Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 3 novembre 2015, M.C..., représenté par Me B...A..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rouen du 10 juillet 2015 ;
2°) d'annuler la décision du 9 mai 2014 du préfet de la Seine-Maritime ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de faire droit à sa demande, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît les dispositions du 1° de l'article L. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il en est de même concernant les dispositions de l'article R. 411-4 du même code, dès lors que le caractère suffisant de ses ressources s'apprécie par référence à la période de douze mois qui précède l'édiction de la décision attaquée ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Maritime qui n'a pas produit de mémoire.
M. C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 septembre 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique, le rapport de M. Michel Hoffmann, président de chambre.
1. Considérant que M.C..., ressortissant nigérian né le 17 octobre 1972, titulaire d'une carte de résident valable jusqu'au 28 mai 2024, a déposé une demande de regroupement familial au bénéfice de ses deux enfants mineurs auprès de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le 18 janvier 2012 ; qu'il relève appel du jugement du 10 juillet 2015 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 9 mai 2014 par laquelle le préfet de la Seine-Maritime a refusé de faire droit à sa demande de regroupement familial ;
2. Considérant qu'il résulte des termes mêmes de la décision du 9 mai 2014 que le préfet a motivé la décision de refus par référence à l'article L. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que la décision indique que les ressources du demandeur, pour la période de référence, ne sont pas conformes au minimum requis de 1 678,04 euros pour une famille de six personnes ; qu'elle précise par ailleurs que les autorités compétentes au Lagos n'ont pas été en mesure d'authentifier les documents lui octroyant l'autorité parentale ; qu'elle précise qu'il a été procédé à un examen attentif de la situation personnelle et familiale des deux enfants laquelle ne permet pas de réserver une suite favorable à la demande ; qu'il ressort de cette motivation, qui est suffisante pour permettre à l'intéressé de connaître les motifs du refus opposé à sa demande, que le préfet de la Seine-Maritime ne s'est pas cru tenu de refuser le regroupement au seul motif de l'insuffisance des ressources mais a également examiné l'ensemble de la situation de l'intéressé ; que, par suite, les moyens tirés de l'insuffisante motivation tant en droit qu'en fait et de l'erreur de droit du préfet à s'être cru en situation de compétence liée ne sont pas fondés ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le regroupement familial ne peut être refusé que pour l'un des motifs suivants : 1° Le demandeur ne justifie pas de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille. Sont prises en compte toutes les ressources du demandeur et de son conjoint indépendamment des prestations familiales et des allocations (Nigéria). Les ressources doivent atteindre un montant qui tient compte de la taille de la famille du demandeur. Le décret en Conseil d'Etat prévu à l'article L. 441-1 fixe ce montant qui doit être au moins égal au salaire minimum de croissance mensuel et au plus égal à ce salaire majoré d'un cinquième. (Nigéria) " ; qu'aux termes de son article R. 411-4 : " Pour l'application du 1° de l'article L. 411-5, les ressources du demandeur et de son conjoint qui alimenteront de façon stable le budget de la famille sont appréciées sur une période de douze mois par référence à la moyenne mensuelle du salaire minimum de croissance au cours de cette période. Ces ressources sont considérées comme suffisantes lorsqu' elles atteignent un montant équivalent à : / - cette moyenne majorée d'un dixième pour une famille de quatre ou cinq personnes (....) " ;
4. Considérant qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que le caractère suffisant du niveau des ressources du demandeur est apprécié par référence à la moyenne du salaire minimum interprofessionnel de croissance sur la durée de douze mois précédant la demande de regroupement familial, compte tenu de la composition de sa famille ; que, par suite, le préfet de la Seine-Maritime n'a pas commis d'erreur de droit en ne prenant pas en compte les justificatifs des ressources de M. C...postérieurs à la date de sa demande de regroupement familial ;
5. Considérant qu'à supposer même, ainsi que le fait valoir le requérant, que sa famille était composée à la date du dépôt de sa demande de regroupement familial de cinq personnes et non de six comme indiqué par erreur dans la décision attaquée, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé a disposé au cours de la période concernée de ressources dont la moyenne mensuelle était de 1 060,46 euros ; que ce montant demeure en tout état de cause inférieur à celui de 1 180,30 euros correspondant à la moyenne mensuelle, majorée du dixième, du salaire minimum de croissance relevée au titre de la période de référence de douze mois ayant précédé le dépôt de la demande de regroupement familial ; que c'est par suite à bon droit que le préfet de la Seine-Maritime a rejeté cette demande au motif que M. C...ne satisfaisait pas à la condition de ressources requise par les dispositions précitées de l'article L. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
6. Considérant que, lorsqu'il se prononce sur une demande de regroupement familial, le préfet est en droit de rejeter la demande dans le cas où l'intéressé ne justifierait pas remplir l'une ou l'autre des conditions légalement requises notamment, comme en l'espèce, en cas d'insuffisance des ressources du demandeur ; qu'il dispose toutefois d'un pouvoir d'appréciation et n'est pas tenu par les dispositions précitées relatives au regroupement familial, notamment dans le cas où il est porté une atteinte excessive au droit de mener une vie familiale normale ;
7. Considérant que M. C...est entré en France le 9 septembre 2007 sans ses deux enfants nés respectivement le 16 novembre 1995 et le 30 janvier 1999 issus d'un mariage avec une ressortissante nigériane dont le divorce a été prononcé le 4 mars 2006 ; qu'il entretient désormais une relation avec une ressortissante française avec laquelle il a eu deux enfants nés respectivement le 3 août 2010 et le 28 novembre 2012 ; que si le requérant a obtenu, par un jugement de la cour des mineurs de l'Etat du Lagos du 26 novembre 2013, la garde de ses deux enfants demeurant au..., il n'apporte aucun élément probant quant à son éventuelle contribution à l'entretien et à l'éducation de ces derniers ainsi qu'à ses relations effectives avec eux pendant ces six années au cours desquelles ils ont vécu auprès de la soeur de l'intéressé et ont été scolarisés dans leur pays d'origine ; que, dans les circonstances de l'espèce, la décision du préfet de la Seine-Maritime n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise et n'a, ainsi, pas méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'elle n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation qu'elle comporte sur la situation personnelle de M.C... ;
8. Considérant qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale susvisée relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; qu'il résulte de ces stipulations, que dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;
9. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point 7 que les enfants de M.C..., respectivement âgés de 15 et 18 ans à la date de la décision attaquée, vivent séparés de leur père depuis 2007 suite au départ de celui-ci pour la France ; que M. C...n'établit ni même n'allègue que ses enfants seraient isolés au Nigéria ; que par suite la décision du préfet de la Seine-Maritime n'a pas porté atteinte à l'intérêt supérieur de ces enfants ; que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ne peut dès lors qu'être écarté ;
10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E...C..., au ministre de l'intérieur et à Me B...A.Nigéria
Copie sera adressée à la préfète de la Seine-Maritime.
Délibéré après l'audience publique du 7 juin 2016 à laquelle siégeaient :
- M. Michel Hoffmann, président de chambre,
- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,
- Mme Muriel Milard, premier conseiller.
Lu en audience publique le 21 juin 2016.
L'assesseur le plus ancien,
Signé : M. F...Le président-rapporteur,
Signé : M. D...Le greffier,
Signé : M.T. LEVEQUE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Le greffier,
Marie-Thérèse Lévèque
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N°15DA01756