée, en application de l'ensemble des dérogations qui pourront être accordées par les préfets, est fixé chaque année par arrêté ministériel ; qu'il encadre les conditions dans lesquelles il peut être recouru, sur décision préfectorale, à des tirs pour défendre les troupeaux, dits tirs de défense, ainsi qu'à des tirs de prélèvement ; qu'en application de l'article 25 de l'arrêté, des tirs de prélèvement ne peuvent intervenir, en principe, que s'il est constaté que les tirs de défense ne permettent pas de prévenir des dommages importants ou récurrent dans les élevages ayant mis en oeuvre les tirs de défense, malgré l'installation de mesures de protection des troupeaux, et à la condition que les troupeaux demeurent... ; que son article 26 ouvre au préfet la possibilité de déclencher une opération de tir de prélèvement, sans subordonner celle-ci à l'échec préalable de tirs de défense, lorsqu'il existe des obstacles pratiques ou techniques à la mise en oeuvre de tels tirs ou dans des situations de dommages exceptionnels ; que les tirs de prélèvement autorisés sur le fondement des articles 25 et 26 sont mis en oeuvre pour une durée maximale d'un mois, qui n'est reconductible que si les troupeaux demeurent... ; qu'enfin, l'article 27 permet d'autoriser des tirs dits de prélèvements renforcés, pour une durée de six mois, s'il est constaté des dommages importants et récurrents d'une année à l'autre dans les élevages ayant mis en oeuvre des tirs de défense ; que ces tirs de prélèvements renforcés peuvent être réalisés à l'occasion de battues aux grands gibiers ;
6. Considérant qu'un arrêté du 5 juillet 2016 fixe à trente-six le nombre maximum de spécimens de loups dont la destruction pourra être autorisée pour la période 2016-2017, en application de l'ensemble des dérogations qui pourront être accordées par les préfets ; que le II de son article 2 prévoit qu'à compter de la date éventuelle à laquelle trente-deux spécimens de loups auront été détruits dans le cadre des dérogations accordées par les préfets, ou du fait d'actes de destruction volontaires, les tirs de prélèvement seront interdits, seule la mise en oeuvre de tirs de défense pouvant continuer d'être autorisée ; que l'article 1er de l'arrêté du 28 novembre 2016 portant dérogation, pour les départements des Vosges et de Meurthe-et-Moselle, à l'arrêté du 5 juillet 2016 prévoit que " jusqu'à la date éventuelle à laquelle un spécimen de loups aura été détruit dans le cadre de la dérogation accordée par le préfet des Vosges ou le préfet de Meurthe-et-Moselle, l'interdiction mentionnée au premier alinéa du II de l'alinéa 2 de l'arrêté du 5 juillet 2016 susvisé ne s'applique pas dans ces départements " ; que l'Association pour la protection des animaux sauvages demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, d'en suspendre l'exécution ;
7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et des éléments mentionnés au cours de l'audience publique que le seuil de trente-deux loups abattus pour la période 2016-2017 a été atteint le 19 novembre 2016 ; que, depuis cette date, si l'arrêté du 5 juillet 2016 permet la destruction, au plus, de quatre loups supplémentaires par des tirs de défense, il fait obstacle à ce qu'un loup soit abattu par un tir de prélèvement ; qu'en raison de l'augmentation des dommages causés par le loup dans les départements des Vosges et de la Meurthe-et-Moselle et du risque de ne pouvoir prévenir leur réitération par des tirs de défense, l'arrêté contesté a pour objet de lever, dans les deux départements contestés, cet obstacle juridique, pour un seul animal, et sans qu'il soit dérogé au plafond de trente-six spécimens de loups fixé par l'article 1er de l'arrêté du 5 juillet 2016 ;
8. Considérant que la condition d'urgence à laquelle est subordonné le prononcé d'une mesure de suspension doit être regardée comme remplie lorsque la décision administrative contestée préjudicie de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre ; que l'arrêté du 28 novembre 2016 n'autorise pas, par lui-même, un tir de prélèvement ; que s'il ouvre aux préfets des départements des Vosges et de la Meurthe-et-Moselle la possibilité d'ordonner un tel tir, il ne dispense aucunement ceux-ci du respect des conditions fixées par l'article 25 ou, le cas échéant, par les articles 26 et 27 de l'arrêté du 5 juillet 2016 ; qu'ainsi, il ne saurait, au regard de ses effets propres, être regardé comme portant aux intérêts qu'entendent défendre l'Association pour la protection des animaux sauvages et l'Association de secours et de placement des animaux Vosges, non plus qu'à un intérêt public, une atteinte suffisamment grave et immédiate ;
9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la requête de l'Association pour la protection des animaux sauvages doit être rejetée, y compris ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que les dispositions de cet article font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées au même titre par l'Association de secours et de placement des animaux Vosges, qui, intervenant en demande, n'a pas la qualité de partie à l'instance ;
O R D O N N E :
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Article 1er : L'intervention de l'Association de secours et de placement des animaux Vosges est admise.
Article 2 : La requête de l'Association pour la protection des animaux sauvages est rejetée.
Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à l'Association pour la protection des animaux sauvages, à l'Association de secours et de placement des animaux Vosges, à la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat et au ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement.