Par un jugement n° 1404747-1407367 du 26 février 2015, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 9 juin 2015, Mme B... épouse C...demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 26 février 2015 ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions susmentionnées ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer :
- une autorisation provisoire de séjour dans l'attente de la décision définitive sur sa demande de d'asile, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
- un titre de séjour mention " vie privée et familiale ", sous astreinte de l00 euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer, dans l'attente de la décision, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision du 21 janvier 2014 est intervenue alors que le document d'information prévu par l'article R. 741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne lui a pas été remis, ce qui a exercé une influence sur le sens de la décision ; cette décision est entachée d'erreur de fait, car elle n'a jamais déclaré avoir sollicité l'asile dans un autre Etat, ni posséder la nationalité russe ; elle méconnaît l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le refus de titre de séjour du 11 août 2014 méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- l'obligation de quitter le territoire français est illégale en conséquence de l'illégalité de la décision du 21 janvier 2014 ; elle méconnaît l'article L. 742-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision fixant le pays de destination méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Vu la décision du 15 avril 2015 par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Lyon (section administrative d'appel) a refusé le bénéfice de l'aide juridictionnelle à MmeC....
Vu l'ordonnance en date du 26 juin 2015 par laquelle le président de la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté le recours formé par Mme C...contre cette décision du bureau d'aide juridictionnelle.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Clot a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que Mme B...épouseC..., ressortissante arménienne, a, le 13 décembre 2013, sollicité l'asile auprès de la préfecture de l'Isère ; que le 21 janvier 2014, le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ; que le 17 avril 2014, l'office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), saisi selon la procédure prioritaire a refusé de lui accorder l'asile ; que le 11 août 2014, le préfet a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ; que Mme C...relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de ces décisions des 21 janvier et 11 août 2014 ;
Sur la légalité de la décision du 21 janvier 2014 :
2. Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article R. 741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, édictées afin d'assurer la transposition en droit français des objectifs fixés par l'article 10 de la directive 2005/85/CE du Conseil du 1er décembre 2005 relative à des normes minimales concernant la procédure d'octroi et de retrait du statut de réfugié dans les Etats membres, l'étranger présent sur le territoire français qui, n'étant pas déjà admis à séjourner en France, sollicite son admission au séjour au titre de l'asile, est informé par les services de la préfecture des pièces à fournir en vue de cette admission et se voit remettre un document d'information sur ses droits et obligations, ainsi que sur les organisations susceptibles de lui procurer une assistance juridique, de l'aider ou de l'informer sur les conditions d'accueil offertes aux demandeurs d'asile, cette information devant être faite dans une langue dont il est raisonnable de penser que l'intéressé la comprend ;
3. Considérant que ces dispositions ont été adoptées pour assurer la transposition en droit français des objectifs fixés par l'article 10 de la directive 2005/85/CE du Conseil du 1er décembre 2005 relative à des normes minimales concernant la procédure d'octroi et de retrait du statut de réfugié dans les Etats membres, lesquels précisent que les informations en cause sont communiquées aux demandeurs d'asile " à temps " pour leur permettre d'exercer leurs droits et de se conformer aux obligations qui leur sont imposées par les autorités en vue du traitement de leur demande ;
4. Considérant qu'eu égard à l'objet et au contenu de ce document d'information sur les droits et obligations des demandeurs d'asile, sa remise doit intervenir au début de la procédure d'examen des demandes d'asile, pour permettre aux intéressés de présenter utilement leur demande aux autorités compétentes ;
5. Considérant que l'article R. 741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile fait obligation aux services de la préfecture de remettre ce document d'information lorsque l'étranger, qui demande à bénéficier de l'asile, sollicite son admission au séjour au titre de l'asile ; que, dès lors, le moyen tiré de l'omission, par les services de la préfecture, de la remise à l'intéressé du document d'information prévu au dernier alinéa de l'article R. 741-2 peut être utilement invoqué à l'encontre de la décision du préfet portant refus d'admission provisoire au séjour au titre de l'asile ;
