Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 9 juin 2015 et 9 février 2016, la société Eurovia Lorraine, représentée par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1202856 du tribunal administratif de Strasbourg du 8 avril 2015;
2°) à titre principal, de rejeter la demande de la commune de Maizières- les-Vic ;
3°) à titre subsidiaire, de réformer le jugement en ce qu'il a sous-estimé les responsabilités de la commune et de l'Etat dans la survenance des désordres ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Maizières-les-Vic une somme de 3 000 euros à lui verser au titre des dispositions des l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les premiers juges ont mésestimé la part de responsabilité de l'Etat et de la commune dans la survenance des désordres ;
- la commune a commis d'autres fautes dans la survenance des désordres qui n'ont pas été retenues par le tribunal à raison du défaut d'entretien des fossés de drainage, de l'absence de mise en place de barrières de dégel, de la négligence face aux désordres constatés ;
- la part de responsabilité de l'Etat est supérieure à 20% dès lors qu'il a manqué à sa mission de conception du projet, de contrôle quant à la qualité des matériaux et n'a pas pris en compte l'aspect hydraulique des travaux ;
- l'indemnisation du préjudice de la commune doit être diminuée par application d'un coefficient de vétusté et par suite, de la réfaction de la TVA.
Par un mémoire enregistré le 28 janvier 2016, le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens relatif au partage de responsabilité n'est fondé.
Par un mémoire enregistré le 5 février 2016, la commune de Maizières-les-Vic conclut au rejet de la requête et demande de mettre à la charge de la société Eurovia Lorraine une somme de 3 500 euros à lui verser au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- c'est à juste titre que les premiers juges ont retenu une part de responsabilité à hauteur de 5% à l'égard de la commune et de 20% à l'égard de l'Etat ;
- aucun coefficient de vétusté ne peut être retenu ;
- la commune ne pourra récupérer la TVA sur les factures qui lui seront présentées car elle n'est pas assujettie à la TVA.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code des marchés publics ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Steinmetz-Schies, premier conseiller,
- les conclusions de M. Favret, rapporteur public,
- et les observations de Me B...pour la commune de Maizières-les-Vic.
Considérant ce qui suit :
1. La commune de Maizières-les-Vic a fait réaliser, à l'occasion d'une opération de remembrement, des travaux de réfection de la voirie des chemins ruraux. Elle en a confié, par un marché en date du 31 janvier 2003, la maîtrise d'oeuvre à la direction départementale de l'agriculture et de la forêt (DDAF) de la Moselle. Les travaux ont été réceptionnés sans réserve le 4 juin 2003.
2. En juin 2005, des dégradations sont apparues sur les bas-côtés des chaussées ainsi qu'un nombre important de " nids de poule ". La commune a demandé à l'entreprise Eurovia Lorraine de reprendre ces désordres, sans résultats. Sur la base des conclusions du rapport de l'expertise ordonnée par le tribunal déposé en septembre 2011, la commune de Maizières-Les-Vic a recherché la responsabilité de l'Etat et de la société Eurovia Lorraine sur le fondement de la responsabilité contractuelle ou décennale.
3. La société Eurovia Lorraine relève appel du jugement du 8 avril 2015 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a condamné l'Etat à verser à la commune de Maizières-les-Vic la somme de 100 942,40 euros, a condamné la société Eurovia à payer à la commune la somme de 378 534 euros et a mis les frais d'expertise à la charge de l'Etat et de la société Eurovia Lorraine à hauteur des sommes respectives de 3 433,21 euros et de 12 874,53 euros.
Sur le partage de responsabilité :
4. Il résulte du rapport d'expertise que les désordres en cause consistent en la présence de fissurations de la couche d'enrobé, de " nids de poule " ainsi que d'orniérage et de faïençage de la couche de roulement principalement en rive de voies. Les premiers juges ont considéré que la commune était fondée à rechercher la responsabilité de l'Etat et de la société Eurovia sur le fondement des principes dont s'inspirent les articles 1792 et 2270 du code civil à hauteur respectivement de 20 % à la charge de l'Etat et de 75% à la charge de la société Eurovia, tout en retenant à la charge de la commune une part de responsabilité dans la survenance des désordres fixée à 5%. La société Eurovia Lorraine conteste ce partage de responsabilité.
