Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 23 janvier 2015, MmeA..., représentée par MeC..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 6 mai 2014 ;
2°) d'annuler la décision du 25 novembre 2011 de la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur, à titre principal, de délivrer à chacun de ses enfants le visa sollicité dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de cent euros par jour de retard, à titre subsidiaire, de procéder à un réexamen de la situation de ses enfants, dans le même délai et sous la même astreinte ;
4°) de mettre une somme de 2 000 euros à la charge de l'Etat au profit de son conseil au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, son conseil s'engageant à renoncer à percevoir la part contributive de l'Etat.
Elle soutient que :
- les premiers juges ont entaché leur décision d'une erreur manifeste d'appréciation en refusant de reconnaître à ses enfants Saïd et Youssouf la qualité de descendants à charge ;
- sa situation personnelle a également été mal appréciée ;
- elle fait régulièrement parvenir à Saïd et à Youssouf des versements d'argent ;
- elle dispose de ressources financières suffisantes lui permettant de prendre en charge ses enfants ;
- ses enfants restent dépendants d'elle financièrement ;
- les premiers juges ont également mal apprécié la situation de son fils Karim ;
- le jugement supplétif remis à l'appui de la demande de visa était entaché d'une simple erreur matérielle ;
- un nouveau jugement supplétif est produit ;
- les documents d'état-civil produits doivent être regardés comme faisant foi dès lors qu'ils sont dépourvus de toute anomalie ;
- les pièces qu'elle produit démontrent l'existence d'une situation de possession d'état ;
- la décision litigieuse méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision litigieuse méconnaît les dispositions de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 avril 2015, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Le ministre fait valoir qu'aucun des moyens d'annulation soulevés par la requérante n'est fondé.
Par ordonnance du 3 mars 2016, la clôture d'instruction a été fixée au 1er avril 2016 à 12 heures.
Mme A...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 novembre 2014.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Mony a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que Mme A...relève appel du jugement du 6 mai 2014 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa requête tendant à l'annulation de la décision du 25 novembre 2011 par laquelle la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France a confirmé le refus opposé aux demandes de visa déposées par ses enfants allégués ;
Sur les conclusions en annulation :
2. Considérant que, lorsqu'elle est saisie d'un recours dirigé contre une décision diplomatique ou consulaire refusant la délivrance d'un visa de long séjour à un ressortissant étranger qui fait état de sa qualité de descendant à charge d'un ressortissant français, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France peut légalement fonder sa décision de rejet sur la circonstance que l'intéressé ne saurait être regardé comme étant à la charge de son ascendant dès lors qu'il dispose de ressources propres, que son ascendant de nationalité française ne pourvoit pas régulièrement à ses besoins ou ne justifie pas des ressources nécessaires pour le faire ;
3. Considérant, en premier lieu, que Mme A...soutient que les premiers juges ont improprement apprécié la réalité de la situation en jugeant qu'elle ne démontrait pas que ses enfants Saïd, Youssouf et Karim demeuraient toujours financièrement à sa charge ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que si l'intéressée dispose effectivement d'un emploi à durée indéterminée, celui-ci, s'agissant d'un emploi à temps non complet, ne lui rapporte que des revenus très modestes, oscillant entre 500 et 700 euros mensuels, alors même que Mme A...est déjà en charge d'un foyer de cinq enfants et perçoit le revenu minimum d'insertion (RSA) ; que la circonstance que l'intéressée ne vive effectivement pas seule, comme l'a fait valoir à tort l'administration, mais en concubinage, apparaît sans incidence sur l'appréciation de sa capacité financière dès lors qu'elle ne fournit aucun élément relatif aux revenus qui seraient procurés au foyer par son compagnon ; qu'aucun élément ne permet par ailleurs d'établir de façon non équivoque que ses enfants seraient, ainsi que l'affirme MmeA..., dans un état de totale dépendance financière vis-à-vis d'elle-même, les virements financiers dont elle fait état étant, pour la plupart, de faible montant et versés de manière aléatoire et, au surplus, n'ont été opérés, qu'à partir de septembre 2009, son fils Youssouf n'en bénéficiant lui-même que depuis octobre 2013, soit postérieurement à la décision attaquée ; que les différentes attestations de tiers produites par MmeA..., s'ils témoignent de la réalité des envois d'argent, ne suffisent pas à démontrer l'état de dépendance des enfants vis-à-vis de la seule MmeA..., son fils Youssouf résidant en outre, selon l'adresse figurant sur les envois d'argent qui lui ont été adressés, à Madagascar ; que c'est ainsi sans erreur manifeste d'appréciation que la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France a pu rejeter le recours formé par Mme A...contre les refus de visas qui lui avaient été initialement opposés par les autorités consulaires françaises aux Comores ;
4. Considérant, en second lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que les différents documents produits en appel par Mme A...concernant ses enfants, qu'il s'agisse des actes d'état-civil ou des différents jugements supplétifs dont elle se prévaut, présentent toujours des anomalies de nature à faire douter de leur authenticité, en particulier en ce qui concerne les jugements supplétifs du 12 mars 2011, en raison des mentions y figurant, ces jugements portant les mêmes numéros que ceux en date du 16 février 2009 dont Mme A...a elle-même reconnu qu'ils résultaient d'une erreur des services d'état-civil, et étant toujours revêtus d'un cachet indiquant la date du 21 février 2009 ; que la circonstance que l'administration française n'a pas demandé de levée d'actes est dès lors sans influence puisque le caractère apocryphe desdits documents est démontré par ces faits ; que, par ailleurs, si Mme A...peut, grâce aux éléments qu'elle produit et contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, se prévaloir d'une possession d'état, cette seule circonstance apparaît sans incidence sur la légalité du refus opposé aux demandes de visa déposées pour les intéressés dès lors que, comme précédemment indiqué, ces derniers ne peuvent, eu égard aux éléments fournis par MmeA..., être regardés comme étant des enfants à charge ;
5. Considérant, en dernier lieu, que les décisions attaquées ne sont pas à l'origine de la séparation de Mme A...d'avec ses enfants, laquelle remonte à 1996, année où l'intéressée a rejoint la France ; que la situation familiale ainsi créée résulte de la seule volonté de l'intéressée qui ne peut ainsi sérieusement soutenir ni que ces décisions portent une atteinte disproportionnée à son droit de mener une vie privée et familiale normale, ni que l'intérêt supérieur de ses enfants a été méconnu, la demande de visa les concernant ayant été déposée le 22 février 2011, à un moment où chacun d'entre eux était majeur ; que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la conférence internationale relative aux droits de l'enfant ne peut ainsi qu'être écarté ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions en injonction :
7. Considérant que le présent arrêt rejette les conclusions présentées par Mme A...et n'appelle de ce fait aucune mesure particulière en vue de son exécution ; qu'il y a lieu, par suite, de rejeter les conclusions afférentes présentées par la requérante ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse à Mme A...la somme que celle-ci réclame au titre des frais exposés par elle non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A...et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 27 mai 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Lenoir, président de chambre,
- M. Francfort, président-assesseur,
- M. Mony, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 17 juin 2016.
Le rapporteur,
A. MONYLe président,
H. LENOIR
Le greffier,
F. PERSEHAYE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15NT00208