Il soutient que :
- s'agissant d'un refus de renouveler un titre de séjour, la condition tenant à l'urgence est présumée ;
- il existe des moyens propres à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée ; qu'elle est insuffisamment motivée ; que l'absence de communauté de vie n'est pas établie et que le préfet a méconnu les dispositions de l'article L. 313-11-4° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant le renouvellement sollicité.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 mai 2016, le préfet du Jura conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- en tant qu'il comporte, outre un refus de séjour, une mesure d'obligation de quitter le territoire français et fixe le pays de destination, l'arrêté ne relève pas des procédures de référé instituées par le livre V du code de justice administrative et que, par suite, la requête est irrecevable ;
- l'urgence n'est pas établie dès lors que M. F...n'a pas repris contact avec les services préfectoraux postérieurement au rejet au fond de sa demande de première instance par un jugement du tribunal administratif de Besançon du 21 décembre 2015, que sa présence en France est récente, qu'il est célibataire et sans enfant et que l'essentiel de ses attaches sont en Algérie ;
- aucun des moyens soulevés par le requérant ne sont de nature à établir l'existence d'un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée.
Vu la requête numéro 16NC00498 enregistrée le 3 janvier 2016 par laquelle M. F...demande l'annulation de l'arrêté du préfet du Jura du 10 septembre 2015 refusant de lui délivrer un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination.
Vu la décision du 1er septembre 2015 par laquelle la présidente de la cour a désigné M. Marino, président de chambre, pour statuer sur les demandes de référé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Maroc, signé le 9 octobre 1987, en matière de séjour et d'emploi ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n°79-587 du 11 juillet 1979 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le juge des référés a, au cours de l'audience publique, présenté son rapport et entendu Me C..., représentant M.F..., ainsi que ce dernier et son épouse, lesquels ont repris oralement le contenu de leurs écritures.
La clôture de l'instruction a été prononcée à l'issue de l'audience.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :
1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision (...) " .
En ce qui concerne la fin de non-recevoir opposée par le préfet du Jura :
2. Considérant que, contrairement à ce que soutient le préfet, M. F...ne demande la suspension que de la décision du 10 juin 2015 portant refus de renouvellement de son titre de séjour en qualité de conjoint d'un ressortissant français et non des autres décisions contenues dans l'arrêté pris à son encontre le même jour ; qu'une telle décision entre dans le champ des dispositions de l'article L. 521-1 du code précité ; que, par suite, le préfet n'est pas fondé à soutenir que la requête serait irrecevable ;
En ce qui concerne l'urgence :
3. Considérant que l'urgence justifie que soit prononcée la suspension d'un acte administratif lorsque l'exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre ; qu'il appartient au juge des référés, saisi d'une demande de suspension d'une décision refusant la délivrance d'un titre de séjour, d'apprécier l'urgence compte tenu de l'incidence immédiate du refus de titre de séjour sur la situation concrète de l'intéressé ; que cette condition d'urgence est en principe remplie en cas de retrait ou de refus de renouvellement d'un titre de séjour ;
4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. B...F..., ressortissant marocain, a épousé le 7 mars 2013 Mme E...D..., de nationalité française et qu'il a été mis en possession d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " l'autorisant à travailler valable du 9 octobre 2014 au 8 octobre 2015 ; qu'il est titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée conclu au mois d'octobre 2014 ; que, par la décision attaquée du 10 septembre 2015, le préfet du Jura a refusé de renouveler le titre de séjour de l'intéressé ; que si, par un jugement du 21 décembre 2015 dont M.F... relève appel par une requête distincte, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant notamment à l'annulation de cette décision, il ressort des pièces du dossier que, en exécution d'une ordonnance du juge des référés de ce même tribunal en date du 13 novembre 2015, le préfet avait délivré à M. F...une autorisation provisoire de séjour dont la validité expirait le 15 mai 2016 et qui lui a permis de travailler jusqu'à cette date ; que, par suite, compte tenu des effets de la décision attaquée du 10 septembre 2015 sur la situation de M. F...et de la circonstance que les revenus générés par l'activité professionnelle de son épouse sont trop faibles pour subvenir aux besoins du couple, la condition d'urgence doit être regardée comme remplie à la date à laquelle le requérant a saisi le juge des référés de la cour administrative d'appel de Nancy ;
En ce qui concerne le doute sérieux :
5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicable aux ressortissants marocains : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 4° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 313-12 du même code : " (...) Le renouvellement de la carte de séjour délivrée au titre du 4° de l'article L. 313-11 est subordonné au fait que la communauté de vie n'ait pas cessé, sauf si elle résulte du décès du conjoint français (...) ".
6. Considérant que pour refuser de renouveler le titre de séjour de M. F...au motif que la communauté de vie avec son épouse avait cessé, le préfet s'est fondé sur les déclarations faites en préfecture par Mme D...épouse F...au début de l'année 2015 faisant état de son intention d'engager une procédure de divorce et sur les conclusions d'une enquête administrative réalisée au cours du mois d'août 2015 par la direction départementale de la sécurité publique du Jura au terme desquelles l'identité du couple n'apparaissait ni sur les interphones ni sur les boites aux lettres et qu'un voisin aurait indiqué ne pas connaître le couple ; que, toutefois, d'une part, il ressort des dires de M. F...et de son épouse au cours de l'audience publique que la déclaration faite par Mme D...était uniquement motivée par la violente altercation qu'elle avait eue avec son époux la veille, mais qu'aucune démarche de séparation n'a jamais été entamée ; que, d'autre part, les enquêteurs ne se sont rendus qu'une seule fois au domicile auquel M. F...réside durant la semaine à Lons le Saunier en raison de ses obligations professionnelles, et n'ont pas rencontré ce dernier ; qu'en revanche, aucune enquête n'a été effectuée à l'adresse du logement occupé par son épouse à Saint Claude, commune où elle exerce son activité professionnelle et où le couple vivait en permanence avant que M. F...ne trouve un travail à Lons le Saunier, et dont le requérant fait valoir qu'il s'agit du domicile conjugal qu'il rejoint chaque fin de semaine ; que ses dires sont conformes aux attestations fournies ; qu'il ressort également des pièces du dossier que les époux ont un compte bancaire commun et que le bail du logement de Lons le Saunier a été conclu à leurs deux noms le 1er octobre 2014 ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de ce que la cessation de la communauté de vie ne peut, contrairement à ce que soutient le préfet, être regardée comme avérée, est de nature à créer un doute sérieux sur la légalité du refus de séjour contesté ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
7. Considérant que la présente ordonnance implique nécessairement que M. F...soit mis en possession d'une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler jusqu'au jugement de sa requête au fond ; qu'il y a lieu d'enjoindre au préfet du Jura d'y pourvoir dans un délai de 8 jours à compter de la notification de la présente ordonnance ;
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Considérant qu'il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante, le versement à M. F...d'une somme de 1000 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
ORDONNE :
Article 1er : L'exécution de la décision du préfet du Jura en date du 10 septembre 2015 portant refus de renouveler le titre de séjour de M. F...est suspendue.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Jura de délivrer à M.F..., dans un délai de huit jours à compter de la notification de la présente ordonnance, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler jusqu'au jugement de la requête n° 15NC00498.
Article 3 : L'Etat versera à M. F...une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à Kamal Janati Idrissi et au préfet du Jura.
Copie sera adressée au ministre de l'intérieur.
Fait à Nancy le 1er juin 2016.
Le juge des référés,
Signé : Y. Marino
La greffière,
Signé : F. Dupuy
La République mande et ordonne au préfet du Jura en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
O. Bailly
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N° 16NC00890