Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 30 juillet 2014, et des mémoires et pièces complémentaires, enregistrés les 23 janvier et 16 octobre 2015 et le 4 février 2016, M. E..., représenté par la SCP d'avocats Grandjean-Poinsot et associés, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 5 juin 2014 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 31 juillet 2013 par lequel le préfet de l'Hérault a délivré à M. D... B...un permis de construire ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il a produit, par la voie d'une note en délibéré, des documents justifiant de son intérêt à agir de sorte que le tribunal administratif de Montpellier a estimé à tort qu'aucune pièce justifiant de son intérêt pour agir ne lui avait été transmise ;
- il justifie de son intérêt pour agir en qualité de voisin immédiat du projet contesté ;
- le tribunal administratif de Montpellier s'est fondé sur un mémoire produit par M. B... et enregistré le 16 mai 2014, qui ne lui a pas été communiqué ;
- les dispositions de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme ne sont pas applicables aux recours formés à l'encontre de permis de construire délivrés avant leur entrée en vigueur ;
- M. B... n'a pas satisfait à l'obligation de demander le réexamen de sa demande, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 600-2 du code de l'urbanisme ;
- le préfet était incompétent pour délivrer le permis de construire, à défaut d'avoir consulté, à nouveau, le maire de la commune ;
- l'arrêté attaqué méconnaît l'arrêté préfectoral du 2 août 1991 fixant la distance à respecter entre les débits de boisson et les édifices visés à l'article L. 3351-1 du code de la santé publique, tels que les cimetières ;
- il méconnaît l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme au regard de la proximité du cimetière communal ;
- la parcelle cadastrée section D n° 546 est située en zone rouge du plan de prévention des risques d'inondation Haute Vallée de l'Hérault où sont interdites notamment les constructions à usage de restaurant ;
- le permis de construire méconnaît l'article R. 111-5 du code de l'urbanisme.
Par un mémoire en défense, et des pièces, enregistrés les 29 avril et 13 mai 2015, M. D... B..., représenté par la SELARL d'avocats Valette-Berthelsen, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de M. E... de la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les documents produits par M. E... pour justifier de son intérêt pour agir l'ont été après la clôture de l'instruction ;
- le principe du contradictoire n'a pas été méconnu ;
- M. E... ne justifie pas d'un intérêt pour agir contre le permis de construire en litige ;
- le moyen tiré de la méconnaissance de l'arrêté préfectoral relatif à la distance à respecter par rapport aux cimetières est inopérant ;
- le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme est inopérant ;
- les autres moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 octobre 2015, la ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que :
- le tribunal administratif de Montpellier a jugé à juste titre que M. E... ne justifiait pas d'un intérêt pour agir ;
- le contradictoire n'a pas été méconnu ;
- le moyen tiré de la méconnaissance de l'arrêté préfectoral relatif à la distance à respecter par rapport aux cimetières est inopérant ;
- le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme est inopérant ;
- les autres moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'ordonnance n° 2013-638 du 18 juillet 2013 ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Portail,
- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,
- et les observations de Me A..., représentant M. E....