S'agissant de la part de responsabilité de l'Etat dans la survenance des désordres :
5. La société Eurovia Lorraine soutient que l'Etat, à qui elle a confié une maitrise d'oeuvre complète du projet (étude d'avant-projet, assistance pour la passation des contrats de travaux, visa des documents d'exécution, direction de l'exécution des travaux et assistance pour opérations de réception), n'a pas procédé à une expertise plus approfondie des sols avant de définir la technique de réalisation, n'a pas pris en compte le risque hydraulique par évacuation des eaux dans la conception du projet et a commis des fautes dans la direction et la surveillance des travaux.
6. En premier lieu, si la société soutient que l'Etat aurait dû faire réaliser une étude des sols dès lors que la société Fondasol a réalisé des carottages à la demande de l'expert pour évaluer l'ampleur des désordres, ces observations ne démontrent pas à elles-seules que l'Etat a commis une faute de conception, alors qu'il ressort du rapport d'expertise (page 26) que " les structures prévues au marché sont de nature à répondre structurellement et mécaniquement aux besoins de la circulation des voies ". Par suite, eu égard à la structure des voies en cause, aucun élément ne permet d'établir qu'une étude préalable des sols était nécessaire.
7. En deuxième lieu, si la société Eurovia Lorraine soutient que l'Etat aurait dû faire réaliser un comptage journalier des véhicules empruntant les voies en cause, il ressort du rapport d'expertise que les causes des désordres proviennent essentiellement de disparités dans les épaisseurs des couches dans les matériaux mis en oeuvre, et non du trafic des véhicules.
8. En troisième lieu, si la société Eurovia Lorraine soutient que l'Etat aurait dû prévoir la réalisation d'accotements afin de recueillir les eaux de pluie, il ressort du rapport de l'expert que les voies sont bordées de fossés destinés à recueillir les eaux de pluie. La société n'établit pas la faute qu'aurait commise l'Etat en omettant de prévoir ces accotements alors que les fossés remplissent la même fonction.
9. En quatrième lieu, si la société Eurovia Lorraine soutient que l'Etat a commis une faute en n'intégrant pas dans la partie hydraulique des travaux, la protection des corps de chaussée, il ressort du rapport d'expertise que les travaux envisagés étaient conformes au référentiel et que les désordres constatés proviennent pour l'essentiel d'un défaut de réalisation.
10. Enfin, si la société Eurovia Lorraine soutient que la part de responsabilité de l'Etat a été sous-évaluée en ce qui concerne la direction, la surveillance et le contrôle des travaux, il ressort de l'instruction que l'Etat n'était pas tenu de contrôler la qualité des matériaux alors que la société n'a pas apporté la preuve, lors de l'expertise, de son contrôle sur les travaux réalisés, y compris les fournitures de matériaux et la réalisation de la couche de roulement.
S'agissant de la part de responsabilité imputable à la commune dans la survenance des désordres :
11. La société Eurovia Lorraine soutient que la commune aurait dû fermer des voies pendant l'hiver, mettre en place des barrières de dégel lors des périodes hivernales, en faisant valoir que le trafic des véhicules a eu une incidence sur les désordres survenus sur la voirie. Elle fait également valoir que la commune aurait dû entretenir les fossés de drainage.
12. Il ressort du rapport de l'expert que celui-ci n'a pas constaté de trafic lourd sur les voies concernées, sauf une circulation plus soutenue de véhicules légers sur la route d'Hellocourt, et que ledit trafic est compatible avec les structures projetées au marché qui sont de nature à répondre structurellement et mécaniquement aux besoins de la circulation des voies, même en période hivernale. Si l'expert a, au cours des réunions d'expertise, préconisé de mettre en place des barrières de dégel pour le trafic lourd en cas d'hiver rigoureux à caractère exceptionnel (page 19), il a aussi indiqué que ce défaut de protection n'est pas rédhibitoire, compte tenu de la vocation et du caractère rural des chemins concernés. Sur ce point, la commune fait valoir, sans être contredite, qu'aucune période hivernale plus rigoureuse que celles habituellement constatées dans la région n'a été observée après l'achèvement des travaux et la constatation des désordres.
