Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 3 novembre 2015, M.F..., représenté par Me A...C..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 24 septembre 2015 du tribunal administratif de Lille ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 24 février 2015 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Nord, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai de 15 jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, de lui délivrer une carte de séjour temporaire ou, à défaut, de procéder à un nouvel examen de sa demande de titre de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à Me C...au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour a été signée par une autorité incompétente ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît son droit au respect de sa vie privée et familiale tel qu'il ressort des termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision l'obligeant à quitter le territoire français a été prise par une autorité incompétente ;
- l'illégalité de la décision de refus de séjour a pour conséquence l'illégalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste du préfet dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- elle méconnaît son droit au respect de sa vie privée et familiale tel qu'il ressort des termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la décision fixant le délai de départ volontaire a été prise par une autorité incompétente ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste du préfet dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision fixant le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office est insuffisamment motivée ;
- l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire a pour conséquence l'illégalité de la décision fixant le pays de destination ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation par le préfet des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle ;
- le préfet a méconnu l'étendue de sa compétence en n'examinant pas sa situation personnelle au regard des risques de traitement inhumain et dégradant allégués.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 février 2016, le préfet du Nord conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. F...ne sont pas fondés.
M. F...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 octobre 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Albertini, président de chambre, a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que par un arrêté du 29 septembre 2014, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture, le préfet du Nord a donné délégation à M. D...E...à l'effet de signer notamment les décisions de la nature de celles qui sont contestées ; qu'ainsi le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté en litige manque en fait et doit être écarté ;
Sur la décision de refus de titre de séjour :
2. Considérant que la décision contestée comporte la mention des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement ; qu'elle est, par suite, suffisamment motivée ;
3. Considérant que lorsqu'il est saisi d'une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'est pas tenu, en l'absence de dispositions expresses en ce sens, d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation de séjour sur le fondement d'une autre disposition de ce code, même s'il lui est toujours loisible de le faire à titre gracieux, notamment en vue de régulariser la situation de l'intéressé ; qu'il ressort des pièces du dossier que M. F...a seulement sollicité son admission au séjour en qualité de réfugié ; que ,suite au rejet de sa demande d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile, le préfet du Nord était tenu de lui refuser la délivrance du titre de séjour qu'il sollicitait seulement en cette qualité ; que, dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant ;
Sur la décision faisant obligation de quitter le territoire français :
4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. F...n'est pas fondé à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire serait illégale en conséquence de l'illégalité de la décision portant refus d'un titre de séjour ;
5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. F...est entré en France accompagné de son épouse et ses deux filles, le 30 novembre 2011, en vue d'y solliciter l'asile ; qu'il fait notamment valoir que ses enfants sont scolarisées en France et qu'il y est personnellement bien intégré ; que toutefois, son entrée sur le territoire français n'a qu'un caractère récent ; qu'il ne justifie pas qu'il serait isolé en cas de retour dans son pays d'origine dans lequel il a vécu jusqu'à l'âge de trente-sept ans, alors que son épouse, laquelle fait aussi l'objet d'une mesure d'éloignement, est également de nationalité russe, la vie familiale pouvant en outre être poursuivie, avec leurs deux enfants, dans le pays dont ils ont la nationalité ; que dans ces conditions, la décision contestée n'a pas porté au droit de M. F...au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et ne méconnaît pas ainsi les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que le préfet du Nord n'a pas davantage commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision sur la situation personnelle de l'intéressé ;
6. Considérant qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; qu'il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ; qu'elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation ;
7. Considérant que M. F...n'établit pas être dans l'impossibilité de reconstituer, hors de France, sa cellule familiale qu'il compose avec son épouse et ses deux enfants, alors même que ceux-ci poursuivent une scolarité satisfaisante en France ; que dès lors, la décision, qui n'a pas par elle-même pour effet de séparer les enfants de l'intéressé de leurs parents, ne méconnaît pas les stipulations précitées du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
Sur la décision fixant le délai de départ volontaire :
8. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en accordant à M. F... un délai de départ volontaire de trente jours, le préfet du Nord aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressé ;
Sur la décision fixant le pays de destination :
9. Considérant que la décision contestée comporte la mention des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement ; qu'elle est, par suite, suffisamment motivée ;
10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. F...n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de destination serait illégale en conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire ;
11. Considérant qu'aux termes du dernier alinéa de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 " ; que cet article 3 énonce que " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ;
12. Considérant que M. F...ne produit aucun élément probant de nature à établir la réalité des risques personnels, directs et actuels qu'il encourt en cas de retour dans son pays d'origine ; qu'au demeurant, il ressort des pièces du dossier que sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, par une décision du 29 novembre 2012, son recours contre cette décision rejeté le 14 juin 2013 par la Cour nationale du droit d'asile et ses demandes de réexamen rejetées par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile respectivement le 10 octobre 2013 et le 3 septembre 2014 ; qu'ainsi, le préfet du Nord, qui a examiné la situation personnelle de l'intéressé au regard de ces risques, n'a en outre pas méconnu les dispositions précitées de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que la décision contestée serait entachée d'une erreur manifeste de ce préfet dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de M.F... ;
13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. F...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. F...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...F..., au ministre de l'intérieur et Me A...C....
Copie sera adressée au préfet du Nord.
Délibéré après l'audience publique du 26 mai 2016 à laquelle siégeaient :
- M. Paul-Louis Albertini, président de chambre,
- M. Olivier Nizet, président-assesseur,
- M. Jean-Jacques Gauthé, premier conseiller.
Lu en audience publique le 9 juin 2016.
L'assesseur le plus ancien,
Signé : O. NIZETLe président de chambre,
président-rapporteur,
Signé : P.-L. ALBERTINILe greffier,
Signé : I. GENOT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Le greffier,
Isabelle Genot
''
''
''
''
1
2
N°15DA01754
1
3
N°"Numéro"