Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 18 décembre 2015 et le 27 avril 2016, M. B..., représenté par la SELARL Alty avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 14 septembre 2015 ;
2°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire en première instance ;
3°) d'annuler l'arrêté du 9 septembre 2015 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a ordonné sa réadmission en Hongrie et la décision du même jour ordonnant son placement en rétention administrative ;
4°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de prendre en charge l'examen de sa demande d'asile en adressant préalablement aux autorités hongroises une demande de transfert ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai de trois jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 013 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
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Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Marianne Pouget a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M.B..., né le 18 septembre 1980, ressortissant de la Côte d'Ivoire, est entré irrégulièrement en France selon ses déclarations en janvier 2015 et a sollicité, le 27 janvier 2015, son admission au séjour au titre de l'asile. Le relevé de ses empreintes a révélé que l'intéressé était signalé au fichier Eurodac pour avoir déposé une demande d'asile le 20 janvier 2014 auprès des autorités hongroises. Le préfet de la Haute-Garonne a, par une décision du 7 mai 2015, refusé l'admission au séjour de l'intéressé en qualité de demandeur d'asile. Le préfet de la Haute-Garonne estimant que la France n'était pas responsable de sa demande d'asile, a saisi les autorités hongroises en vue de sa réadmission, qui ont accepté, le 14 avril 2015, de reprendre en charge M. B.... Par un arrêté du 9 septembre 2015, le préfet de la Haute-Garonne a ordonné la réadmission de l'intéressé vers la Hongrie. Par un autre arrêté du même jour, le préfet a ordonné le placement de M. B...en rétention administrative en vue d'exécuter la mesure de réadmission. M. B...relève appel du jugement du 14 septembre 2015 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du préfet de la Haute-Garonne du 9 septembre 2015 ordonnant sa remise aux autorités hongroises et prononçant son placement en rétention administrative.
Sur la demande d'aide juridictionnelle provisoire en première instance :
2. Si M. B...soutient qu'il aurait dû être admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire dans les deux affaires introduites en première instance et demande à cette fin à la cour de l'y admettre. Toutefois, il résulte du dernier alinéa de l'article 63 du décret du 19 décembre 1991 susvisé que la décision du tribunal sur l'admission à l'aide juridictionnelle, qui n'est prononcée qu'à titre provisoire, est " sans recours ". Par suite les conclusions de M. B...ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
3. En premier lieu, M. B...soutient que les obligations d'information et d'un entretien individuel préalable mentionnées respectivement aux articles 4 et 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 n'ont pas été respectées. Toutefois, il ressort des pièces du dossier de première instance que, d'une part, M. B...qui a déclaré comprendre la langue française, s'est vu remettre le 27 janvier 2015 le guide du demandeur d'asile et les brochures contenant les informations pour les demandeurs d'une protection internationale dans le cadre d'une procédure de Dublin en vertu de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013, dont il a accusé réception lors de leur remise à la préfecture et que, d'autre part, l'entretien individuel mentionné à l'article 5 de ce règlement a eu lieu le 12 février 2015, la copie de cet entretien individuel lui ayant été remise le même jour. Si le requérant soutient qu'il n'a pas bénéficié d'un entretien confidentiel ayant été accueilli à un guichet, aucun élément du dossier ne permet d'établir que cet entretien n'aurait pas été mené par une personne qualifiée en vertu du droit national, ni dans des conditions qui n'en auraient pas garanti la confidentialité au sens du règlement précité. Par suite, le moyen tiré du défaut d'information et d'entretien individuel prévus par les articles 4 et 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 préalablement à l'édiction de la décision de réadmission ne peut qu'être écarté.
4. En deuxième lieu, si M. B...soutient qu'il n'a pas été préalablement informé de l'éventualité d'une notification concomitante de la décision de réadmission aux autorités hongroises et d'une décision de placement en rétention, aucune disposition légale ou réglementaire ne met à la charge de l'administration une telle obligation d'information préalable.
5. En troisième lieu, M. B...fait valoir qu'il n'a pas été mis à même d'avertir son conseil ni avant l'édiction de la décision de réadmission ni avant " la mise à exécution " de cette mesure en méconnaissance de l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en raison du caractère simultané de leur intervention. Toutefois, d'une part, ces dispositions, aux termes desquelles la décision de remise à un Etat responsable de l'examen d'une demande d'asile " peut être exécutée d'office par l'administration après que l'étranger a été mis en mesure de présenter des observations et d'avertir ou de faire avertir son consulat, un conseil ou toute personne de son choix ", n'imposent pas de mettre l'intéressé à même d'avertir son conseil avant l'adoption de la décision de remise mais uniquement avant son exécution d'office. D'autre part, la décision par laquelle le préfet a notifié à M. B...son placement en rétention administrative a été prise en vue de permettre l'exécution à brève échéance de la mesure d'éloignement prononcée à son encontre et n'est pas constitutive par elle-même d'une exécution d'office de cette mesure. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 531-1 du code de justice administrative doit être écarté.