1. Considérant que, par un arrêté n° PC 034261 11 du 31 juillet 2013, le préfet de l'Hérault a délivré à M. D... B...un permis de construire pour la construction d'un restaurant de plein air pouvant accueuillir 83 personnes, sur un terrain sis chemin des Hortes, sur la commune de Saint-Guilhem-Le-Désert ; que M. E... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler ce permis de construire ; que, par un jugement du 5 juin 2014, dont M. E... relève appel, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande comme irrecevable, au motif que l'intéressé ne justifiait pas d'un intérêt pour agir à l'encontre du permis de construire en litige ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant, d'une part, que les dispositions de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme, issues de l'ordonnance susvisée du 18 juillet 2013, sont entrées en vigueur le 19 août 2013 ; que s'agissant de dispositions nouvelles qui affectent la substance du droit de former un recours pour excès de pouvoir contre une décision administrative, elles sont, en l'absence de dispositions contraires expresses, applicables aux recours formés contre les décisions intervenues après leur entrée en vigueur ; qu'elles n'étaient donc pas applicables au recours formé par M. E... contre le permis de construire délivré le 31 juillet 2013 ;
3. Considérant, d'autre part, qu'un requérant peut invoquer, à tout moment de la procédure devant le juge administratif, y compris pour la première fois en appel, une qualité lui donnant intérêt pour agir ; que M. E... justifie, notamment par la production de son avis d'imposition à la taxe d'habitation, résider au 4 chemin des Hortes, sur le territoire de la commune de Saint-Guilhem-Le-Désert ; que la parcelle, cadastrée section D n° 4, où est situé le domicile familial de M. E..., est limitrophe de la parcelle, cadastrée section D n° 546, sur laquelle doit être réalisé le projet en litige ; qu'à supposer que le bâtiment projeté ne soit pas visible depuis la parcelle cadastrée section D n° 4, M. E... justifie néanmoins, en qualité de voisin immédiat de la parcelle d'assiette du projet contesté, d'un intérêt pour demander l'annulation du permis de construire en litige, eu égard à la nature et à l'importance du projet ; que, par suite, en rejetant la demande de M. E... comme irrecevable au motif qu'il ne justifiait pas de son intérêt à agir à l'encontre de cette décision, le tribunal administratif de Montpellier a entaché son jugement d'irrégularité ; que, dès lors, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens relatifs à la régularité du jugement attaqué, M. E... est fondé à en demander l'annulation ;
4. Considérant qu'il y a lieu pour la Cour d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. E... devant le tribunal administratif de Montpellier ;
Sur la fin de non recevoir opposée par M. B... à la demande de première instance :
5. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit au point 3, M. E... justifie d'un intérêt lui donnant qualité pour demander l'annulation du permis de construire délivré le 31 juillet 2013 à M. B... par le préfet de l'Hérault ; que la fin de non recevoir, opposée à ce titre par M. B..., à la demande présentée par M. E... devant le tribunal administratif de Montpellier doit, dès lors, être écartée ;
Sur la légalité du permis de construire délivré le 31 juillet 2013 :
6. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 422-1 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée : " L'autorité compétente pour délivrer le permis de construire, d'aménager ou de démolir et pour se prononcer sur un projet faisant l'objet d'une déclaration préalable est : / a) Le maire, au nom de la commune, dans les communes qui se sont dotées d'un plan local d'urbanisme ou d'un document d'urbanisme en tenant lieu, ainsi que, lorsque le conseil municipal l'a décidé, dans les communes qui se sont dotées d'une carte communale ; lorsque le transfert de compétence à la commune est intervenu, ce transfert est définitif ; / b) Le préfet ou le maire au nom de l'Etat dans les autres communes " ; que l'article R. 422-1 du même code dispose que : " Lorsque la décision est prise au nom de l'Etat, elle émane du maire, sauf dans les cas mentionnés à l'article R. 422-2 où elle émane du préfet " ; qu'aux termes de l'article R. 422-2 de ce code : " Le préfet est compétent pour délivrer le permis de construire, d'aménager ou de démolir et pour se prononcer sur un projet faisant l'objet d'une déclaration préalable dans les communes visées au b de l'article L. 422-1 et dans les cas prévus par l'article L. 422-2 dans les hypothèses suivantes(...) e) En cas de désaccord entre le maire et le responsable du service de l'Etat dans le département chargé de l'instruction mentionné à l'article R. 423-16 " ;
