Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 17 avril 2015 et par un mémoire enregistré le 22 février 2016, M. A...B..., représenté par MeC..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 10 novembre 2014 du tribunal administratif de
Montpellier ;
2°) d'annuler la décision implicite de refus d'abrogation de l'arrêté d'expulsion du 4 novembre 1977 du préfet de l'Hérault ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault à titre principal, d'abroger l'arrêté d'expulsion du 4 novembre 1977, à titre subsidiaire, d'ordonner le réexamen des motifs de cet arrêté dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé ce délai ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, qui sera versée à Me C...en cas d'obtention de l'aide juridictionnelle en contrepartie de sa renonciation à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- le préfet n'était pas tenu de rejeter sa demande d'abrogation en application de l'article L. 524-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet a méconnu l'autorité de la chose jugée de l'arrêt définitif du 6 octobre 2009 de la cour administrative d'appel de Marseille ;
- ce refus d'abroger est entaché d'erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle ;
- il méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par mémoire enregistré le 9 février 2016, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par M.A... B... ne sont pas fondés.
M. A...B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 17 mars 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de MmeD...,
- les conclusions de Mme Chamot, rapporteure publique,
- et les observations de Me E...du cabinetC..., représentant M. A...B....
1. Considérant que M. A...B..., de nationalité marocaine, a fait l'objet d'un arrêté d'expulsion le 4 novembre 1977 à la suite d'une condamnation à une peine d'emprisonnement d'un an pour détournement de mineur ; que cette expulsion n'a pas été exécutée, le requérant s'étant maintenu en France ; que par arrêt du 6 octobre 2009 la cour administrative d'appel de Marseille a annulé pour erreur manifeste d'appréciation le premier refus d'abroger cet arrêté opposé le 14 octobre 2004 à M. A...B...; que la Cour a par arrêt du 20 novembre 2014 rejeté la requête de M. A...B...tendant à l'annulation du deuxième refus implicite du préfet, intervenu à la demande du 3 mars 2010 du requérant, d'abroger cet arrêté d'expulsion ; que M. A...B...a adressé le 14 décembre 2012 une troisième demande d'abrogation de cet arrêté d'expulsion ; qu'à défaut de réponse du préfet, M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Montpellier l'annulation de la décision implicite du préfet de refus d'abrogation de l'arrêté d'expulsion du 4 novembre 1977 ; qu'il relève appel du jugement du 10 novembre 2014 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande ;
2. Considérant en premier lieu que, par un arrêt n° 07MA02406 du 6 octobre 2009, la cour administrative d'appel de Marseille a annulé le premier refus d'abrogation de l'arrêté d'expulsion du 4 novembre 1977 opposé le 14 octobre 2004 à M. A...B...par le préfet de l'Hérault ; qu'en l'absence d'identité de la chose demandée dans cette instance et dans celle qui fait l'objet du présent litige, le moyen tiré de la méconnaissance de l'autorité de la chose jugée qui s'attacherait à l'arrêt du 6 octobre 2009 est inopérant ;
3. Considérant en deuxième lieu qu'aux termes de l'article L. 524-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'arrêté d'expulsion peut à tout moment être abrogé (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 524-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Il ne peut être fait droit à une demande d'abrogation d'un arrêté d'expulsion présentée plus de deux mois après la notification de cet arrêté que si le ressortissant étranger réside hors de France. Toutefois, cette condition ne s'applique pas : 1° Pour la mise en oeuvre de l'article L. 524-2; / 2° Pendant le temps où le ressortissant étranger subit en France une peine d'emprisonnement ferme ; / 3° Lorsque l'étranger fait l'objet d'un arrêté d'assignation à résidence pris en application des articles L. 523-3, L. 523-4 ou L. 523-5 " ; qu'aux termes de l'article L. 524-2 de ce code : " Sans préjudice des dispositions de l'article L. 524-1, les motifs de l'arrêté d'expulsion donnent lieu à un réexamen tous les cinq ans à compter de la date d'adoption de l'arrêté. L'autorité compétente tient compte de l'évolution de la menace pour l'ordre public que constitue la présence de l'intéressé en France, des changements intervenus dans sa situation personnelle et familiale et des garanties de réinsertion professionnelle ou sociale qu'il présente, en vue de prononcer éventuellement l'abrogation de l'arrêté. L'étranger peut présenter des observations écrites. A défaut de notification à l'intéressé d'une décision explicite d'abrogation dans un délai de deux mois, ce réexamen est réputé avoir conduit à une décision implicite de ne pas abroger. Cette décision est susceptible de recours(...) " ;
4. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit au point 1, la décision de refus d'abrogation en litige est intervenue à la demande de l'intéressé présentée le 14 décembre 2012, soit plus de deux mois après la notification de l'arrêté d'expulsion et n'a pas été prise au titre de la procédure de réexamen prévue à l'article L. 524-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le refus d'abrogation de l'arrêté d'expulsion est intervenu alors que M. A...B...purgeait une peine d'emprisonnement ou était assigné à résidence ; qu'elle n'entrait pas, dès lors, dans le champ des exceptions, prévues par les dispositions de l'article L. 524-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à l'interdiction faite à l'autorité administrative de faire droit à une demande d'abrogation présentée par un étranger ne résidant pas hors de France ; qu'il est constant que M. A...B...réside en France ; que, par suite, le préfet étant tenu de rejeter sa demande, tous les moyens invoqués par M. A... B... à l'encontre de la légalité du refus d'abrogation en litige sont inopérants, à l'exception de celui fondé sur la méconnaissance de stipulations de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
5. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ; qu'il ressort des pièces du dossier que l'épouse et plusieurs enfants de M. A... B... résident au Maroc ; que l'intéressé réside sur le territoire français malgré l'arrêté d'expulsion dont il fait l'objet ; qu'ainsi et malgré l'ancienneté de sa présence en France et la circonstance que plusieurs membres de sa famille résident régulièrement en France, l'intéressé n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté en litige porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale au sens des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis par l'autorité administrative ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A...B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, les conclusions qu'il a présentées aux fins d'injonction et celles qui l'ont été au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. A...B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. F...A...B..., à Me C...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 23 juin 2016, où siégeaient :
- M. Vanhullebus, président,
- M. Laso, président-assesseur,
- MmeD..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 13 juillet 2016.
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N° 15MA01583