6. Considérant que le préfet de l'Isère ne conteste pas les allégations de Mme C... selon lesquelles le document d'information prévu par l'article R. 741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne lui a pas été remis préalablement à l'intervention de la décision du 21 janvier 2014 refusant son admission provisoire au séjour au titre de l'asile ; que, dès lors, cette décision a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière ;
7. Considérant toutefois que si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou s'il a privé les intéressés d'une garantie ;
8. Considérant que l'obligation de remise à l'intéressé du document d'information prévu au dernier alinéa de l'article R. 741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est constitutive d'une garantie dont, en l'espèce, Mme C...a été privée ; que, dès lors, le refus d'admission provisoire au séjour du 21 janvier 2014 doit être annulé ;
Sur la légalité du refus de titre de séjour du 11 août 2014 :
9. Considérant que Mme B...épouse C...reprend en appel les moyens tirés de ce que le refus de titre de séjour qui lui a été opposé le 11 août 2014 méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle ; que ces moyens doivent être écartés par les mêmes motifs que ceux retenus par le tribunal administratif, qu'il y a lieu pour la cour d'adopter ;
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
10. Considérant qu'il résulte de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que l'admission au séjour d'un étranger qui demande à bénéficier de l'asile ne peut être refusée que dans les situations limitativement énumérées à cet article, au nombre desquelles figure le fait que : " (...) / 4° La demande d'asile repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures d'asile ou n'est présentée qu'en vue de faire échec à une mesure d'éloignement prononcée ou imminente. (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 742-1 du même code : " Lorsqu'il est admis à séjourner en France (...), l'étranger qui demande à bénéficier de l'asile se voit remettre un document provisoire de séjour lui permettant de déposer une demande d'asile auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides. L'office ne peut être saisi qu'après la remise de ce document au demandeur. Après le dépôt de sa demande d'asile, le demandeur se voit délivrer un nouveau document provisoire de séjour. Ce document est renouvelé jusqu'à ce que l'office statue et, si un recours est formé devant la Cour nationale du droit d'asile, jusqu'à ce que la cour statue " ; qu'aux termes de l'article L. 742-3 de ce code : " L'étranger admis à séjourner en France bénéficie du droit de s'y maintenir jusqu'à la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou, si un recours a été formé, jusqu'à la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile. (...) " ; que l'article L. 742-6 ajoute que : " L'étranger présent sur le territoire français dont la demande d'asile entre dans l'un des cas visés aux 2° à 4° de l'article L. 741-4 bénéficie du droit de se maintenir en France jusqu'à la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, lorsqu'il s'agit d'une décision de rejet. (...) " ;
11. Considérant que les décisions par lesquelles le préfet refuse, en fin de procédure, le séjour à l'étranger dont la demande d'asile a été rejetée par l'OFPRA et l'oblige à quitter le territoire français ne sont pas prises pour l'application de la décision par laquelle le préfet statue, en début de procédure, sur l'admission provisoire au séjour ; que la décision prise sur l'admission au séjour ne constitue pas davantage la base légale du refus de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français ; que, dès lors, le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité du refus d'admission provisoire au séjour opposé à un demandeur d'asile, notamment pour défaut de remise du document d'information prévu au dernier alinéa de l'article R. 742-1, ne peut être utilement invoqué à l'appui d'un recours dirigé contre les décisions par lesquelles le préfet, après notification du rejet de l'OFPRA de la demande d'asile traitée dans le cadre de la procédure prioritaire, refuse le séjour et oblige l'étranger à quitter le territoire français ; que, par suite, le moyen tiré, contre l'obligation de quitter le territoire français du 11 août 2014, de l'illégalité du refus d'admission provisoire au séjour du 21 janvier 2014, est inopérant ;
