2°) de rejeter la demande de la FERC-CGT.
La ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation soutient que l'ordonnance attaquée est entachée :
- d'inexacte qualification juridique des faits, en ce qu'elle juge que la condition d'urgence est remplie ;
- d'erreur de droit en ce qu'elle juge que l'absence de convocation de la FERC-CGT aux réunions du comité de suivi de l'accord du 12 octobre 2020 porte une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté syndicale dès lors que ce comité de suivi n'a pas vocation à se substituer aux instances de dialogue social prévues par les textes, qu'il ne constitue pas une instance préalable obligatoire à l'adoption des différents textes d'application de la loi de programmation de la recherche, que son domaine de compétence est limité aux seules mesures prévues par le protocole d'accord et que les réunions de ses groupes de travail ne peuvent être regardées comme relevant d'une négociation au sens de l'article 8 bis de la loi du 13 juillet 1983.
Par un mémoire, enregistré le 31 mars 2021, la ministre de la transformation et de la fonction publiques s'associe au recours de la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation. Elle soutient que les dispositions de la loi du 13 juillet 1983, dans leur rédaction issue de l'ordonnance du 17 février 2021, ne sont pas applicables au litige et qu'il n'est porté aucune atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale.
Par un mémoire en défense, enregistré le 1er avril 2021, la FERC-CGT, le SNTRS-CGT et l'UFSE-CGT concluent au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ils soutiennent qu'aucun des moyens de la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation et de la ministre de la transformation et de la fonction publiques ne sont fondés.
Par deux mémoires, enregistrés les 9 et 14 avril 2021, la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation indique le calendrier prévisionnel des prochaines réunions du comité de suivi et indique que celles-ci peuvent se borner à assurer une information des syndicats qui en sont membres.
Par deux mémoires, enregistrés les 9 et 13 avril 2021, la ministre de la transformation et de la fonction publiques dit n'avoir pas d'observations complémentaires à formuler.
Par un mémoire, enregistré le 12 avril 2021, la FERC-CGT et autres soutiennent que les réunions prévues pour le comité de suivi comporteront nécessairement des échanges ayant la nature de négociations au sens de l'article 8bis de la loi du 13 juillet 1983.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 2020-1674 du 24 décembre 2020 ;
- l'ordonnance n° 2021-174 du 17 février 2021 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation et la ministre de la transformation et de la fonction publiques, et, d'autre part, la FERC-CGT, le SNTRS-CGT et l'UFSE-CGT ;
Ont été entendus à l'audience publique du 7 avril 2021, à 10 heures :
- les représentants de la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation ;
- Me A..., avocate au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocate de la FERC-CGT, du SNTRS-CGT et de l'UFSE-CGT ;
- les représentants du SNTRS-CGT et de l'UFSE-CGT ;
à l'issue de laquelle le juge des référés a prolongé l'instruction jusqu'au 14 avril à 12 heures pour permettre à la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation de communiquer, dans un délai de quarante-huit heures, les ordres du jours prévisionnels des prochaines séances du comité de suivi.
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale ".
2. Il résulte de l'instruction que, parallèlement aux travaux préparatoires de la loi du 24 décembre 2020 de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l'enseignement supérieur, un processus de concertation, portant sur les carrières et les rémunérations des personnels de l'enseignement supérieur et de la recherche, a été conduit entre la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, les principaux établissements publics de recherche et les organisations syndicales représentatives de ces agents, qui a débouché, le 12 octobre 2020, sur un " accord relatif à l'amélioration des rémunérations et des carrières " signé par trois organisations syndicales. Cet accord prévoit la mise en place d'un " comité de suivi ", réuni par l'administration et composé des organisations syndicales signataires, dont les missions générales sont de suivre la mise en oeuvre des mesures prévues par la loi du 24 décembre 2020 et par l'accord du 12 octobre 2020, ainsi que de " contribuer à l'élaboration des textes réglementaires " pris pour la mise en oeuvre de cet accord. A ce titre, l'accord confie, sur de nombreux points, un rôle précis au comité de suivi.
3. Le Syndicat national des travailleurs de la recherche scientifique (SNTRS-CGT), la Fédération de l'éducation de la recherche et de la culture-Confédération générale des travailleurs (FERC-CGT) et l'Union fédérale des syndicats de l'Etat-Confédération générale des travailleurs ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Paris, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative cité ci-dessus, que la FERC-CGT et le SNTRS-CGT, qui ne sont pas signataires de l'accord du 12 octobre 2020 et ne sont, par conséquent, pas membres du comité de suivi institué par cet accord, soient néanmoins conviés aux réunions de ce comité. Par une ordonnance du 9 mars 2021, le juge des référés a enjoint à la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation de convier la FERC-CGT aux réunions du comité de suivi. La ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation fait appel de cette ordonnance.
