Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 18 décembre 2017 et 9 février 2018, MmeD..., représentée par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 16 octobre 2017 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 14 juin 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer le titre de séjour sollicité dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard en application des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, et à défaut de procéder au réexamen de sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi
du 10 juillet 1991.
S'agissant de l'arrêté dans son ensemble, elle soutient qu'il est entaché d'un défaut de motivation lequel révèle l'absence d'examen réel et sérieux de sa situation ;
S'agissant de la décision portant refus de renouvellement de titre de séjour, elle soutient que :
- elle est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur d'appréciation dans l'application des stipulations de l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences sur sa situation personnelle ;
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français, elle soutient que :
- elle est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision refusant de l'admettre au séjour ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences sur sa situation personnelle ;
S'agissant de la décision fixant le pays de destination, elle soutient qu'elle est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 mars 2018, le préfet de la
Haute-Garonne conclut au rejet de la requête et soutient que les moyens soulevés par Mme D...ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 12 mars 2018, la clôture d'instruction a été fixée en définitive le 27 mars 2018.
Mme D...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 30 novembre 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'accord du 9 octobre 1987 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code du travail ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme C...a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. MmeD..., ressortissante marocaine née le 5 mai 1985 à Tétouan (Maroc), est entrée en France le 6 octobre 2004 munie d'un passeport revêtu d'un visa de court séjour. Elle a bénéficié de cartes de séjour temporaires portant la mention " étudiant " régulièrement renouvelées entre le 28 octobre 2004 et le 6 octobre 2016. Le 31 mai 2016, elle a sollicité le renouvellement de son titre de séjour sous le couvert d'un changement de son statut au profit d'un titre de séjour en qualité de salariée sur le fondement de l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987. Le 28 novembre 2016, elle a sollicité le renouvellement de son titre de séjour portant la mention " étudiant " sur le fondement de 1'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par arrêté du 14 juin 2017, le préfet de la
Haute-Garonne a rejeté ces demandes de titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Mme D...relève appel du jugement du 16 octobre 2017 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de l'arrêté du 14 juin 2017 :
En ce qui concerne l'arrêté dans son ensemble :
2. En premier lieu, à l'appui du moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision en litige, Mme D...ne se prévaut devant la cour d'aucun élément de fait ou de droit nouveau et ne critique pas utilement la réponse apportée par le tribunal administratif. Il y a dès lors lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinemment retenus par les premiers juges.
3. En second lieu, la motivation de l'arrêté, révèle, contrairement à ce qui est soutenu par l'appelante, que l'administration préfectorale a procédé à un examen circonstancié, au regard des dispositions législatives et réglementaires applicables, de la situation personnelle de l'intéressée. Par suite, ce moyen doit être écarté.
En ce qui concerne la décision portant refus de renouvellement de titre de séjour :
4. En premier lieu, les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et du code du travail relatives aux différents titres de séjour qui peuvent être délivrés aux étrangers et les autoriser à travailler en France comme les conditions de leur délivrance s'appliquent, ainsi que le rappellent respectivement leurs articles L. 111-2, et L. 5221-1, sous réserve des conventions internationales.
5. D'une part, aux termes de l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum et qui ne relèvent pas de l'article 1er du présent accord, reçoivent après le contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention salarié éventuellement assortie de restrictions géographiques ou professionnelles (...) ". L'article 9 de cet accord dispose que : " Les dispositions du présent Accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux États sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'Accord. / Chaque État délivre notamment aux ressortissants de l'autre État tous titres de séjour autres que ceux visés au présent Accord, dans les conditions prévues par sa législation ". L'accord franco-marocain renvoie ainsi, sur tous les points qu'il ne traite pas, à la législation nationale, en particulier aux dispositions pertinentes du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et du code du travail pour autant qu'elles ne sont pas incompatibles avec les stipulations de l'accord et nécessaires à sa mise en oeuvre. Il en va notamment ainsi, pour le titre de séjour " salarié" mentionné à l'article 3 cité ci-dessus délivré sur présentation d'un contrat de travail " visé par les autorités compétentes ", des dispositions des articles R. 5221-17 et suivants du code du travail, qui précisent les modalités selon lesquelles et les éléments d'appréciation en vertu desquels le préfet se prononce, au vu notamment du contrat de travail, pour accorder ou refuser une autorisation de travail.
6. D'autre part, aux termes de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : "Une carte de séjour temporaire, d'une durée maximale d'un an, autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée à l'étranger : 1° Pour l'exercice d'une activité salariée sous contrat de travail à durée indéterminée, dans les conditions prévues à l'article L. 5221-2 du code du travail. Elle porte la mention " salarié ". " L'article L. 5221-2 du code du travail dispose que : " Pour entrer en France en vue d'y exercer une profession salariée, l'étranger présente : 1° Les documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur ; 2° Un contrat de travail visé par l'autorité administrative ou une autorisation de travail. ". En vertu de l'article R. 5221-3 du code du travail : " L'autorisation de travail peut être constituée par l'un des documents suivants : (...) 8° La carte de séjour temporaire portant la mention salarié, délivrée en application du 1° de l'article L. 313-10 du code l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou le visa de long séjour valant titre de séjour mentionné au 7° de l'article R. 311-3 du même code, accompagné du contrat de travail visé ; (...) ". Selon l'article R. 5221-11 du même code : " La demande d'autorisation de travail relevant des 4°, 8°, 9°, 13° et 14° de l'article R. 5221-3 est faite par l'employeur. / Elle peut également être présentée par une personne habilitée à cet effet par un mandat écrit de l'employeur. ". En vertu de l'article R. 5221-15 de ce code : " Lorsque l'étranger est déjà présent sur le territoire national, la demande d'autorisation de travail mentionnée à l'article R. 5221-11 est adressée au préfet de son département de résidence. ". Enfin, aux termes de l'article R. 5221-17 du même code : " La décision relative à la demande d'autorisation de travail mentionnée à l'article R. 5221-11 est prise par le préfet. Elle est notifiée à l'employeur ou au mandataire qui a présenté la demande, ainsi qu'à l'étranger ".
