Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 30 juillet 2015 et 29 janvier 2016, M. F..., représenté par Me C...A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon du 3 juillet 2015 ;
2°) d'annuler la décision précitée du 21 janvier 2013 ;
3°) d'enjoindre au maire de Toulon de le réintégrer dans ses fonctions, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de condamner la commune de Toulon au versement de la somme de 43 339,80 euros arrêtée au 22 juillet 2015, à parfaire à la date de l'arrêt à intervenir ;
5°) de mettre à la charge de la commune de Toulon le paiement de la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'auteur de la notification de la mise en demeure n'est pas clairement identifié contrairement à ce qu'imposent les dispositions de l'article 4 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec l'administration ;
- il n'a pas voulu rompre le lien avec son administration ;
- il avait un motif légitime, d'ordre médical, de ne pas reprendre son travail ;
- sa situation personnelle l'a empêché de se manifester au cours du délai qui lui était imparti pour reprendre ses fonctions ;
- son état psychique ne lui a pas permis d'apprécier la portée de la mise en demeure ;
- la mise en demeure de reprendre ses fonctions ne lui a pas été notifiée ;
- le délai qui lui a été imparti pour reprendre ses fonctions était insuffisant ;
- l'information sur les risques encourus en cas de non-présentation à son poste de travail était insuffisante ;
- la procédure disciplinaire aurait dû être respectée.
Par un mémoire en défense enregistré le 7 décembre 2015, la commune de Toulon, représentée par Me E...D..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de M. F...le paiement de la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête d'appel est irrecevable à défaut de comporter une critique du jugement attaqué ;
- les conclusions indemnitaires de M. F...sont irrecevables dès lors qu'elles n'ont pas été précédées d'une demande préalable ;
- les moyens de la requête sont infondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Vincent-Dominguez,
- les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public,
- et les observations de MeB..., substituant MeD..., représentant la commune de Toulon.
1. Considérant que, par un arrêté en date du 21 janvier 2013, M.F..., adjoint technique de 2ème classe exerçant ses fonctions au sein de la commune de Toulon, a été radié des cadres pour abandon de poste ; que M. F...interjette appel du jugement du 3 juillet 2015 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté ses conclusions aux fins d'annulation dudit arrêté ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et ses conclusions indemnitaires ;
2. Considérant qu'une mesure de radiation des cadres pour abandon de poste ne peut être régulièrement prononcée que si l'agent concerné a, préalablement à cette décision, été mis en demeure de rejoindre son poste ou de reprendre son service dans un délai approprié qu'il appartient à l'administration de fixer ; qu'une telle mise en demeure doit prendre la forme d'un document écrit, notifié à l'intéressé, l'informant du risque qu'il encourt d'une radiation des cadres sans procédure disciplinaire préalable ; que cette mise en demeure doit ainsi comporter l'information selon laquelle la radiation peut être mise en oeuvre sans que l'intéressé bénéficie des garanties de la procédure disciplinaire ;
3. Considérant, en premier lieu, qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'imposait à la commune de Toulon de notifier la mise en demeure précitée par lettre recommandée avec accusé de réception ou par voie d'huissier ; qu'elle pouvait procéder à une telle notification par la voie administrative ; qu'il ressort des pièces du dossier qu'un agent de police municipale a, le 16 janvier 2013, déposé dans la boîte aux lettres de M.F..., ainsi que cela ressort des mentions portées sur le procès-verbal de notification, une mise en demeure de reprendre ses fonctions datée du 15 janvier 2013 ; que cette mention fait foi jusqu'à preuve du contraire ; que M. F...ne fait état d'aucune circonstance qui l'aurait alors empêché de récupérer son courrier dans sa boîte aux lettres ; que, par suite, le moyen tiré de ce que ne lui aurait pas été notifiée une mise en demeure de reprendre ses fonctions doit être écarté ;
4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 4 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits dans citoyens dans leurs relations avec les administrations, alors applicable : " Dans ses relations avec l'une des autorités administratives mentionnées à l'article 1er, toute personne a le droit de connaître le prénom, le nom, la qualité et l'adresse administratives de l'agent chargé d'instruire sa demande ou de traiter l'affaire qui la concerne ; ces éléments figurent sur les correspondances qui lui sont adressées (...) / Toute décision prise par l'une des autorités administratives mentionnées à l'article 1er comporte, outre la signature de son auteur, la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci " ; que, cependant, la circonstance que le procès-verbal de notification de la mise en demeure ne comporte pas l'ensemble des mentions précitées est sans incidence sur la légalité de la décision de radiation des cadres attaquée ;
5. Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que M. F...a, par une mise en demeure qui lui a été notifiée, ainsi qu'il a été dit précédemment, le 16 janvier 2013, été invité à reprendre ses fonctions le 21 janvier 2013 ; que le délai de cinq jours ainsi accordé à l'intéressé était, bien qu'incluant un week-end, suffisant ;