6. En quatrième lieu, M. B...soutient que le préfet a entaché la décision de réadmission aux autorités hongroises d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il existe des " défaillances systémiques " dans le traitement des demandes d'asile de ce pays, que les autorités hongroises ne sont pas en mesure d'assurer une prise en charge des demandeurs d'asile réacheminés, qu'il encourt le risque de traitements inhumains et dégradants, d'autant que son état de santé requiert un traitement médical approprié et qu'il a fait l'objet de mauvais traitements en Hongrie lors de son passage dans ce pays.
7. Le droit constitutionnel d'asile, qui a pour corollaire le droit de solliciter la qualité de réfugié, constitue une liberté fondamentale et implique que l'étranger qui sollicite la qualité de réfugié soit, en principe, autorisé à demeurer sur le territoire jusqu'à ce qu'il ait été statué sur sa demande, dans les conditions définies par l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le 1° de cet article permet de refuser l'admission au séjour en France d'un demandeur d'asile, lorsque la demande d'asile relève de la compétence d'un autre Etat membre de l'Union européenne, en application des dispositions du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des Etats membres par un ressortissant d'un pays tiers. Toutefois, le dernier alinéa du même article prévoit que " les dispositions du présent article ne font pas obstacle au droit souverain de l'Etat d'accorder l'asile à toute personne qui se trouverait néanmoins dans l'un des cas mentionnés aux 1° à 4° ". Aux termes du paragraphe 2 de l'article 3 du même règlement : " Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l' examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable. Lorsqu'il est impossible de transférer le demandeur en vertu du présent paragraphe vers un État membre désigné sur la base des critères énoncés au chapitre III ou vers le premier État membre auprès duquel la demande a été introduite, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable devient l'État membre responsable ".
8. Si la Hongrie est un Etat membre de l'Union européenne et partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il appartient néanmoins à l'administration d'apprécier dans chaque cas, au vu des pièces qui lui sont soumises et sous le contrôle du juge, si les conditions dans lesquelles un dossier particulier est traité par les autorités de ce pays répondent à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile. D'une part, les documents produits par M. B..., qui présentent un caractère général, de même que ses affirmations sur les modalités d'application des règles relatives à l'asile par les autorités hongroises ne peuvent suffire à établir que la réadmission d'un demandeur d'asile vers la Hongrie serait, par elle-même, constitutive d'une atteinte grave au droit d'asile. Si le Haut Commissariat aux Réfugiés a recommandé aux autorités hongroises de prendre les mesures nécessaires à ce que les droits de l'homme, et en particulier le droit d'asile, soit respecté, le Haut Commissariat aux Réfugiés n'a nullement préconisé une suspension générale des transferts en Hongrie. D'autre part, les allégations de M. B...relatives aux conditions de son séjour lors de sa détention dans un centre d'accueil des réfugiés ne suffisent pas à établir qu'il existe un risque sérieux que sa demande d'asile ne soit pas traitée par les autorités hongroises dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile. Il n'établit pas avoir subis des mauvais traitements dont il fait état lors de son séjour en Hongrie ni, ainsi qu'il le fait valoir, qu'il serait exposé à des traitements inhumains ou dégradants en raison des conditions d'accueil en Hongrie et qu'il ne pourrait y poursuivre son traitement médical. Dès lors, en décidant, conformément aux règles du droit de l'Union européenne, la réadmission de M. B...en Hongrie, le préfet de la Haute-Garonne n'a méconnu ni le droit d'asile de ce dernier ni les stipulations des articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
9. Enfin, pour les mêmes motifs, M. B... n'est pas davantage fondé à soutenir que le préfet de la Haute-Garonne, dont il ne ressort pas des pièces du dossier, comme l'ont admis à bon droit les premiers juges, qu'il n'aurait pas procédé à un examen réel et sérieux de sa situation personnelle, notamment au regard de son état de santé, a commis une erreur manifeste d'appréciation en ne faisant pas usage de la clause discrétionnaire prévue par l'article 17 du règlement n° 604/2013 qui permet à un Etat d'examiner la demande d'asile d'un demandeur même si cet examen ne lui incombe pas en application des critères fixés dans ce règlement.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction de même que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ne peuvent être accueillies.
DECIDE
Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.
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N° 15BX04100