Sur le droit applicable :
4. Aux termes du premier alinéa de l'article 8 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Le droit syndical est garanti aux fonctionnaires (...)" et aux termes de l'article 8 bis de la même loi, dans sa rédaction en vigueur à la date de l'accord du 12 octobre 2020 : " I.- Les organisations syndicales de fonctionnaires ont qualité pour participer au niveau national à des négociations relatives à l'évolution des rémunérations et du pouvoir d'achat des agents publics avec les représentants du Gouvernement, les représentants des employeurs publics territoriaux et les représentants des employeurs publics hospitaliers. / II.- Les organisations syndicales de fonctionnaires ont également qualité pour participer, avec les autorités compétentes, à des négociations relatives : (...) / 2° Au déroulement des carrières et à la promotion professionnelle ; (...) / III.- Sont appelées à participer aux négociations mentionnées aux I et II les organisations syndicales disposant d'au moins un siège dans les organismes consultatifs au sein desquels s'exerce la participation des fonctionnaires et qui sont déterminées en fonction de l'objet et du niveau de la négociation (...)/ IV.- Un accord est valide s'il est signé par une ou plusieurs organisations syndicales de fonctionnaires ayant recueilli au moins 50 % des suffrages exprimés en faveur des organisations habilitées à négocier lors des dernières élections professionnelles organisées au niveau auquel l'accord est négocié ". Ces dispositions impliquent, au titre du droit syndical reconnu par le sixième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, qui constitue une liberté fondamentale au sens de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, le droit, pour toute organisation syndicale de fonctionnaires représentative au sens du III de cet article 8 bis, de participer à des négociations ouvertes au niveau national sur un objet mentionné au I ou au II du même article, alors même que ces négociations porteraient sur des mesures devant être prises unilatéralement par le pouvoir réglementaire et qu'elles ne se substitueraient pas à la saisine des organismes consultatifs compétents, au sein desquels ces mêmes organisations syndicales sont représentées. Il en va de même pour les négociations engagées postérieurement à la publication de l'ordonnance du 17 février 2021 relative à la négociation et aux accords collectifs dans la fonction publique, en vertu des articles 8 bis et 8 ter de la loi du 13 juillet 1983 que l'ordonnance a respectivement modifié et introduit dans cette loi.
5. Lorsqu'un accord mentionné à l'article 8 bis de la loi du 13 juillet 1983 cité ci-dessus prévoit la création d'un comité de suivi réservé aux organisations syndicales signataires, ni la soumission à ce comité de l'avancement des mesures prévues par l'accord, ni la fonction qui peut lui être confiée de débattre des difficultés rencontrées dans la mise en oeuvre de l'accord, ou de proposer des aménagements des mesures prévues par l'accord, ne peuvent être regardées comme ouvrant des négociations au sens du point précédent, y compris si les mesures débattues au sein du comité portent sur un des thèmes mentionnés au I ou au II de l'article 8 bis de la loi du 13 juillet 1983 et, désormais, à son article 8 ter. De tels échanges peuvent donc être régulièrement organisés au sein de ce seul comité de suivi, alors même que, en raison de sa composition limitée aux seuls signataires de l'accord, certains syndicats représentatifs des fonctionnaires concernés ne seraient pas appelés à y participer.
6. En revanche, une négociation ouverte au plan national et portant sur les thèmes mentionnés aux I ou au II de l'article 8 bis de la loi du 13 juillet 1983 cité ci-dessus et, désormais, à son article 8 ter, ne saurait exclure la participation d'un syndicat représentatif des fonctionnaires concernés, même elle s'inscrit dans la suite d'un accord négocié avec l'ensemble des syndicats représentatifs et qu'elle a pour seul but de déterminer, dans le cadre fixé par celui-ci, certains éléments qu'il n'a pas précisés. Un tel échange ne peut donc, sauf à porter une atteinte manifestement illégale à l'exercice du droit syndical, être organisé au sein d'un comité de suivi institué par cet accord qu'à la condition que, en plus des syndicats membres de ce comité, tout syndicat représentatif des fonctionnaires concernés soit également appelé à y participer.
Sur le litige :
En ce qui concerne l'urgence :
7. Si la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation conteste en appel l'existence d'une situation d'urgence de nature à ce que le juge des référés fasse usage des pouvoirs qu'il tient des dispositions de l'article L. 521-2 du code de justice administrative cité ci-dessus, il résulte de l'instruction que, même si leurs dates ne sont pas fixées, des réunions du comité de suivi ou des groupes de travail qui lui sont rattachés sont susceptibles de se tenir à bref délai. Par suite, la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation n'est pas fondée à soutenir que la condition d'urgence n'est pas remplie à la date de la présente ordonnance.
