Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 8 décembre 2014, M. et Mme A..., représentés par Me B..., demandent à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 30 septembre 2014 du tribunal administratif de Marseille ;
2°) de prononcer la décharge demandée ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la procédure est irrégulière dès lors que, sous couvert d'un contrôle sur pièces, l'administration s'est livrée à une vérification de comptabilité de la SCI Kerloren sans lui avoir préalablement envoyé un avis de vérification de comptabilité ;
- la proposition de rectification du 11 juillet 2011 est insuffisamment motivée ;
- les dépenses rejetées par l'administration étaient déductibles au regard de l'article 31 du code général des impôts dès lors qu'elles étaient justifiées dans leur montant et leur principe ;
- l'instruction référencée 5 D-2-07 du 23 mars 2007 et le rescrit n° 2008/14 du 17 juin 2008 autorisent les déductions que l'administration leur refuse ;
- les intérêts de retard devaient être motivés eu égard à leur taux.
Par un mémoire en défense enregistré le 14 avril 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. et Mme A... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le décret n° 87-713 du 26 août 1987 pris en application de l'article 18 de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Sauveplane,
- et les conclusions de M. Maury, rapporteur public.
1. Considérant que M. et Mme A... relèvent appel du jugement du 30 septembre 2014 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis respectivement au titre des années 2008 à 2010 et de l'année 2009 à la suite du contrôle de la SCI Kerloren, dont M. A... détient 99 % des parts sociales, et des pénalités correspondantes ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du 2ème alinéa de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales : " L'administration peut demander au contribuable des justifications sur tous les éléments servant de base à la détermination du revenu foncier tels qu'ils sont définis aux articles 28 à 33 quinquies du code général des impôts (...) " ; qu'aux termes de l'article 172 bis du code général des impôts : " Un décret précise la nature et la teneur des documents qui doivent être produits ou présentés à l'administration par les sociétés immobilières non soumises à l'impôt sur les sociétés qui donnent leurs immeubles en location ou en confèrent la jouissance à leurs associés " et qu'aux termes de l'article 46 D de l'annexe III au même code, ces sociétés immobilières " sont tenues de présenter à toute réquisition du service des impôts tous documents comptables ou sociaux, inventaires, copies de lettres, pièces de recettes et de dépenses de nature à justifier l'exactitude des renseignements portés sur les déclarations (...) " ;
3. Considérant qu'il résulte du 2ème alinéa de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales que l'administration peut demander au contribuable des justifications sur tous les éléments servant de base à la détermination du revenu foncier tels qu'ils sont définis aux articles 28 à 33 quinquies du code général des impôts ; que, par ailleurs, il résulte des dispositions de l'article 172 bis du code général des impôts ainsi que des dispositions réglementaires des articles 46 B à 46 D de l'annexe III de ce même code prises pour son application que l'administration peut également procéder à un contrôle sur place des documents comptables et autres pièces justificatives que ces dernières dispositions imposent de tenir aux sociétés civiles immobilières qui donnent leurs immeubles en location, dans le respect des garanties bénéficiant à l'ensemble des contribuables vérifiés, notamment celle relative à l'envoi d'un avis de vérification et de la charte du contribuable vérifié ;
4. Considérant qu'en l'espèce, le service a, par lettre du 18 mars 2011, demandé au gérant de la SCI Kerloren de lui faire parvenir les justificatifs des charges portées sur les déclarations de revenus fonciers n° 2072, notamment les baux de location, les factures de travaux, les justificatifs des frais de gestion et des impôts déduits sur la ligne de la déclaration n° 2072 relative aux revenus fonciers ; qu'une telle demande était conforme aux dispositions du 2ème alinéa de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales ; que si les requérants soutiennent que le vérificateur a rencontré à deux reprises le gérant de la société, ces rendez-vous ont eu pour unique objet la remise des justifications demandées ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que l'administration aurait, à l'occasion de ces rencontres, contrôlé sur place l'ensemble des documents que la SCI Kerloren est astreinte à conserver en application de l'article 172 bis du code général des impôts ; que, dès lors, la SCI Kerloren n'a été privée d'aucune garantie ; que le moyen tiré par M. et Mme A... de ce que l'administration se serait livrée, sous couvert d'un contrôle sur pièces, à une vérification de comptabilité ou à un contrôle sur place de la SCI Kerloren sans lui avoir permis de bénéficier des garanties attachées à un tel contrôle ne peut qu'être écarté ;
5. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation " ;
6. Considérant que, si la proposition de rectification du 11 juillet 2011 envoyée à titre personnel à M. et Mme A... faisait par erreur référence à la proposition de rectification du " 12 " juillet 2011 envoyée à la SCI Kerloren alors que cette dernière était également datée du 11 juillet 2011, cette erreur de plume n'a pu, en l'espèce, induire en erreur les contribuables, d'autant que cette proposition de rectification adressée à la SCI Kerloren était annexée à la proposition de rectification adressée à M. et Mme A... ; que la proposition de rectification adressée aux requérants indiquait les raisons pour lesquelles l'administration avait remis en cause la déduction de certaines dépenses portées en charge par la SCI Kerloren au titre des années 2005 à 2010 et récapitulait les rehaussements apportés aux revenus fonciers de la société au titre des années non prescrites ainsi que les conséquences financières concernant M. et Mme A... ; que, dès lors, la proposition de rectification du 11 juillet 2011, qui permettait aux requérants de formuler leurs observations ou leur acception, était suffisamment motivée au regard des exigences de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ;
Sur le bien-fondé des impositions :
7. Considérant qu'aux termes de l'article 13 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice ou revenu imposable est constitué par l'excédent du produit brut, (...) sur les dépenses effectuées en vue de l'acquisition et de la conservation du revenu " ; qu'aux termes de l'article 28 du même code : " Le revenu net foncier est égal à la différence entre le montant du revenu brut et le total des charges de la propriété " et que l'article 31 du même code prévoit que : " I. Les charges de la propriété déductibles pour la détermination du revenu net comprennent : 1° Pour les propriétés urbaines : a) Les dépenses de réparation et d'entretien effectivement supportées par le propriétaire ; (...) a ter) Le montant des dépenses supportées pour le compte du locataire par le propriétaire dont celui-ci n'a pu obtenir le remboursement, au 31 décembre de l'année du départ du locataire ; a quater) Les provisions pour dépenses, comprises ou non dans le budget prévisionnel de la copropriété, prévues aux articles 14-1 et 14-2 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, supportées par le propriétaire, diminuées démontant des provisions déduites l'année précédente qui correspond à des charges non déductibles ; b) Les dépenses d'amélioration afférentes aux locaux d'habitation, à l'exclusion des frais correspondant à des travaux de construction, de reconstruction ou d'agrandissement (...) ; c) Les impositions, autres que celles incombant normalement à l'occupant, perçues, à raison desdites propriétés, au profit des collectivités territoriales, de certains établissements publics ou d'organismes divers ; (...) e) Les frais de gestion, fixés à 20 euros par local (...) " ;
En ce qui concerne la déduction de la taxe foncière et de la taxe d'enlèvement sur les ordures ménagères :
8. Considérant que les propriétaires peuvent déduire la taxe foncière sur les propriétés bâties, à condition qu'elle ait été effectivement payée ; qu'en revanche, les propriétaires ne peuvent pas déduire les impôts incombant normalement à l'occupant ;
9. Considérant, en premier lieu, que l'administration a refusé d'admettre en déduction des revenus de la SCI Kerloren la taxe foncière due à raison d'un appartement situé au 411 de l'avenue du Prado à Marseille aux motifs que la charge n'était pas justifiée et que le bail signé entre la SCI Kerloren et son locataire pour la disposition de cet appartement stipulait que le locataire s'engageait à prendre à sa charge la totalité des taxes foncières annuelles ; que M. et Mme A... n'apportent pas la preuve que la SCI Kerloren aurait effectivement payé la taxe foncière ; que, dès lors, c'est à bon droit que l'administration a refusé d'admettre la taxe foncière en déduction ;
