Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 8 juin 2015, le département de la Loire-Atlantique, représenté par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 9 avril 2015 ;
2°) de rejeter les demandes présentées par MmeC... devant le tribunal administratif de Nantes ;
3°) de mettre à la charge de Mme C...le versement d'une somme de 2 500 euros par application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- en vertu des articles L. 421-3 et L. 421-6 du code de l'action sociale et des familles, le président du conseil général doit garantir la sécurité, la santé et l'épanouissement des mineurs confiés à une famille d'accueil ;
- l'existence d'une enquête pénale pour maltraitance sur mineure, quand bien même elle n'a pas abouti à une condamnation en raison de la rétractation de ses aveux par la victime, suffit à démontrer, en raison du doute raisonnable persistant, que les conditions d'accueil ne présentent pas les garanties requises ; la jurisprudence du Conseil d'Etat met en oeuvre le principe de précaution dans l'appréciation du risque pesant sur le mineur accueilli ;
- le département n'était pas tenu de procéder à des investigations supplémentaires dès lors que l'enquête pénale, qui a été réitérée, suffisait ;
- les agents du département, comme le juge pour enfants et le tribunal correctionnel, qui ont débouté M. C...de son action contre M et sa mère du chef d'accusation de dénonciation mensongère à l'autorité judiciaire, sont convaincus de la véracité des faits initialement dénoncés par la jeune fille ;
- les décisions contestées ne sont pas entachées d'erreur d'appréciation ;
- il a été justifié de la compétence du signataire de ces décisions ;
- la procédure préalable à ces décisions s'est déroulée dans le respect des textes et des droits de la défense de MmeC... ;
- les décisions contestées sont suffisamment motivées.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 octobre 2015, Mme E...C...conclut au rejet de la requête et demande de mettre à la charge du département de la Loire-Atlantique le versement d'une somme de 2 000 euros par application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient qu'aucun des moyens soulevés par le département de la Loire-Atlantique n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'action sociale et des familles ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a décidé que l'audience se poursuivrait hors la présence du public en application des dispositions de l'article L. 731-1 du code de justice administrative.
Ont été entendus au cours de l'audience :
- le rapport de Mme Loirat, président-assesseur,
- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public,
- et les observations de MeD..., représentant le département de la Loire-Atlantique.
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme C... a, dans le cadre de ses fonctions d'assistante familiale agréée auprès du département de la Loire-Atlantique, accueilli à son domicile un premier enfant à partir du 18 décembre 1998 ainsi qu'un deuxième enfant à partir du 6 juillet 2006 ; que par décision du 31 août 2011, le président du conseil général de Loire-Atlantique a suspendu l'agrément d'assistante familiale de Mme C..., et qu'après avis de la commission consultative paritaire départementale du 8 novembre 2011, il a prononcé le retrait de cet agrément par une décision du 13 décembre 2011 et décidé de la licencier par une décision du 27 janvier 2012 ; que par la présente requête, le département de la Loire Atlantique relève appel du jugement n° 1201232, 1201235 du 9 avril 2015 par lequel le tribunal administratif de Nantes a annulé ces deux décisions ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 421-2 du code de l'action sociale et des familles : " L'assistant familial est la personne qui, moyennant rémunération, accueille habituellement et de façon permanente des mineurs et des jeunes majeurs de moins de vingt et un ans à son domicile. Son activité s'insère dans un dispositif de protection de l'enfance, un dispositif médico-social ou un service d'accueil familial thérapeutique. Il exerce sa profession comme salarié de personnes morales de droit public ou de personnes morales de droit privé dans les conditions prévues par les dispositions du présent titre ainsi que par celles du chapitre III du présent livre, après avoir été agréé à cet effet. / L'assistant familial constitue, avec l'ensemble des personnes résidant à son domicile, une famille d'accueil " ; qu'aux termes de l'article L. 421-3 du même code : " ... L'agrément est accordé (...) si les conditions d'accueil garantissent la sécurité, la santé et l'épanouissement des mineurs et majeurs de moins de vingt et un ans accueillis, en tenant compte des aptitudes éducatives de la personne... " ; que l'article L. 421-6 de ce code prévoit que : " ...Si les conditions de l'agrément cessent d'être remplies, le président du conseil départemental peut, après avis d'une commission consultative paritaire départementale, modifier le contenu de l'agrément ou procéder à son retrait. En cas d'urgence, le président du conseil départemental peut suspendre l'agrément. Tant que l'agrément reste suspendu, aucun enfant ne peut être confié. / Toute décision de retrait de l'agrément, de suspension de l'agrément ou de modification de son contenu doit être dûment motivée et transmise sans délai aux intéressés... " ;