En ce qui concerne l'atteinte à une liberté fondamentale :
8. Il résulte de l'instruction, notamment des termes mêmes de l'accord du 12 octobre 2020, que le comité de suivi institué par cet accord est appelé à exercer des fonctions diverses, dont certaines relèvent d'un simple examen de la mise en oeuvre des mesures prévues par l'accord et, par suite, ne conduisent pas à l'ouverture d'une négociation au sens des dispositions citées au point 3, mais dont un grand nombre consiste en revanche à contribuer, par les échanges conduits en son sein entre l'administration et les syndicats signataires de l'accord, à la définition des mesures de mise en oeuvre de l'accord, notamment en se prononçant sur les options à retenir parmi les possibilités laissées ouvertes par les stipulations de l'accord.
9. Il en va notamment ainsi du rôle confié au comité dans le " repyramidage de la filière IRTF ", pour lequel l'accord du 12 octobre 2020 prévoit qu'il fasse des propositions de répartition, par branche professionnelle, des requalifications offertes à ces agents et de définir une méthode de répartition par établissement, ainsi que de se prononcer sur la nature et la forme des modes de sélection des agents concernés. Le comité est également appelé, à ce titre, à se prononcer sur les modalités de la future fusion de grades au sein des corps d'ingénieurs de recherche.
10. Il en va également ainsi, notamment, du rôle confié au comité quant aux modalités de mise en oeuvre des différentes mesures indemnitaires prévues par l'accord du 12 octobre 2020, le comité étant appelé à " définir la nouvelle architecture des primes " des enseignants-chercheurs et des chercheurs et, ainsi qu'il a été précisé lors de l'audience publique, à se prononcer sur la manière dont seront ventilées, chaque année pendant sept ans, les progressions des différents volets de leur rémunération indemnitaire. Le comité est également appelé à se prononcer sur la revalorisation indemnitaire de 18 millions d'euros prévue pour les personnels ITA et ITRF, dont les modalités de répartition doivent être fixées " en concertation " avec lui.
11. Il en va encore ainsi, notamment, du rôle confié au comité quant aux mesures dites de " repyramidage " des corps de chercheurs et d'enseignants-chercheurs, en particulier pour sa contribution attendue à la définition des nouvelles voies statutaires permettant l'accès au corps des professeurs d'université, ou aux nouvelles règles d'accès des directeurs de recherche à la classe exceptionnelle de leur corps.
12. Sur ces thèmes, dont il résulte de l'instruction qu'ils sont ceux sur lesquels le comité de suivi doit être saisi en priorité, comme sur tous les autres pour lesquels le comité devra concourir à l'élaboration de dispositifs qui ne sont pas, ou pas entièrement, déterminés par l'accord, les travaux menés entre l'administration et les syndicats signataires de l'accord revêtent le caractère d'une négociation au sens des dispositions citées au point 2 et ne peuvent, par suite, être régulièrement conduits que si tous les syndicats représentatifs des fonctionnaires concernés sont invités à y participer. Or, si la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation soutient à bon droit, notamment dans sa réponse au complément d'instruction ordonné à l'issue de l'audience, qu'elle peut régulièrement convoquer sur ces thèmes le comité dans sa composition limitée aux seuls syndicats signataires, à la condition de se borner à assurer l'information de ces derniers sur les travaux en cours sans solliciter aucune contribution de leur part, il résulte de l'instruction que les prochaines réunions du comité de suivi ou de ses groupes de travail doivent nécessairement permettre à ce comité et ses groupes de travail de remplir, sur ces mêmes thèmes, le rôle que leur confie l'accord du 12 octobre 2020 dans l'élaboration de diverses mesures de mise en oeuvre de l'accord, en vue d'une entrée en vigueur très rapide.
13. Dans ces conditions, la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Paris a jugé que l'absence de convocation de la Fédération de l'éducation de la recherche et de la culture-Confédération générale des travailleurs, qui a la qualité de syndicat représentatif des chercheurs et enseignants-chercheurs, aux prochaines réunions du comité de suivi revêtait le caractère d'une atteinte grave et manifestement illégale à l'exercice du droit syndical et qu'il a par suite prononcé, au titre des prochaines réunions du comité, l'injonction litigieuse.
14. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros chacun à verser au Syndicat national des travailleurs de la recherche scientifique, à la Fédération de l'éducation de la recherche et de la culture-Confédération générale des travailleurs et à l'Union fédérale des syndicats de l'Etat-Confédération générale des travailleurs, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
O R D O N N E :
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Article 1er : La requête de la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera la somme de 1 000 euros chacun au Syndicat national des travailleurs de la recherche scientifique, à la Fédération de l'éducation de la recherche et de la culture-Confédération générale des travailleurs et à l'Union fédérale des syndicats de l'Etat-Confédération générale des travailleurs, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, à la ministre de la transformation et de la fonction publiques, au Syndicat national des travailleurs de la recherche scientifique, à la Fédération de l'éducation de la recherche et de la culture-Confédération générale des travailleurs et à l'Union fédérale des syndicats de l'Etat-Confédération générale des travailleurs.