7. Considérant que le maire de la commune de Saint-Guilhem-Le-Désert, agissant au nom de l'Etat, a refusé, par un arrêté du 20 mai 2011, le permis de construire demandé par M. B..., au motif que le projet méconnaît l'article R. 111-5 du code de l'urbanisme ; que le tribunal administratif de Montpellier a annulé cette décision de refus par un jugement du 7 mars 2013 ; qu'il ressort des pièces du dossier qu'à la suite de ce jugement, la direction départementale des territoires et de la mer (DDTM) de l'Hérault, chargée de l'instruction des autorisations d'urbanisme, a émis un avis favorable au projet ; que se fondant sur l'avis défavorable au projet émis le 2 mars 2011 par le conseil municipal de la commune de Saint-Guilhem-Le-Désert, et sur le refus de permis de construire opposé le 20 mai 2011 par le maire de cette commune, le préfet de l'Hérault a conclu à l'existence d'un désaccord entre le maire et le responsable du service de l'Etat dans le département chargé de l'instruction des autorisations d'urbanisme, et a délivré le permis de construire à M. B... en application des dispositions précitées des articles R. 422-1 et R. 422-2 e) du code de l'urbanisme ; qu'il incombait cependant à la DDTM, alors même que le projet était identique à celui ayant fait l'objet du refus opposé en 2011, de consulter à nouveau la commune de Saint-Guilhem-Le-Désert dans le cadre de la nouvelle instruction de la demande de permis de construire, dont l'autorité administrative demeurait saisie; que, à défaut d'avoir procédé à cette nouvelle consultation, l'existence d'un désaccord entre le maire de la commune de Saint-Guilhem-Le-Désert et le service instructeur n'était pas établie à la date à laquelle a été délivré le permis de construire ; que, dans ces conditions, il n'est pas justifié de la compétence du préfet de l'Hérault n'était pas compétent pour délivrer le permis de construire sollicité par M. B... ; que M. E... est dès lors fondé à soutenir que la décision attaquée a été prise par une autorité incompétente et à en demander , pour ce motif, l'annulation ;
8. Considérant, en second lieu, et d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment du plan produit en première instance par le préfet de l'Hérault, que la parcelle cadastrée section D n° 346, sur laquelle doit être réalisé le restaurant, objet du permis de construire en litige, est située pour partie en zone rouge du plan de prévention des risques d'inondation Haute-vallée de l'Hérault, approuvé par arrêté du préfet de l'Hérault du 3 août 2007 ; que ces constations de fait ne sont pas remises en cause par la production par M. B... d'une carte, établie à l'échelle 1/4500ème, qui s'avère moins précise que celle produite par le préfet de l'Hérault ;
9. Considérant, d'autre part, qu'il ressort des pièces du dossier que le règlement applicable à la zone rouge du plan de prévention des risques d'inondation " Haute-vallée de l'Hérault " interdit tous projets, telles que les constructions nouvelles, extensions, interventions sur l'existant ou modifications à l'exception des modifications de constructions avec ou sans changement de destination, sous réserve que, dans l'hypothèse d'un changement de destination, celui-ci n'augmente pas la vulnérabilité et améliore la sécurité des personnes ; qu'alors même que seule une faible partie de la parcelle d'assiette du projet, objet du permis de construire en litige, est située en zone rouge du plan de prévention des risques d'inondation, le projet contesté à usage de restaurant, susceptible d'accueillir 83 personnes , qui doit être implanté au moins pour partie en zone inondable, prévoit le changement de destination et l'extension d'une construction existante ; qu'ainsi, le projet contesté est de nature à augmenter la vulnérabilité du site et ne permet pas d'améliorer la sécurité des personnes ; que, par suite, en délivrant ce permis de construire, le préfet de l'Hérault a méconnu les dispositions du plan de prévention des risques d'inondation " Haute-vallée de l'Hérault " ; que, dès lors, M. E... est également fondé à soutenir que l'arrêté attaqué est, pour ce motif, entaché d'illégalité ;
10. Considérant que pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, aucun autre moyen n'est de nature, en l'état de l'instruction, à conduire à l'annulation du permis de construire contesté ;
11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. E... est fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 31 juillet 2013 par lequel le préfet de l'Hérault a délivré à M. D... B...un permis de construire ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
12. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que M. B... demande au titre de ses frais non compris dans les dépens, soit mise à la charge de M. E..., qui n'est, dans la présente instance, ni partie perdante, ni tenu aux dépens ; qu'en revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en application de ces mêmes dispositions, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens exposés par M. E... ;
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du 5 juin 2014 du tribunal administratif de Montpellier est annulé.
Article 2 : Le permis de construire délivré le 31 juillet 2013 par le préfet de l'Hérault à M. B... est annulé.
Article 3 : L'Etat versera la somme de 2 000 euros à M. E... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions de M. B... présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... E..., à la ministre du logement et de l'habitat durable et à M. D... B....
Copie en sera adressée au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Montpellier, au préfet de l'Hérault et à la commune de Saint-Guilhem-Le-Désert.
Délibéré après l'audience du 20 mai 2016, où siégeaient :
Mme Buccafurri, présidente,
M. Portail, président-assesseur,
Mme Busidan, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 10 juin 2016.
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N° 14MA03434