10. Considérant, en second lieu, que la taxe d'enlèvement des ordures ménagères figure expressément sur la liste des charges récupérables par les bailleurs auprès des locataires, prévue par le décret 87-713 du 26 août 1987 ; que, dès lors, c'est à bon droit que l'administration a refusé d'admettre en déduction cette taxe en ce qui concerne l'un des appartements donnés en location par la société ;
En ce qui concerne les dépenses d'aménagement de la cuisine :
11. Considérant que seules les dépenses d'amélioration effectivement supportées par le propriétaire sont déductibles du revenu ; qu'en l'espèce, M. et Mme A... n'établissent pas que la SCI Kerloren a effectivement supporté les dépenses d'aménagement d'une cuisine ; que, dès lors, et pour ce seul motif, c'est à bon droit que l'administration a refusé d'admettre ces dépenses en déduction ; que, faute d'avoir apporté la preuve de ces dépenses, les requérants ne sont pas davantage fondés à invoquer, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, ni l'instruction référencée 5 D-2-07 du 23 mars 2007 ni le rescrit n° 2008/14 du 17 juin 2008 qui ne comportent aucune interprétation de la loi fiscale différente de celle dont il est fait ici application ;
En ce qui concerne les factures de travaux non admises en déduction :
12. Considérant, en premier lieu, que l'administration a remis en cause certaines factures, relatives à la fourniture et à la pose d'équipements, portées en déduction par la SCI Kerloren au motif qu'elles étaient libellées au nom et à l'adresse des locataires et non à celui de la société ; que si les requérants soutiennent que les locataires ont procédé au paiement direct des fournisseurs pour en obtenir le remboursement par la SCI Kerloren, ils ne l'établissent pas en se bornant à produire une attestation manuscrite établie par ces locataires auxquels, au surplus, ils sont liés par des liens familiaux étroits ;
13. Considérant, en second lieu, que l'administration a relevé que des factures relatives à des livraisons de matériaux ne comportaient comme lieu de livraison que la seule indication " SCI Kerloren " et ne permettaient pas de justifier que ces livraisons auraient bénéficié à la société plutôt qu'à ses locataires ; qu'en l'absence de toute justification quant au lieu de livraison et d'utilisation des matériaux, c'est à bon droit que l'administration a refusé d'admettre en déduction ces dépenses ;
14. Considérant, en dernier lieu, que si les requérants contestent la remise en cause par l'administration de la déduction des appels de fonds de la part du " syndic ", il ne résulte pas de l'instruction et notamment de la proposition de rectification du 11 juillet 2011 que l'administration aurait refusé la déduction de charges de copropriété au titre des années en litige ;
Sur l'application des intérêts de retard :
15. Considérant qu'aux termes de l'article 1727 du code général des impôts : " I.-Toute créance de nature fiscale, dont l'établissement ou le recouvrement incombe aux administrations fiscales, qui n'a pas été acquittée dans le délai légal donne lieu au versement d'un intérêt de retard. A cet intérêt s'ajoutent, le cas échéant, les sanctions prévues au présent code. " ;
16. Considérant que l'intérêt de retard institué par ces dispositions vise essentiellement à réparer les préjudices de toute nature subis par l'Etat à raison du non-respect par les contribuables de leurs obligations de déclarer et payer l'impôt aux dates légales ; que, dès lors, il n'a pas à faire l'objet d'une motivation ; qu'en l'espèce, le niveau d'intérêt de 0,4 % par mois ne lui confère pas la nature d'une sanction, dès lors que ce niveau n'est pas devenu manifestement excessif au regard du taux moyen pratiqué par les prêteurs privés pour un découvert non négocié ;
17. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, leurs conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme C... A...et au ministre des finances et des comptes publics.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est.
Délibéré après l'audience du 26 mai 2016, où siégeaient :
- M. Bédier, président de chambre,
- Mme Markarian, premier conseiller,
- M. Sauveplane, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 9 juin 2016.
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N° 14MA04929 6