6. Considérant, en quatrième lieu, que la mise en demeure précisait sans aucune ambiguïté, et quelles qu'aient pu être les mentions portées antérieurement sur le courrier établi par le médecin agréé de l'administration après une visite de contrôle effectuée le 10 janvier 2013, que si M. F...ne rejoignait pas son poste le 21 janvier 2013, il serait procédé, sans recours à la procédure disciplinaire, à sa radiation des cadres pour abandon de poste ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le requérant n'aurait pas été correctement informé des risques encourus en cas de non-reprise de son service doit être écarté ;
7. Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes de l'article 57 de la loi n° 84-53 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions (...) " ; qu'aux termes de l'article 15 du décret n° 87-602 relatif à l'organisation des comités médicaux, aux conditions d'aptitude physique et au régime des congés de maladie des fonctionnaires territoriaux dans sa rédaction alors applicable : " Pour bénéficier d'un congé de maladie ainsi que de son renouvellement, le fonctionnaire doit obligatoirement et au plus tard dans un délai de quarante-huit heures adresser à l'autorité dont il relève un certificat d'un médecin ou d'un chirurgien-dentiste. / L'autorité territoriale peut faire procéder à tout moment à la contre-visite du demandeur par un médecin agréé ; le fonctionnaire doit se soumettre, sous peine d'interruption du versement de sa rémunération, à cette contre-visite. / Le comité médical compétent peut être saisi, soit par l'autorité territoriale, soit par l'intéressé, des conclusions du médecin agréé " ; qu'il résulte de ces dispositions que lorsque le médecin agréé qui a procédé à la contre-visite du fonctionnaire placé en congé maladie conclut à l'aptitude de celui-ci à reprendre l'exercice de ses fonctions, il appartient à l'intéressé de saisir le comité médical compétent s'il conteste ces conclusions ; que si, sans contester ces conclusions, une aggravation de son état ou une nouvelle affection, survenue l'une ou l'autre postérieurement à la contre-visite, le met dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions, il lui appartient de faire parvenir à l'autorité administrative un nouveau certificat médical attestant l'existence de ces circonstances nouvelles ;
8. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le médecin agréé de l'administration a estimé, le 10 janvier 2013, que M. F...était apte à la reprise immédiate de ses fonctions et que son arrêt de travail pour la période du 9 au 16 janvier 2016, ne serait pas validé ; que M. F...n'a pas contesté ces conclusions en saisissant le comité médical compétent ; que, par ailleurs, s'il est constant que M. F...s'est présenté à son poste de travail le 22 janvier 2013 et a, à cette occasion, soit postérieurement à l'expiration du délai qui lui était imparti, déposé un nouvel arrêt de travail, celui-ci ne faisait état d'aucune aggravation de son état de santé ni d'aucune affection nouvelle survenue postérieurement à la contre-visite médicale effectuée le 10 janvier 2013 ;
9. Considérant, en sixième lieu, que lorsque l'agent ne s'est pas présenté et n'a fait connaître à l'administration aucune intention de reprendre son service avant l'expiration du délai fixé par la mise en demeure et en l'absence de toute justification d'ordre matériel ou médical présentée par l'agent, de nature à expliquer le retard qu'il aurait eu à manifester une telle intention, l'administration est en droit d'estimer que le lien avec le service a été rompu du fait de l'intéressé ; que M. F...n'a, ainsi qu'il a été dit précédemment, ni regagné son poste ni fait connaître à son administration ses intentions avant le 21 janvier 2013 ; que s'il fait valoir qu'il n'a pu le faire en raison de la sévère dépression dont il était atteint, il ne ressort pas des pièces du dossier que celle-ci, à la supposer établie puisque le médecin de l'administration avait estimé qu'il était apte à une reprise immédiate de ses fonctions, aurait altéré son discernement et fait obstacle à ce qu'il mesure la portée de la mise en demeure du 15 janvier 2013 ; que, par ailleurs, s'il ressort des pièces du dossier que le père de M. F... était atteint d'une grave maladie et avait été hospitalisé en décembre 2012, cette circonstance n'était pas de nature à expliquer qu'entre le 16 et le 21 janvier 2013, M. F...ne fournisse aucune explication à son administration ; qu'il suit de là que le maire de la commune de Toulon était en droit d'estimer que le lien avec le service avait été rompu du fait de son agent et de le radier des cadres pour abandon de poste sans mise en oeuvre de la procédure disciplinaire ;
10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir soulevées par la commune de Toulon, que M. F...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté ses conclusions aux fins d'annulation de l'arrêté du 21 janvier 2013 ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et ses conclusions indemnitaires ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ;
12. Considérant que les dispositions précitées font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Toulon, qui n'est pas la partie perdante, le paiement de la somme demandée par M.F... ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la commune intimée en application desdites dispositions ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. F...est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Toulon en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. E...F...et à la commune de Toulon.
Délibéré après l'audience du 10 mai 2016, où siégeaient :
- M. Gonzales, président,
- M. Renouf, président assesseur,
- Mme Vincent-Dominguez, premier conseiller.
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N° 15MA03179 2