7. Il résulte des dispositions combinées des articles R. 5221-3, R. 5221-11,
R. 5221-15 et R. 5221-17 du code du travail que la demande d'autorisation de travail présentée par un étranger qui est déjà présent sur le territoire national doit être adressée au préfet par l'employeur. Le préfet, saisi d'une telle demande, présentée sous la forme des imprimés Cerfa, ne peut refuser l'admission au séjour de l'intéressé au motif que ce dernier ne produit pas d'autorisation de travail ou de contrat de travail visé par l'autorité compétente dès lors qu'il lui appartient de faire instruire la demande d'autorisation de travail par ses services. Toutefois, et contrairement à ce que soutient l'appelante, la seule production d'une promesse d'embauche à l'appui d'une demande de titre de séjour, non accompagnée d'une demande d'autorisation de travail d'un salarié étranger émanant d'un employeur, ne peut être assimilée à une telle demande. Ainsi, même si Mme D...se prévaut à l'appui de sa demande de changement de statut d'étudiant à salarié de deux promesses d'embauche établies les 30 novembre 2016 et
3 avril 2017 dans le cadre d'un contrat de travail à durée déterminée en qualité de chargée d'études préalables aux projets de construction et d'aménagement en architecture au sein de la société AB Engineering et de deux attestations confirmant cette intention d'embaucher l'intéressée en date des 11 juillet 2017 et 2 février 2018 rédigées par cette entreprise, sa demande de titre de séjour en qualité de salariée ne peut, à elle seule, être regardée comme valant demande d'autorisation de travail au sens de l'article R. 5221-11 précité du code du travail alors qu'il n'est pas établi, ni même soutenu que l'employeur de Mme D...aurait déposé une demande d'autorisation de travail auprès des services en charge de l'emploi. Par suite, en l'absence de contrat de travail visé par les autorités compétentes, d'une autorisation de travail ou d'une demande en ce sens, l'appelante ne remplissait pas les conditions pour se voir délivrer un titre sur le fondement de l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987. Dans ces conditions, le préfet de la Haute-Garonne a pu, sans commettre d'erreur de droit ou d'erreur d'appréciation dans l'application de l'article 3 dudit accord, lui refuser la délivrance du titre de séjour " salarié " sollicité.
8. En second lieu, si Mme D...se prévaut de treize années de présence habituelle en France, de l'obtention de plusieurs diplômes d'études supérieures, de son réseau professionnel et de sa parfaite intégration dans la société française, il ressort toutefois des pièces du dossier qu'elle est arrivée en France à l'âge de dix-neuf ans pour y poursuivre des études supérieures, et a disposé à ce titre, entre 2004 et 2016, d'un droit au séjour qui ne lui donnait pas vocation à demeurer sur le territoire français au-delà du temps strictement nécessaire à la poursuite de ses études. De plus, elle est célibataire et sans charge de famille et n'est pas dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine où résident, selon ses déclarations, son père, ses deux frères et sa soeur. Par ailleurs, si elle fait valoir que les soins nécessités par le diabète dont elle est atteinte ne seraient pas disponible au Maroc, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'un traitement approprié ne pourrait être mis en place dans son pays d'origine, ni qu'un défaut de prise en charge serait de nature à entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité, et elle n'établit pas, en tout état de cause, avoir présenté une demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade. Dans ces conditions, c'est à bon droit que les premiers juges ont écarté le moyen tiré de l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision portant refus de séjour sur sa situation personnelle.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
9. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que la décision portant refus de titre de séjour n'est pas entachée d'illégalité. Par suite, la mesure d'éloignement n'a pas été prise sur le fondement d'une décision illégale.
10. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 8, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences qu'emporte la décision contestée sur la situation personnelle de l'intéressée.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
11. La décision portant refus de titre de séjour et la mesure d'éloignement ne sont pas entachées d'illégalité. Par suite, le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de ces décisions, ne peut qu'être écarté.
12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 14 juin 2017. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi
du 10 juillet 1991.
DÉCIDE:
Article 1er : La requête de Mme D...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...D..., au ministre de l'intérieur et à MeA.... Une copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.
Délibéré après l'audience du 25 avril 2018 à laquelle siégeaient :
M. Éric Rey-Bèthbéder, président,
M. Didier Salvi, président-assesseur,
Mme Aurélie Chauvin, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 29 mai 2018
Le rapporteur,
Aurélie C...Le président,
Éric Rey-BèthbéderLe greffier,
Vanessa Beuzelin
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 17BX03997