Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 8 février 2016, M.A..., représenté par MeC..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 9 juin 2015 ;
2°) d'annuler l'arrêté attaqué ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer le titre de séjour sollicité ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil, en application des dispositions combinées de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Béatrice Molina-Andréo,
- et les observations de MeC..., représentant M.A....
Considérant ce qui suit :
1. M. B...A..., ressortissant turc né le 5 septembre 1981, est entré pour la dernière fois en France le 23 mai 2012 sous couvert d'un visa court séjour délivré par les autorités néerlandaises. Ayant sollicité la délivrance d'un titre de séjour auprès du préfet du Loir et Cher, celui-ci a rejeté sa demande par un arrêté du 19 septembre 2012. M. A...a ensuite saisi le préfet de la Gironde d'une demande de régularisation de sa situation sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA). Par un arrêté du 13 février 2013, le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. Cet arrêté ayant été annulé par un arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 18 juillet 2014 pour défaut de motivation, le préfet de la Gironde, dans le cadre de la procédure de réexamen de la situation du requérant, a, le 1er décembre 2014, pris à son encontre un nouvel arrêté portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixation du pays de destination et interdiction de retour sur le territoire national pour une durée de deux ans. M. A... relève appel du jugement du 9 juin 2015 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. Lorsqu'un étranger fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français avec délai de départ volontaire, le délai de recours contentieux de trente jours dont il dispose en application des dispositions de l'article L. 512-1 du CESEDA est interrompu par une demande d'aide juridictionnelle déposée dans ce délai et, en cas d'admission à l'aide juridictionnelle, court de nouveau à l'expiration du délai de deux mois suivant la date de la notification de la décision du bureau d'aide juridictionnelle ou, si elle est plus tardive, de la date de désignation de l'auxiliaire de justice.
3. En l'espèce, l'arrêté attaqué du 1er décembre 2014 a été notifié à M. A... le 4 décembre de la même année. Celui-ci a présenté une demande d'aide juridictionnelle le 22 décembre 2014, soit avant l'expiration du délai de recours contentieux de trente jours dont il disposait en application des dispositions de l'article L. 512-1 du CESEDA. La demande d'aide juridictionnelle, à laquelle il a été fait droit par décision du 21 janvier 2015, a eu pour effet de proroger le délai de recours contentieux, qui n'a pas couru en l'absence de la notification à l'intéressé d'une décision relative à sa demande d'aide juridictionnelle, lorsque la demande d'annulation a été enregistrée au greffe du tribunal administratif le 11 mars 2015. Par suite, le préfet n'est pas fondé à soutenir que la demande d'annulation était tardive en première instance et, en conséquence, irrecevable.
4. Si M. A...soutient que le préfet de la Gironde n'a pas procédé à un examen complet et attentif de sa situation en faisant abstraction des cinq premières années de son séjour en France, il n'établit pas, par les pièces qu'il produit, qu'il aurait été présent de manière continue et ininterrompue sur le territoire national entre janvier 2007 et le 13 janvier 2012, date d'exécution d'une reconduite à la frontière prise à son encontre. Si l'intéressé soutient par ailleurs que le préfet a commis une erreur de fait en faisant référence à une promesse d'embauche en qualité de " plaquiste ", alors que le contrat dont il s'est prévalu portait sur un emploi de " chef de chantier plaquiste ", une telle erreur matérielle est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée. Par suite, ces moyens doivent être écartés.
5. Il ressort des pièces du dossier que la présence continue de M. A...en France ne peut être établie que depuis son retour en France le 23 mai 2012, après exécution, le 13 janvier 2012, d'une mesure de reconduite à la frontière. Compte tenu de la courte durée du séjour en France de M. A...à la date de l'arrêté contesté, la seule circonstance que l'intéressé disposait d'une promesse d'embauche ne permet pas, dans les circonstances de l'espèce, de régulariser sa situation pour motifs exceptionnels ou considérations humanitaires, sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du CESEDA.
