Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 14 novembre 2015, M. B..., représenté par Me Bertrand, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1503435 du 16 octobre 2015 du tribunal administratif de Melun ;
2°) d'annuler l'arrêté du 3 avril 2015 du préfet du Val-de-Marne ;
3°) d'enjoindre au préfet du Val-de-Marne de lui délivrer une carte de séjour temporaire, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative dans le délai de trois mois et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'État le versement d'une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'arrêté litigieux a été pris par une autorité incompétente ;
- il est insuffisamment motivé ;
- il est entaché d'un vice de procédure faute pour le préfet du Val-de-Marne d'avoir saisi la commission du titre de séjour alors qu'il réside habituellement en France depuis plus de dix ans ;
- il a été pris au terme d'une procédure irrégulière car le préfet, qui n'a pas accusé réception de sa demande conformément aux dispositions de l'article 19 de la loi du 12 avril 2000, ne lui a pas demandé de la compléter conformément aux dispositions de l'article 2 du décret du 6 juin 2001 ;
- il est entaché d'une erreur de droit, le préfet ayant fondé sa décision sur l'article 7 ter d de l'accord franco-tunisien alors qu'il lui appartenait d'examiner sa demande au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; la substitution de base légale n'est pas possible puisque le pouvoir d'appréciation de l'administration n'est pas le même ; il n'avait pas déposé de demande de titre de séjour " salarié " et le préfet ne pouvait en tout état de cause lui opposer l'absence d'autorisation de travail ;
- l'arrêté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences sur sa situation personnelle.
La requête a été communiquée au préfet du Val-de-Marne, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord du 17 mars 1988 entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République de Tunisie en matière de séjour et de travail ;
- l'accord cadre relatif à la gestion concertée des migrations entre la France et la Tunisie du 28 avril 2008 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
- le décret n° 2001-492 du 6 juin 2001 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Pellissier,
- et les observations de Me Bertrand, avocat de M.B....
1. Considérant que M.B..., ressortissant tunisien né en janvier 1988 et entré en France selon ses déclarations en août 2004, a demandé le 24 mars 2015 à la sous-préfecture de Nogent-sur-Marne la régularisation de sa situation administrative ; que, par un arrêté du 3 avril 2015, le préfet du Val-de-Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné ; que M. B...relève régulièrement appel du jugement du 16 octobre 2015 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté ;
2. Considérant, en premier lieu, que, par un arrêté n° 2014/3851 du 6 janvier 2014 régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial des 6-7 janvier 2014, le préfet du Val-de-Marne a donné à M. C... D..., sous-préfet de Nogent-sur-Marne et signataire de la décision contestée, délégation à effet de signer tous documents, correspondances ou décisions relevant des attributions de l'Etat dans l'arrondissement de Nogent-sur-Marne et se rapportant notamment à la police administrative et à la réglementation du séjour des étrangers ; que, contrairement à ce que soutient M.B..., cette délégation n'était pas subordonnée à l'absence ou l'empêchement d'autres autorités ; que, dès lors, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté attaqué doit être écarté ;
3. Considérant, en deuxième lieu, que l'arrêté attaqué comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement ; qu'il vise notamment l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 et l'accord-cadre du 28 avril 2008 et ses deux protocoles, ainsi que les dispositions utiles du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et mentionne que l'intéressé a présenté une demande d'admission exceptionnelle au séjour en se prévalant de la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 ; que l'attestation de dépôt de sa demande, délivrée le 24 mars 2015 à M. B... par la sous-préfecture de Nogent-sur-Marne, démontre que tel était le cadre invoqué par l'intéressé ; que si M. B... soutient qu'il avait expressément invoqué l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui n'est pas cité par l'arrêté litigieux du 3 avril 2015, il ne justifie pas, en produisant une demande manuscrite sur papier libre signée du 24 mars 2015 et qui aurait selon lui été jointe à son dossier de demande, avoir expressément sollicité le bénéfice des dispositions de cet article, qui d'ailleurs ne crée d'autre droit que celui de voir son cas soumis à la commission du titre de séjour lorsqu'il est justifié d'une résidence habituelle en France de dix ans ; qu'en tout état de cause, le préfet du Val-de-Marne ayant expressément examiné la demande de M. B... au regard de cette circonstance et précisé les années pour lesquelles sa résidence habituelle en France ne lui semblait pas établie, M. B...n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté litigieux serait insuffisamment motivé en droit ou en fait ;
4. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. " ;