3. Considérant qu'il résulte de ces dispositions qu'il incombe au président du conseil général de s'assurer que les conditions d'accueil garantissent la sécurité, la santé et l'épanouissement des enfants accueillis et de procéder au retrait de l'agrément si ces conditions ne sont plus remplies ; qu'à cette fin, dans l'hypothèse où il est informé de suspicions de comportements susceptibles de compromettre la santé, la sécurité ou l'épanouissement d'un enfant, notamment de suspicions d'agression sexuelle, de la part du bénéficiaire de l'agrément ou de son entourage, il lui appartient de tenir compte de tous les éléments portés à la connaissance des services compétents du département ou recueillis par eux et de déterminer si ces éléments sont suffisamment établis pour lui permettre raisonnablement de penser que l'enfant est victime des comportements en cause ou risque de l'être ;
4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme C...bénéficie d'un agrément en qualité d'assistante familiale pour l'accueil d'un enfant depuis le mois de février 1997, puis pour l'accueil de deux enfants à compter du 3 novembre 2005 ; que le département de la Loire-Atlantique lui a confié l'enfant M, alors âgée de cinq ans, le 18 décembre 1998 puis l'enfant G le 6 juillet 2006 ; que le 17 septembre 2010 l'enfant M a été retirée de la famille d'accueil suite à la plainte déposée à la gendarmerie par sa mère pour des faits de viols perpétrés par M.C... ; que lors de l'enquête pénale la jeune fille a décrit un chantage sexuel mené par ce dernier pour qu'elle puisse obtenir du crédit de téléphone ou d'internet ; que cette enquête pénale n'a finalement pas abouti par suite de la rétractation de ses aveux par la victime, lors d'une confrontation seule à seule avec un membre féminin de la brigade de gendarmerie personnellement convaincue que la jeune fille se livrait à une affabulation ; que l'enfant M ayant toutefois réitéré ses accusations auprès des agents du département, il a été procédé à une seconde enquête à partir du mois d'août 2011 avec perquisition au domicile des épouxC..., révèlant que M. C...est grand consommateur de produits pornographiques mettant en scène notamment de très jeunes femmes ; qu'il ressort par ailleurs des conclusions de deux expertises psychologiques, que si la jeune fille a un potentiel intellectuel limité, elle n'est toutefois pas mythomane, et qu'une expertise médicale du 8 juin 2011 révèle qu'elle présente un état psychique compatible avec ses allégations et qu'elle a eu des rapports sexuels ; que le département de la Loire-Atlantique a alors suspendu l'agrément de Mme C...le 31 août 2011 avec effet au 5 septembre suivant, en se fondant sur les problèmes relationnels récurrents du service avec elle, se traduisant notamment par l'impossibilité de discuter du projet éducatif des enfants accueillis, le rôle inapproprié de M.C..., lequel, en invalidité et constamment à la maison, joue le rôle de confident auprès de M, pour le compte de laquelle il a notamment acheté une pilule du lendemain, ainsi que sur la pauvreté du trousseau de la jeune fille ; que le président du conseil général a par la suite retiré l'agrément de Mme C...par décision du 13 décembre 2011, puis procédé à son licenciement le 27 janvier 2012 ; que la seconde enquête pénale a conclu aux mêmes fins que la précédente et que M et sa mère ont été renvoyées respectivement devant le juge pour enfants et le tribunal correctionnel pour répondre du chef de dénonciation calomnieuse, suite au dépôt de plainte de M.C... ; que le tribunal pour enfants de Nantes a rejeté comme irrecevable la constitution de partie civile des époux C...en indiquant que " si l'enquête menée relative aux faits de viols dénoncés par M n'a pas permis de démontrer la réalité de l'infraction, il reste cependant possible que M ait été victime de tels faits " ;
5. Considérant que les décisions contestées de retrait de l'agrément d'assistante familiale de Mme C...et de licenciement, sont fondées non seulement sur les soupçons de viols sur mineure par l'époux, dont il résulte de ce qui précède qu'ils présentent un caractère plausible compte tenu du rôle inapproprié joué par M. C...auprès de la jeune fille et de son addiction à la pornographie, mais également en raison du manque de collaboration de Mme C...avec le service et de ses critiques fréquentes à l'égard des travailleurs sociaux, de son manque d'adhésion au projet individualisé des enfants et du maintien des jeunes accueillis dans une relation de dépendance, et enfin, en raison des doutes du service quant à la gestion des fonds versés par le département pour l'habillement des jeunes confiés ; qu'en estimant que dans les circonstances de l'espèce, les conditions d'accueil propres à garantir la sécurité, la santé et l'épanouissement des enfants accueillis n'étaient plus réunies, le président du conseil général n'a pas commis d'erreur de fait ni d'erreur d'appréciation ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le département de la Loire-Atlantique est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé sa décision du 13 décembre 2011 prononçant le retrait de l'agrément d'assistante familiale de Mme C...et sa décision du 27 janvier 2012 décidant de licencier l'intéressée ;
7. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés par Mme C...devant le tribunal administratif ;
8. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que MmeA..., signataire des décisions contestées, et vice-président déléguée à l'enfance, aux familles et à l'égalité des droits, avait reçu une délégation de signature du président du conseil général par arrêté du 11 avril 2011, dument publié au recueil des actes administratifs du département, l'habilitant à signer les décisions de retrait d'agrément et de licenciement ; que le moyen tiré de l'incompétence du signataire des décisions contestées doit, dès lors, être écarté ;
9. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article R. 421-27 du code de l'action sociale et des familles : " La commission consultative paritaire départementale, prévue par l'article L. 421-6, comprend, en nombre égal, des membres représentant le département et des membres représentant les assistants maternels et les assistants familiaux agréés résidant dans le département. / Le président du conseil général fixe par arrêté le nombre des membres de la commission qui peut être de six, huit ou dix en fonction des effectifs des assistants maternels et des assistants familiaux agréés résidant dans le département " ; que le département de la Loire-Atlantique fait valoir sans être sérieusement contredit que les cinq représentants des assistants maternels et familiaux qui ont siégé à la commission consultative le 8 novembre 2011 étaient tous agréés ;
10. Considérant, en troisième lieu, que le président du conseil général a, par courrier du 18 octobre 2010, informé Mme C...de ce que la commission paritaire consultative départementale avait été saisie pour avis sur le projet de retrait de son agrément d'assistante familiale et mentionnait l'ensemble des motifs le conduisant à envisager ce retrait ; qu'en outre, le département de la Loire-Atlantique soutient sans être sérieusement contredit que les représentants élus des assistants maternels et familiaux appelés à siéger à la séance du 8 novembre 2011 ont été convoqués dans le délai prévu par les dispositions de l'article R. 421-23 du code de l'action sociale et des familles et que les motifs de la saisine de la commission ainsi que l'identité et les coordonnées des assistants maternels mis en cause leur ont été communiqués par courriel du 21 octobre 2011 ;
11. Considérant, en quatrième lieu, que la décision contestée prononçant le retrait de l'agrément d'assistante familiale de Mme C...comporte un énoncé suffisant des motifs de droit et de fait sur lesquels elle se fonde ;
12. Considérant, en cinquième et dernier lieu, qu'aux termes de l'article L. 423-8 du code de l'action sociale et des familles : " En cas de retrait d'agrément, l'employeur est tenu de procéder au licenciement par lettre recommandée avec demande d'avis de réception " ; qu'il résulte de ces dispositions que le président du conseil général était placé en situation de compétence liée, et que, par suite, le moyen soulevé par MmeC..., tiré du défaut de l'entretien préalable à son licenciement prévu par les dispositions de l'article L. 423-10 du même code, ne peut que rester sans incidence sur la légalité de la décision contestée de licenciement ;
13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les demandes de Mme C...tendant à l'annulation de la décision du 13 décembre 2011 par laquelle le président du conseil général de Loire-Atlantique a retiré son agrément d'assistante familiale et de la décision du 27 janvier 2012 par laquelle il a décidé de la licencier, doivent être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
14. Considérant que dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de laisser les frais exposés à l'occasion de l'instance et non compris dans les dépens à la charge des parties ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1201232, 1201235 du 9 avril 2015 du tribunal administratif de Nantes est annulé.
Article 2 : Les demandes de Mme C...devant le tribunal administratif de Nantes et ses conclusions devant la cour tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions du département de la Loire-Atlantique tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au département de la Loire-Atlantique et à Mme E... C....
Délibéré après l'audience du 7 juin 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- Mme Loirat, président-assesseur,
- Mme Rimeu, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 28 juin 2016.
Le rapporteur,
C. LOIRATLe président,
L. LAINÉ
Le greffier,
V. DESBOUILLONS
La République mande et ordonne au préfet de la Loire-Atlantique en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15NT01763