Par une ordonnance n° 1601775 du 21 novembre 2016, le juge des référés du tribunal administratif d'Amiens a condamné l'Etat à verser à M. B...une provision de 153 151,62 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 22 mai 2012.
Procédure devant la cour :
Par un recours enregistré le 9 décembre 2016, le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt demande à la cour de réformer l'ordonnance de référé du tribunal administratif d'Amiens en limitant le montant de l'indemnité à une somme de 132 430,09 euros.
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Vu :
- le code rural et de la pêche maritime.
- le code de la sécurité sociale.
- loi n° 89-412 du 22 juin 1989.
- le code de justice administrative.
1. Considérant que M.B..., vétérinaire exerçant à titre libéral, a été titulaire d'un mandat sanitaire à compter de 1974, pour lequel il a réalisé des actes de prophylaxie collective rémunérés par l'Etat dans les départements de la Somme et du Pas-de-Calais ; que M. B... a demandé à l'administration, par lettre du 21 mai 2012, la régularisation de sa situation en raison de l'absence d'affiliation à la Caisse de retraite et de la santé au travail (CARSAT) et à l'Institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l'Etat et des collectivités publiques (IRCANTEC) lors de son activité exercée au titre de son mandat sanitaire ; que, par une lettre du 31 mai 2013, le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, qui a reconnu le principe de la responsabilité de l'Etat, lui a communiqué une proposition d'assiette pour calculer les arriérés de cotisations et les indemnités pour minoration de pensions ; que M. B... a saisi le juge des référés du tribunal administratif d'Amiens d'une demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une provision, à valoir sur la réparation du préjudice subi, d'un montant de 153 151,62 euros ; que le ministre relève appel de l'ordonnance par laquelle le juge des référés du tribunal administratif d'Amiens a fait droit à la demande de M. B... ; que par appel incident, M. B... demande une revalorisation de cette provision ;
Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :
2. Considérant que, contrairement à ce que soutient le ministre, le juge des référés du tribunal administratif d'Amiens a indiqué précisément les motifs sur lesquels il s'est fondé pour estimer que l'existence de l'obligation invoquée par M. B...pouvait être regardée comme non sérieusement contestable ; que, dès lors, l'ordonnance attaquée est suffisamment motivée ;
Sur le montant de la créance non sérieusement contestable :
3. Considérant qu'aux termes de l'article R. 541-1 du même code : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie. " ; qu'il résulte de ces dispositions que, pour regarder une obligation comme non sérieusement contestable, il appartient au juge des référés de s'assurer que les éléments qui lui sont soumis par les parties sont de nature à en établir l'existence avec un degré suffisant de certitude ; que dans ce cas, le montant de la provision que peut allouer le juge des référés n'a d'autre limite que celle résultant du caractère non sérieusement contestable de l'obligation dont les parties font état ; que dans l'hypothèse où l'évaluation du montant de la provision résultant de cette obligation est incertaine, le juge des référés ne doit allouer de provision, le cas échéant assortie d'une garantie, que pour la fraction de ce montant qui lui parait revêtir un caractère de certitude suffisant ;
4. Considérant que le préjudice ouvrant droit à réparation au profit de M.B..., qui constitue la créance dont il peut se prévaloir à l'encontre de l'Etat, correspond, d'une part, au montant des cotisations patronales et salariales qu'il aura à acquitter au lieu et place de l'Etat, son employeur, pour la période litigieuse, tant auprès du régime général de retraite que du régime complémentaire et, d'autre part, au montant du différentiel de pensions échues au titre de ces deux régimes de retraite ;
5. Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 10 de la loi n° 89-412 du 22 juin 1989 modifiant et complétant certaines dispositions du livre II du code rural ainsi que certains articles du code de la sante publique que les rémunérations perçues au titre de l'exercice du mandat sanitaire : " (...) sont assimilées, pour l'application du code général des impôts et du code de la sécurité sociale, à des revenus tirés de l'exercice d'une profession libérale. Ces dispositions s'appliquent à compter du 1er janvier 1990. " ; que, dès lors, toutes les rémunérations perçues à compter du 1er janvier 1990 par les vétérinaires à raison du mandat sanitaire détenu par eux sont, quelle que soit la date de réalisation des prestations auxquelles elles se rapportent, assimilées à des revenus tirés de l'exercice d'une profession libérale ; que, par suite, c'est à tort que le juge des référés du tribunal administratif d'Amiens a, pour évaluer le chiffrage de la créance détenue par M. B...sur l'Etat en raison du préjudice qu'il a subi, intégré à l'assiette du calcul de ce montant, les salaires qui lui auraient été versés au cours des années 1990 et 1991 à raison de l'exercice de son mandat sanitaire avant le 1er janvier 1990 ;
6. Considérant qu'il résulte de l'instruction, en particulier des documents établis par les organismes de retraite général et complémentaire produits aux débats par le ministre en appel et qui seuls peuvent servir de base de calcul à l'indemnité due à M.B..., que, d'une part, s'agissant des arriérés de cotisations pour le régime général, le montant des cotisations dues à la CARSAT s'élève à 79 521,11 euros ; que s'agissant du différentiel de pensions échues pour le régime général applicable entre la date de la liquidation de la retraite et l'ordonnance attaquée, le montant s'élève à 23 840 euros à la date de la présente ordonnance ; qu'il s'ensuit que M. B..., à qui il appartient de demander à la CARSAT une éventuelle revalorisation et actualisation au titre des années postérieures à 2014, ne peut prétendre, s'agissant du régime général, à obtenir une provision que dans la limite de la somme de 103 361,11 euros ; que, d'autre part, s'agissant des arriérés de cotisations pour le régime complémentaire, il ressort des éléments transmis par l'IRCANTEC que le montant des cotisations dues s'élève au total à 7 364,28 euros ; que le montant du différentiel de pensions échues au titre du régime complémentaire pour la période de la date de liquidation de la retraite de M. B...pour ce régime, à la date de la présente ordonnance, s'élève à la somme totale de 33 988,06 euros ; qu'il s'ensuit que M.B..., à qui il appartient de demander à l'IRCANTEC une éventuelle revalorisation et actualisation au titre des années postérieures à 2015, ne peut prétendre, s'agissant du régime complémentaire, à obtenir une provision que dans la limite de la somme de 41 352, 34 euros ; qu'il suit de là, en l'état de l'instruction, que la somme totale non contestable à laquelle peut prétendre M. B...doit être fixée à 144 713,45 euros ; qu'il y a lieu de réformer, dans cette mesure, l'ordonnance attaquée ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. B...demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
ORDONNE :
Article 1er : La somme de 153 151,62 euros que l'Etat a été condamné à verser à M. B... par le juge des référés du tribunal administratif d'Amiens est ramenée à 144 713,45 euros. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 22 mai 2012.
Article 2 : L'ordonnance du 21 novembre 2016 du juge des référés du tribunal administratif d'Amiens est réformée en ce qu'elle a de contraire à l'article 1er.
Article 3 : Les conclusions incidentes présentées par M. B...ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée au ministre de l'agriculture et de l'alimentation et à M. A...B....
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N°16DA02338