Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 21 mars 2016, MmeD..., représentée par Me C...B..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif d'Amiens du 19 février 2016 et la décision de la préfète de la Somme du 6 août 2015 ;
2°) d'enjoindre au préfet de la Somme, de délivrer, dans un délai d'un mois à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir, les titres sollicités ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Elle soutient que :
- pour estimer, sur la base de simples présomptions et sans attendre les éventuelles suites données au signalement effectué auprès du procureur de la République, qu'il existait un doute sérieux sur la filiation paternelle de son enfant, alors qu'une fraude doit être prouvée, la préfète de la Somme a commis une erreur d'appréciation ;
- elle satisfaisait à la condition, posée par le 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de contribution effective à l'entretien et à l'éducation de son enfant.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 juin 2016, le préfet de la Somme conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme D...ne sont pas fondés.
Mme D...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 mars 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 55-1397 du 22 octobre 1955 ;
- le décret n° 2005-1726 du 30 décembre 2005 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller,
- et les conclusions de Mme Maryse Pestka, rapporteur public.
1. Considérant qu'en vertu de l'article 2 du décret du 22 octobre 1955 instituant la carte nationale d'identité, ce titre est délivré sans condition d'âge à tout Français qui en fait la demande ; que l'article 4 du même décret dispose que la preuve de la nationalité française du demandeur peut notamment être établie à partir de l'extrait d'acte de naissance qu'il fournit à l'appui de sa demande ; qu'en vertu des articles 4 et 5 du décret du 30 décembre 2005 relatif aux passeports, pour obtenir un tel titre, qui lui est également délivré sans condition d'âge, il appartient, en principe, au demandeur de justifier de sa nationalité française par la production de sa carte nationale d'identité ;
2. Considérant que, pour l'application de ces dispositions, il appartient aux autorités administratives de s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, que les pièces produites à l'appui d'une demande de carte d'identité ou de passeport sont de nature à établir l'identité et la nationalité du demandeur ; que seul un doute suffisant sur l'identité ou la nationalité de l'intéressé peut justifier le refus de délivrance de ces titres ; que, dans ce cadre, si la reconnaissance d'un enfant est opposable aux tiers, en tant qu'elle établit un lien de filiation et, le cas échéant, en tant qu'elle permet l'acquisition par l'enfant de la nationalité française, dès lors que cette reconnaissance a été effectuée conformément aux conditions prévues par le code civil, et s'impose donc en principe à l'administration tant qu'une action en contestation de filiation n'a pas abouti, il appartient néanmoins au préfet, s'il est établi, lors de l'examen d'une demande de titre que la reconnaissance de paternité a été souscrite dans le but de faciliter l'obtention de la nationalité française, de faire échec à cette fraude et de refuser, tant que la prescription décennale prévue par les articles 321 et 335 du code civil n'est pas acquise, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la délivrance du titre sollicité par la personne se présentant comme père ou mère d'un enfant français ;
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme D...a donné naissance, le 28 mars 2014 à Amiens, à un fils dont la paternité avait été reconnue trois mois auparavant par un ressortissant français ; qu'il est toutefois constant que cette reconnaissance est intervenue le 23 décembre 2013, soit à peine plus de deux mois après l'édiction, le 13 septembre 2013, d'un arrêté par lequel le préfet du Loir-et-Cher avait refusé à Mme D... la délivrance d'un titre de séjour et lui avait fait obligation de quitter le territoire français ; qu'en outre, il n'est pas contesté que le ressortissant français qui avait déclaré être le père de cet enfant avait déjà reconnu la paternité de plusieurs autres enfants, au nombre desquels figuraient ceux de deux ressortissantes étrangères en situation irrégulière de séjour, et qu'il n'entretient aucun lien avec l'enfant de MmeD..., avec lequel il ne vit pas et à l'éducation ou même à l'entretien duquel il ne contribue pas ; que, pour estimer que ce faisceau d'indices concordants était de nature à faire naître un doute suffisant sur la filiation paternelle de l'enfant de Mme D...et, par suite, sur la nationalité de celui-ci, la préfète de la Somme, qui n'était pas tenue d'attendre les suites susceptibles d'être données au signalement qu'elle avait adressé au procureur de la République, n'a pas commis d'erreur d'appréciation ;
4. Considérant, enfin, qu'eu égard à l'objet du présent litige, afférent à la légalité d'une décision de refus de délivrance d'une carte nationale d'identité et d'un passeport à son enfant mineur, Mme D...ne peut utilement soutenir qu'elle remplissait, à la date à laquelle cette décision a été prise, la condition de contribution effective à l'entretien et à l'éducation de cet enfant, telle que posée par le 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lequel moyen est inopérant ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme D...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande ; que ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent, par voie de conséquence, être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme D...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...D..., au ministre de l'intérieur et à Me C...B....
Copie sera adressée à la préfète de la Somme.
Délibéré après l'audience publique du 7 juillet 2016 à laquelle siégeaient :
- M. Paul-Louis Albertini, président de chambre,
- M. Olivier Nizet, président-assesseur,
- M. Jean-François Papin, premier conseiller.
Lu en audience publique le 22 juillet 2016.
Le rapporteur,
Signé : J.-F. PAPINLe président de chambre,
Signé : P.-L. ALBERTINI
Le greffier,
Signé : I. GENOT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Le greffier,
Isabelle Genot
''
''
''
''
1
4
N°16DA00563