Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 22 juillet et 29 décembre 2015, Mme E...épouse C...A..., représentée par MeD..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 27 mai 2015 ;
2°) d'annuler la décision du 17 décembre 2012 du ministre de l'intérieur ;
3°) d'enjoindre au ministre de lui délivrer une carte d'identité française ;
4°) de condamner le ministre aux dépens.
Elle soutient que :
- la décision contestée n'est pas motivée ;
- elle méconnait les stipulations de l'article 34 de la convention de Genève ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation dès lors que le préfet oppose un motif qui n'avait pas été évoqué dans la décision de 2008 lui refusant l'accès à la nationalité française, que ses enfants et son mari sont français, qu'elle fait de son mieux pour s'intégrer économiquement malgré la difficulté du contexte économique, que son mari ne peut plus travailler en raison d'un problème de santé, qu'elle a travaillé en contrat à durée déterminée, qu'elle cherche à s'assimiler et souhaite contribuer au bien-être de sa famille, que son mari a été reconnu comme personne handicapée avec un taux d'invalidité supérieur à 80 %, qu'elle ne peut le laisser seul, qu'il devrait bénéficier de la prestation de compensation du handicap, que le salaire de sa fille complète les ressources de la famille, qu'elle parle le français et qu'elle est parfaitement intégrée à la communauté française.
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 janvier 2016, le ministre conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Mme B...E...épouse C...A...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 novembre 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention de Genève du 28 juillet 1951 ;
- le code civil ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;
- le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 relatif aux déclarations de nationalité, aux décisions de naturalisation, de réintégration, de perte, de déchéance et de retrait de la nationalité française ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Piltant, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant qu'aux termes de l'article 21-15 du code civil : " L'acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique résulte d'une naturalisation accordée par décret à la demande de l'étranger " ; qu'aux termes de l'article 48 du décret susvisé du 30 décembre 1993 relatif aux déclarations de nationalité, aux décisions de naturalisation, de réintégration, de perte, de déchéance et de retrait de la nationalité française : " Si le ministre chargé des naturalisations estime qu'il n'y a pas lieu d'accorder la naturalisation ou la réintégration sollicitée, il prononce le rejet de la demande. Il peut également en prononcer l'ajournement en imposant un délai ou des conditions (...) " ; qu'en vertu de ces dispositions, il appartient au ministre de porter une appréciation sur l'intérêt d'accorder la nationalité française à l'étranger qui la sollicite ; que, dans le cadre de cet examen d'opportunité, il peut légalement prendre en compte le degré d'insertion professionnelle du postulant ainsi que le caractère suffisant et durable des ressources lui permettant de rester en France ;
2. Considérant que, pour ajourner à deux ans, par la décision contestée du 17 décembre 2012, la demande de naturalisation de Mme E...épouse C...A..., le ministre de l'intérieur s'est fondé sur le fait que la requérante n'avait pas réalisé pleinement son insertion professionnelle, qu'elle ne disposait pas de ressources suffisantes et stables et que ces ressources étaient tirées, pour l'essentiel, de prestations sociales ;
3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 27 du code civil : " Toute décision déclarant irrecevable, ajournant ou rejetant une demande d'acquisition, de naturalisation ou de réintégration par décret ainsi qu'une autorisation de perdre la nationalité française doit être motivée. " ; que la décision contestée du 17 décembre 2012 mentionne les éléments de fait et de droit sur lesquels le ministre s'est fondé ; que, dès lors, le moyen tiré du défaut de motivation de la décision contestée manque en fait et doit être écarté ;
4. Considérant, en deuxième lieu, qu'à la date de la décision contestée, Mme E...épouse C...A..., réfugiée soudanaise entrée en France en 2003, exerçait la fonction d'agent de propreté sous couvert d'un contrat à durée déterminée à temps partiel du 21 septembre 2012 au 31 janvier 2013, lui procurant un salaire mensuel moyen d'environ 410 euros ; qu'il ressort des pièces du dossier que le foyer a déclaré 9 964 euros en 2009 et 12 341 euros de revenus en 2010, montants insuffisants pour subvenir aux besoins d'une famille composée de six personnes dont quatre enfants mineurs, ce que confirme le fait que le foyer bénéficiait de l'aide personnalisée au logement, du complément familial et du revenu de solidarité active pour un montant total de 1 220,96 euros en décembre 2012 ; que, par suite, eu égard au large pouvoir dont il dispose pour accorder ou refuser la nationalité à l'étranger qui la sollicite, le ministre chargé des naturalisations n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en ajournant à deux ans la demande de naturalisation de Mme E...épouse C...A... ;
5. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 34 de la convention de Genève relative au statut des réfugiés : " Les Etats contractants faciliteront, dans toute la mesure du possible, l'assimilation et la naturalisation des réfugiés. Ils s'efforceront notamment d'accélérer la procédure de naturalisation (...) " ; que cet article ne crée pas pour l'Etat français l'obligation d'accueillir les demandes de naturalisation présentées par les personnes bénéficiant du statut de réfugié ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations doit être écarté ;
6. Considérant, en quatrième lieu, que Mme E...épouse C...A...ne peut se prévaloir utilement de la circulaire du 16 octobre 2012 du ministre de l'intérieur, qui est dépourvue de caractère réglementaire ;
7. Considérant, en cinquième et dernier lieu, que les circonstances que le motif de la décision contestée n'a pas été opposé dans une précédente décision refusant à la requérante l'accès à la nationalité française, que les enfants et le mari de la requérante sont français, que le contexte économique est difficile, que son mari est reconnu comme personne handicapée, que sa fille participe aux charges du foyer, qu'elle parle le français et qu'elle est parfaitement intégrée à la communauté française sont sans incidence sur la légalité de la décision contestée eu égard au motif sur lequel elle se fonde ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme E...épouse C...A...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
9. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions de la requête à fin d'annulation, n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, dès lors, les conclusions à fin d'injonction présentées par la requérante ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur les dépens :
10. Considérant que les conclusions tendant à ce que l'Etat soit condamné aux dépens ne peuvent qu'être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme E...épouse C...A...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...E...épouse C...A...et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 10 juin 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Lenoir, président de chambre,
- M. Francfort, président-assesseur,
- Mme Piltant, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 1er juillet 2016.
Le rapporteur,
Ch. PILTANTLe président,
H. LENOIR
Le greffier,
Ch. GOY
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15NT02224