1°) d'annuler ce jugement et ces arrêtés ;
2°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Savoie, sous astreinte de 150 euros passé le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, de leur délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" et, dans l'attente, de leur délivrer une autorisation provisoire de séjour et de travail ou, à défaut, une autorisation provisoire de séjour ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Ils soutiennent que :
- le préfet a commis une erreur de droit en considérant que leurs demandes d'asile avaient été définitivement rejetées et qu'ils ne disposaient plus d'un droit au séjour dans la mesure où leurs demandes d'aide juridictionnelle ont été présentées dans les quinze jours suivant la notification des décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ;
- il a méconnu les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de ses arrêtés sur leur situation personnelle.
La requête a été communiquée au préfet de la Haute-Savoie qui n'a pas produit d'observations.
Par une décision du 4 juillet 2018, M. et Mme E... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de Mme B... ayant été entendu au cours de l'audience publique ;
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme E..., ressortissants serbes, sont entrés irrégulièrement en France le 22 octobre 2016. Leurs demandes d'asile ont été rejetées par des décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 26 juin 2017, confirmées par des ordonnances de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) du 21 novembre 2017. Par des décisions du 8 février 2018, l'OFPRA a rejeté pour irrecevabilité leurs demandes de réexamen. Ils relèvent appel du jugement du 23 mai 2018 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des arrêtés du 13 mars 2018 du préfet de la Haute-Savoie portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et désignation du pays de renvoi.
2. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un État membre de l'Union européenne, d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / (...) 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 743-2, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) ". Aux termes de l'article L. 743-1 du même code : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'office ou, si un recours a été formé, jusqu'à la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile. L'attestation délivrée en application de l'article L. 741-1, dès lors que la demande d'asile a été introduite auprès de l'office, vaut autorisation provisoire de séjour et est renouvelable jusqu'à ce que l'office et, le cas échéant, la cour statuent ". Aux termes de l'article R. 723-19 de ce code : " I.- La décision du directeur général de l'office est notifiée à l'intéressé par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. (...) / III.- La date de notification de la décision de l'office et, le cas échéant, de la Cour nationale du droit d'asile qui figure dans le système d'information de l'office et est communiquée au préfet compétent et au directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration au moyen de traitements informatiques fait foi jusqu'à preuve du contraire. "
3. Il résulte de ces dispositions que l'étranger qui demande l'asile a le droit de séjourner sur le territoire français à ce titre jusqu'à ce que la décision rejetant sa demande lui ait été notifiée régulièrement par l'OFPRA ou, si un recours a été formé devant elle, par la CNDA. En l'absence d'une telle notification, l'autorité administrative ne peut regarder l'étranger à qui l'asile a été refusé comme ne bénéficiant plus de son droit provisoire au séjour ou comme se maintenant irrégulièrement sur le territoire.
4. Il ressort des extraits de la base de données mentionnée au III de l'article R. 723-19 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (Télémopfra) produits devant le tribunal administratif que les décisions du directeur général de l'OFPRA du 8 février 2018 rejetant pour irrecevabilité les demandes de réexamen présentées par M. et Mme E... leur ont été notifiées le 8 mars 2018. Il ressort des pièces du dossier que les intéressés ont demandé l'aide juridictionnelle en vue de saisir la CNDA le 9 mars 2018, soit dans le délai d'un mois suivant la date de notification des décisions, fixé par l'article R. 733-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et que le bénéfice de cette aide leur a été accordé le 13 avril 2018. Par suite, le 13 mars 2018, date des arrêtés contestés, alors que la CNDA n'avait pas statué sur leur recours, M. et Mme E... disposaient du droit de se maintenir en France et ne pouvaient donc faire l'objet d'une mesure d'éloignement. Il s'ensuit que les décisions du 13 mars 2018 leur faisant obligation de quitter le territoire français sont illégales, de même que, par voie de conséquence, les décisions désignant le pays de renvoi.
5. S'agissant des refus de titre de séjour, si M. et Mme E... soutiennent qu'ils sont constamment menacés en Serbie du fait de la mixité de leur union, que leur fille née en 2010 est scolarisée et que leur cousine, de nationalité française, vit en France ainsi que leur nièce, il ne ressort pas des pièces du dossier, eu égard à la durée et aux conditions de leur séjour en France et au rejet de leurs demandes d'asile à l'appui desquelles ils ont fait état de ces menaces que le préfet de la Haute-Savoie, en refusant de leur délivrer un titre de séjour, aurait porté à leur droit au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a pris ces décisions. Dès lors, il n'a méconnu ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il n'a pas davantage commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de ces décisions sur la situation personnelle de M. et Mme E....
6. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme E... sont seulement fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français et désignation du pays de renvoi, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête dirigés contre ces décisions du 13 mars 2018.
7. L'annulation prononcée implique seulement d'enjoindre au préfet de la Haute-Savoie, en application de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de munir M. et Mme E... d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce qu'il ait à nouveau statué sur leur cas, dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il y ait lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
8. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme demandée par M. et Mme E... au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement nos 1801994, 1801966 du magistrat désigné du tribunal administratif de Grenoble du 23 mai 2018 est annulé en tant qu'il statue sur les demandes de M. et Mme E... tendant à l'annulation des décisions du 13 mars 2018 portant obligation de quitter le territoire français et désignation du pays de renvoi.
Article 2 : Les décisions du préfet de la Haute-Savoie du 13 mars 2018 faisant obligation à M. et Mme E... de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et désignant le pays de renvoi sont annulées.
Article 3 : Il est enjoint au préfet de la Haute-Savoie de munir M. et Mme E... d'une autorisation provisoire de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt jusqu'à ce qu'il ait à nouveau statué sur leur cas.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... E..., à Mme C... E..., au ministre de l'intérieur, à Me D... et au préfet de la Haute-Savoie.
Délibéré après l'audience du 27 juin 2019, à laquelle siégeaient :
Mme B..., président-rapporteur,
M. Chassagne, premier conseiller,
Mme Lesieux, premier conseiller.
Lu en audience publique le 2 septembre 2019.
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N° 18LY02278