13. Si la société Eurovia fait valoir que l'absence de fossés profonds et entretenus, la présence d'argiles sensibles aux phénomènes de retrait-gonflement sur le chemin de la Peronnette ont contribué à la déstabilisation de la structure de la chaussée, la commune ne conteste pas ne pas avoir suffisamment entretenu les fossés bordant les voies et destinés à recueillir les eaux de pluie. Si ce défaut d'entretien a contribué à accélérer la survenance des désordres, son ampleur n'est pas telle qu'elle doive remettre en cause la part de responsabilité retenue à l'encontre de la commune.
14. Il résulte de ce qui précède que les premiers juges n'ont pas inexactement apprécié la part de responsabilité imputable à la commune en l'estimant à 5% du montant des désordres.
15. Il résulte de ce qui précède que les premiers juges n'ont pas inexactement apprécié la part de responsabilité imputable à l'Etat, qui ne la conteste pas, en la fixant à 20%.
Sur le montant de la réparation :
S'agissant de l'application d'un coefficient de vétusté :
16. Le montant des travaux de reprise du revêtement des voies dégradées s'élève à la somme non contestée de 504 712 euros TTC. Si la société Eurovia Lorraine soutient que ce montant doit être réduit afin de tenir compte d'un coefficient de vétusté dès lors que les travaux ont été réceptionnés le 4 juin 2003 et le rapport d'expertise rendu en 2011, il ressort du rapport d'expertise que les désordres sont apparus deux ans après la réception des travaux, au printemps 2005 et que la commune a informé la société desdits désordres dès juin 2005. Par suite, la société n'est pas fondée, d'une part, à soutenir que la commune n'a pas été diligente et, d'autre part, à demander l'application d'un coefficient de vétusté.
S'agissant de la taxe sur la valeur ajoutée :
17. La société Eurovia Lorraine soutient que l'indemnisation de la commune doit être diminuée par réfaction de la taxe sur la valeur ajoutée.
18. Le montant du préjudice dont le maître d'ouvrage est fondé à demander la réparation aux constructeurs en raison des désordres affectant l'immeuble qu'ils ont réalisé correspond aux frais qu'il doit engager pour les travaux de réfection. Ces frais comprennent, en règle générale, la taxe sur la valeur ajoutée, à moins que le maître de l'ouvrage ne relève d'un régime fiscal qui lui permet normalement de déduire tout ou partie de cette taxe de celle dont il est redevable à raison de ces propres opérations. Les personnes morales de droit public ne sont en général pas assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée.
19. Si la société Eurovia Lorraine soutient que l'indemnité doit être calculée hors taxes, la commune fait valoir qu'elle n'est pas assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée et ne peut donc la récupérer. Par suite, les premiers juges n'ont pas inexactement apprécié le montant du préjudice en incluant la taxe sur la valeur ajoutée.
20. Il résulte de tout ce qui précède que la société Eurovia Lorraine n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a estimé que la commune et l'Etat devaient être déclarés responsables à hauteur de 5% et 20%, et a en conséquence, condamné l'Etat à verser à la commune de Maizières-les-Vic la somme de 100 942,40 euros, et la société Eurovia à payer à la commune la somme de 378 534 euros.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
21. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y pas lieu à cette condamnation ".
22. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Maizières-Les-Vic qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la société Eurovia Lorraine demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu de mettre à la charge de la société Eurovia Lorraine une somme de 1 500 euros à verser à la commune de Maizières-Les-Vic au titre de ces mêmes dispositions.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de société Eurovia Lorraine est rejetée.
Article 2 : La société Eurovia Lorraine versera une somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) à la commune de Maizières-Les-Vic au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Eurovia Lorraine, à la commune de Maizières-Les-Vic et au ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt.
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N° 15NC01264