12. Mais considérant que, conformément aux dispositions de l'article L. 742-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, une mesure d'éloignement ne peut être mise à exécution, après la décision de l'OFPRA rejetant une demande d'asile, qu'à l'encontre d'un étranger entrant dans le champ d'application du 2° au 4° de l'article L. 741-4 du même code ; qu'il incombe de ce fait au juge saisi de la contestation de la légalité d'une obligation de quitter le territoire français après la décision de l'OFPRA fondée sur le 4° de cet article, de s'assurer que l'étranger entre bien dans le cas visé par ces dispositions ; que la seule circonstance qu'une décision administrative ait refusé l'admission au séjour à raison du caractère frauduleux ou abusif du recours aux procédures d'asile mentionné au 4° de cet article et qu'elle n'ait pas été contestée ou qu'elle n'ait pas été annulée par le juge administratif ne fait pas obstacle à ce que le juge détermine lui-même, sans se prononcer sur la légalité de cette décision, si la demande d'asile relevait bien des cas mentionnés à l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, dans l'hypothèse où il estime que tel n'était pas le cas, et alors même que l'intéressé n'avait pas été effectivement admis à séjourner en France, cet étranger ne peut faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français jusqu'à ce que la Cour nationale du droit d'asile ait statué sur son recours ;
13. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme C...a sollicité l'asile en Belgique le 7 décembre 2009, qu'un refus lui a été opposé et qu'elle a été éloignée à destination de l'Arménie ; que cette circonstance ne suffit pas, toutefois, à permettre de regarder sa demande d'asile du 13 décembre 2013 comme présentant un caractère frauduleux ou dilatoire, au sens du 4° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, dès lors, le préfet de l'Isère ne pouvait pas prendre à son égard une mesure d'éloignement sans attendre la décision de la cour nationale du droit d'asile ; que, par suite, la décision du 11 août 2014 lui faisant obligation de quitter le territoire français est illégale, de même que, par voie de conséquence, la décision de la même date fixant le pays de destination ;
14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme B... épouse C...est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation des décisions du préfet de l'Isère du 21 janvier 2014 et celles du 11 août 2014 lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
15. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure, assortie, le cas échéant d'un délai d'exécution. " ; qu'aux termes de l'article L. 911-2 du même code : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. " ; que l'article L. 911-3 de ce code dispose que : " Saisie de conclusions en ce sens, la juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d'une astreinte qu'elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d'effet. " ;
16. Considérant qu'eu égard au motif sur lequel elle repose, l'annulation du refus d'admission provisoire au séjour au titre de l'asile du 21 janvier 2014 n'implique pas nécessairement la délivrance à l'intéressée d'une autorisation provisoire de séjour ;
17. Considérant qu'aux termes de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si l'obligation de quitter le territoire français est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues aux articles L. 513-4, L. 551-1, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2 et l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas. (...) " ;
18. Considérant que l'annulation, par le présent arrêt, des décisions du préfet de l'Isère du 21 janvier 2014 faisant obligation à Mme C... de quitter le territoire français et fixant le pays de destination implique seulement que le préfet lui délivre une autorisation provisoire de séjour dans le délai de quinze jours suivant la notification de cet arrêt ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
19. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le paiement à Mme C... de la somme de 1 000 euros qu'elle demande au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DECIDE :
Article 1er : Les décisions du préfet de l'Isère du 21 janvier 2014 et celles du 11 août 2014 faisant obligation à Mme B... épouse C...de quitter le territoire français et fixant le pays de destination sont annulées.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 26 février 2015 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Il est enjoint au préfet de l'Isère de remettre à Mme B... épouse C...une autorisation provisoire de séjour dans le délai de quinze jours suivant la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à Mme A... B...épouse C...la somme 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A... B...épouse C...est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B...épouse C...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de l'Isère et au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Grenoble.
Délibéré après l'audience du 24 mai 2016, à laquelle siégeaient :
M. Clot, président de chambre,
M. Lévy Ben Cheton, premier conseiller,
Mme Vaccaro-Planchet, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 14 juin 2016.
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N° 15LY01895
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