Elle soutient que :
- la condition d'urgence doit être regardée comme remplie dès lors, d'une part, que le retrait de naturalisation attaqué place la requérante et sa fille en situation irrégulière, sans droit au séjour sur le territoire français, et les empêche d'aller et venir librement dans la mesure où la préfecture a fait un signalement la concernant sur le fichier des personnes recherchées, et, d'autre part, que cette décision emporte des conséquences financières importantes telles que la notification d'un trop-perçu par Pôle Emploi à hauteur de 25 373,17 euros ;
- le décret contesté est entaché d'illégalité, dès lors, que, en premier lieu, le nom de son signataire n'y apparaît pas, en deuxième lieu, la procédure contradictoire préalable à son édiction n'a pas été régulièrement assurée, en troisième lieu, il ne fait l'objet d'aucune motivation permettant de démontrer que la requérante ne satisfaisait pas aux conditions légales d'octroi de la naturalisation ou que la décision de naturalisation avait été obtenue au moyen d'une fraude ou d'un mensonge, en quatrième lieu, le jugement du tribunal de grande instance de Paris du 12 janvier 2016 n'est pas fondé sur la fraude, et, en dernier lieu, les retraits de titre de séjour dont Mme A...a été l'objet, qui sont unis au décret contesté par un lien d'opération complexe, portent, comme le décret contesté, une atteinte excessive au respect de sa vie privée et familiale.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 août 2017, le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête. Il soutient que la condition d'urgence n'est pas remplie et qu'aucun des moyens soulevés par la requérante n'est de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code civil ;
- le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, MmeA..., d'autre part, le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur ;
Vu le procès-verbal de l'audience publique du 29 août 2017 à 15 heures au cours de laquelle ont été entendus :
- Me Pinatel, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de MmeA... ;
- Mme A...;
- la représentante de MmeA... ;
- la représentante du ministre d'Etat, ministre de l'intérieur ;
et à l'issue de laquelle le juge des référés a clos l'instruction ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article 27-2 du code civil : " Les décrets portant acquisition, naturalisation ou réintégration peuvent être rapportés sur avis conforme du Conseil d'Etat dans le délai de deux ans à compter de leur publication au Journal officiel si le requérant ne satisfait pas aux conditions légales ; si la décision a été obtenue par mensonge ou fraude, ces décrets peuvent être rapportés dans le délai de deux ans à partir de la découverte de la fraude ".
2. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".
3. Un décret du 24 septembre 2014, publié au Journal officiel le 26 septembre 2014, a accordé la nationalité française à Mme A...et mentionné son second enfant mineurB..., Esther, Jedasy, Kimia Bayidikila comme susceptible de bénéficier de l'effet collectif attaché à la naturalisation de sa mère, à la suite à la reconnaissance prénatale de son premier enfant, Carol-Emmanuel, Alice le 6 avril 2007 par anticipation, devant l'officier d'état civil de la mairie de Pantin, par un ressortissant français. Par un jugement n° 14/04152 du 12 janvier 2016, devenu définitif, le tribunal de grande instance de Paris a toutefois annulé, d'une part, la reconnaissance prénatale de Carol-Emmanuel, Alice, d'autre part, le certificat de nationalité française qui lui avait était délivré le 6 juillet 2011 et, enfin, dit que cet enfant portera désormais le nom de " A... ". A la suite de cette décision de l'autorité judiciaire, le préfet de police a retiré, le 12 avril 216, pour fraude la carte de séjour et la carte de résident qui avaient été délivrées à Mme A...en sa qualité de parent d'un enfant français. Puis le décret contesté du 26 septembre 2016, publié le 28 septembre 2016, a rapporté le décret du 24 septembre 2014 en tant qu'il naturalisait Mme A...et mentionnait son enfant mineureB..., Esther, Jedasy, Kimia Bayidikila comme susceptible de bénéficier de l'effet collectif attaché à la naturalisation de sa mère.
4. La procédure contradictoire qui doit précéder l'intervention d'un décret rapportant un décret portant naturalisation est précisée par les articles 59 et 62 du décret du 30 décembre 1993. L'intéressé reçoit notification du projet de retrait, avec l'indication des motifs de droit et de fait qui le justifient. Il dispose d'un délai d'un mois pour présenter ses observations.
5. En l'espèce, un courrier recommandé avec accusé de réception a été envoyé à la seule adresse de Mme A...alors connue de l'administration, qui était celle de sa tante. Il mentionnait le projet de retrait et en précisait les motifs de droit et de fait. Un accusé de réception, qui figure au dossier, montre que ce courrier a été remis le 15 juin 2016 à une personne regardée comme ayant qualité pour le recevoir. En l'état de l'instruction, le moyen tiré d'une irrégularité dans la procédure contradictoire préalable à l'intervention du décret dont la suspension est demandée ne peut donc être regardé comme de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de ce décret.
6. Le décret du 24 septembre 2014 a été publié le 26 septembre suivant. Il résulte des termes mêmes de l'article 27-2 du code civil que le délai de deux ans prévu par cet article a commencé à courir à cette dernière date. Ce délai n'était pas expiré lorsque le décret contesté a été signé le 26 septembre 2016. Le moyen tiré de ce que ce décret aurait été pris après l'expiration du délai prévu par l'article 27-2 du code civil n'est donc pas de nature à faire naître un doute sérieux sur sa légalité.
7. Un retrait de nationalité est, par lui-même, sans incidence sur le droit au séjour. Il a d'ailleurs été indiqué au cours de l'audience publique que l'administration était disposée à examiner une demande de titre de séjour que présenterait, eu égard notamment à la situation de ses enfants, nés et scolarisés en France, MmeA.... Le moyen tiré d'une atteinte excessive au droit au respect de la vie privée et familiale de Mme A...n'est donc pas de nature à créer un doute sur la légalité du décret contesté.
8. Le retrait de naturalisation litigieux est fondé sur ce que, du fait du retrait des titres de séjour dont Mme A...avait bénéficié en sa qualité de parent d'enfant français, elle ne satisfaisait plus à la condition de régularité du séjour nécessaire à l'acquisition de la nationalité française. La délivrance de titres de séjour, d'une part, l'octroi de la nationalité française, d'autre part, relèvent de législations distinctes et obéissent à des considérations différentes. Il n'y a donc pas entre ces décisions, et en tout état de cause, de lien d'opération complexe qui permettrait de contester, à l'occasion d'un recours dirigé contre un retrait de naturalisation, la légalité de décisions relatives au séjour. Les moyens relatifs à la légalité des retraits de titre de séjour dont Mme A...a été l'objet ne peuvent donc être utilement invoqués pour contester le décret litigieux.
9. Aucun des autres moyens invoqués par la requérante n'est de nature à faire naître un doute sérieux sur la légalité du décret dont elle demande la suspension. Sa requête, y compris ses conclusions à fin d'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peut donc qu'être rejetée.
O R D O N N E :
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Article 1er : La requête de Mme A...est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme C...A...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.