6. S'il fait valoir qu'il entretient depuis six ans une relation amoureuse avec Mme D..., de nationalité française, M.A..., qui ne vit pas avec cette personne et qui a déclaré, lors de sa demande de titre de séjour, être célibataire et sans charge de famille, n'établit pas la réalité de cette relation en se bornant à produire deux attestations non circonstanciées signées respectivement par lui-même et par MmeD.... Par ailleurs, si les grands parents de M. A...résident en France ainsi que son frère et sa belle soeur, il ressort des pièces du dossier que ceux-ci résident dans la Meuse, et il n'est ni établi ni même allégué que le requérant entretiendrait avec eux des liens d'une particulière intensité au regard de ceux qu'il a conservés avec ses parents et ses trois frères restés dans son pays d'origine. Enfin, l'intéressé ne peut sérieusement se prévaloir d'une intégration par le travail, alors que les bulletins de salaire qu'il verse font état de ses absences pendant quatre mois sur cinq mois en 2012, huit mois en 2013 et quatre mois en 2014. Eu égard aux conditions et à la durée du séjour de M. A...en France, et quand bien même celui-ci maîtriserait la langue française, la décision de refus de titre de séjour contestée n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Par suite, cette décision ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation sur la situation personnelle de M.A....
7. Pour prononcer la mesure d'interdiction de retour prise à l'encontre de M.A..., le préfet de la Gironde a relevé, que s'il ne constitue pas une menace pour l'ordre public, il a déjà fait l'objet de deux mesures d'éloignement, dont une non exécutée, qu'il s'est maintenu en France irrégulièrement après la mesure d'éloignement du 19 septembre 2012, que la nature et l'ancienneté de ses liens avec la France ne sont pas établies, enfin qu'il a conservé dans son pays d'origine des attaches familiales, notamment ses parents et ses frères. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé ne s'est pas maintenu en France irrégulièrement après la mesure d'éloignement du 19 septembre 2012, l'exécution de cette mesure ayant été suspendue, d'une part, du fait de l'exercice d'un recours juridictionnel devant le tribunal administratif de Bordeaux, dont le jugement n'est intervenu que le 10 octobre 2013, d'autre part, en raison de la délivrance d'un récépissé de demande de titre de séjour l'autorisant à travailler délivré par le préfet de la Gironde le 8 janvier 2013. Si une nouvelle mesure d'éloignement a été prise le 13 février 2013, elle a, elle aussi, fait l'objet d'un recours contentieux dans les délais et a été annulée par un arrêté de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 18 juillet 2014. Ainsi, en prononçant une interdiction de retour pour une durée de deux ans au motif tiré de ce que M. A...s'était maintenu irrégulièrement sur le territoire après la décision d'éloignement du 19 septembre 2012, le préfet de la Gironde a fait une inexacte appréciation de la situation du requérant au regard des dispositions précitées du III de l'article L. 511-1 du CESEDA. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement en tant qu'il serait entaché d'une omission à statuer sur les conclusions à fin d'annulation de l'interdiction de retour de deux ans contenue dans l'arrêté attaqué, cette décision doit être annulée.
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. A...est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.
9. L'annulation de la seule décision portant interdiction de retour sur le territoire français n'implique pas nécessairement qu'il soit enjoint au préfet de délivrer un titre de séjour à M.A.... Par conséquent, les conclusions à fin d'injonction présentées par l'intéressé doivent être rejetées.
10. Il n'y a pas de lieu, dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'Etat la somme demandée par M.A..., sur le fondement des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : L'arrêté du préfet de la Gironde du 1er décembre 2014 est annulé en tant qu'il prononce à l'encontre de M. A...une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.
Article 2 : Le jugement n° 1501043 du 9 juin 2015 du tribunal administratif de Bordeaux est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus de la requête de M. A...est rejeté.
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N°16BX00558