5. Considérant que M. B... soutient qu'il résidait en France depuis plus de dix ans à la date de l'arrêté attaqué ; que s'il est constant qu'il s'y est maintenu après l'expiration de son visa de tourisme en août 2004 et a été pris en charge pendant quelques mois par l'aide sociale à l'enfance dans le département du Tarn-et-Garonne, il a fait l'objet le 13 février 2006 d'un refus de titre de séjour assorti d'une invitation à quitter le territoire français ; que, postérieurement à cette date, M. B...produit des bulletins du centre hospitalier de Montauban mentionnant quatre consultations de novembre 2007 à août 2008, des reçus de son avocat attestant de versements en espèces, puis un contrat de travail signé à Montauban le 15 août 2008 et plusieurs bulletins de salaire correspondant à la période d'août 2008 à septembre 2010, qui ne sont corroborés par aucun autre élément du dossier comme des déclarations fiscales ou des relevés de compte bancaire, alors en outre que M. B...a demandé sa domiciliation auprès d'une association à Paris en juillet 2010 ; que le 13 octobre 2011, la demande d'aide médicale d'Etat qu'il avait déposée a été rejetée au motif qu'il n'établissait pas avoir été présent en France de façon continue pendant les trois mois précédant sa demande du 9 mai 2011 ; que dans ces conditions, compte tenu du petit nombre et du caractère peu probant des pièces déposées pour l'ensemble de la période de l'année 2008 à l'année 2011, le requérant n'établit pas le caractère habituel de sa résidence habituelle en France depuis plus de dix ans à la date du 3 avril 2015 ; que, par suite, le moyen tiré du défaut de saisine de la commission du titre de séjour doit être écarté ;
6. Considérant, en quatrième lieu, que M.B..., qui se prévaut des dispositions de l'article 2 du décret du 6 juin 2001, soutient que le préfet de police ne pouvait rejeter sa demande au motif qu'il n'avait pas fourni les pièces nécessaires à son instruction sans l'informer des pièces manquantes à son dossier et du délai pour les produire ; que cependant il ne ressort pas des termes de l'arrêté que la demande de titre de séjour a été rejetée au motif que le dossier de M. B... était incomplet, mais au motif qu'il ne remplissait pas les conditions d'une admission exceptionnelle au séjour car, notamment, il ne démontrait pas sa résidence habituelle en France depuis plus de dix ans ; qu'ainsi le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 2 du décret du 6 juin 2001 ne peut qu'être écarté ; que la circonstance que le préfet de police n'aurait pas accusé réception de la demande dans les conditions prévues par l'article 19 de la loi du 12 avril 2000 et informé le requérant des circonstances dans lesquelles pourrait naître une décision implicite est en tout état de cause sans incidence sur la régularité de la décision expresse prise à l'issue de l'examen cette demande ;
7. Considérant, en cinquième lieu, que l'arrêté litigieux énonce que M.B..., dès lors qu'il ne prouve pas dix ans de résidence habituelle en France, ne peut se prévaloir des dispositions de l'article 7 ter de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 ; que M. B...fait valoir qu'il n'avait pas entendu se prévaloir de ces stipulations puisque que le d) de l'article 7 ter de l'accord réserve le bénéfice d'un titre de séjour aux ressortissants tunisiens qui résidaient en France depuis plus de dix ans en 2008, mais seulement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que toutefois, comme dit au point 3 ci-dessus, il n'établit pas s'être prévalu de ces dispositions, qui ne créent d'ailleurs aucun droit au séjour, et, comme dit au point 5, il ne démontre pas dix ans de résidence habituelle en France à la date de la décision litigieuse ; qu'en outre il ne ressort d'aucune pièce du dossier ni des termes de la décision attaquée, qui constate que M. B...n'établit pas dix ans de résidence habituelle en France à la date à laquelle le préfet statue, que ce dernier se serait mépris sur la portée de la demande d'admission exceptionnelle au séjour qui lui était soumise ou aurait estimé, à tort, que les ressortissants tunisiens ne pouvaient bénéficier de la délivrance à titre exceptionnel d'une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement de l'article L. 313-14 précité ; que les moyens tirés de l'erreur de droit et du défaut d'examen doivent dès lors être écartés ;
8. Considérant, en sixième lieu, que M. B...soutient que, contrairement à ce qu'énonce la décision, il n'avait pas demandé une admission exceptionnelle au séjour en qualité de " salarié " ; qu'il n'est dès lors pas fondé à critiquer les motifs, fondés sur les stipulations de l'accord franco-tunisien, pour lesquels le préfet du Val-de-Marne a estimé ne pouvoir faire droit à une telle demande de titre de séjour " salarié " ;
9. Considérant, enfin, que M. B...soutient qu'il réside en France depuis 2004 et qu'il a tissé des liens sur le territoire national ; que, toutefois, il n'établit ni la continuité de son séjour ni l'intensité de l'insertion sociale et professionnelle qu'il invoque ; que, célibataire et sans charges de famille en France, il n'établit pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où résident ses parents, un de ses frères et deux de ses soeurs ; qu'ainsi, eu égard à l'ensemble des circonstances de l'espèce et, notamment aux conditions du séjour en France du requérant, le préfet du Val-de-Marne a pu sans commettre d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision refuser de délivrer un titre de séjour à M. B...et l'obliger à quitter la France ;
10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 3 avril 2015 ; que sa requête d'appel ne peut qu'être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, supporte les frais de procédure exposés par M.B... ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.
Article 2 : Le présent jugement sera notifié à M. A... B...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Val-de-Marne.
Délibéré après l'audience du 23 juin 2016, à laquelle siégeaient :
- Mme Pellissier, présidente de chambre,
- M. Diémert, président-assesseur,
- Mme Amat, premier conseiller.
Lu en audience publique le 7 juillet 2016.
Le président-assesseur,
S. DIÉMERTLe président de chambre,
rapporteur,
S. PELLISSIER Le greffier,
A. LOUNIS
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15PA04146