Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 23 avril 2018 et 7 décembre 2018, M.A..., représenté par MeC..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris du 20 décembre 2017 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de police du 2 juin 2017 dans sa totalité ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros à verser à son conseil sur le fondement des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'obligation de quitter le territoire français est entachée d'une erreur de fait dans la mesure où il est entré en France moins de trois mois avant la date de la décision attaquée ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 121-4-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il ne constitue pas une charge déraisonnable pour le système d'assistance sociale français ; elle est dépourvue de base légale ;
- elle est entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa vie privée et familiale ;
- la décision fixant le pays de renvoi est dépourvue de base légale, dans la mesure où l'obligation de quitter le territoire français est elle-même illégale.
Par un mémoire en défense enregistré le 25 juillet 2018, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. A...ne sont pas fondés.
M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 21 mars 2018 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Paris.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Legeai a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant roumain né en août 1996, est entré en France le 17 mai 2017 selon ses déclarations. Par arrêté du 2 juin 2017 pris sur le fondement de l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de police a constaté la caducité de son droit au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai d'un mois et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit. M. A...fait régulièrement appel du jugement du 20 décembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 2 juin 2017.
2. L'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " L'autorité administrative compétente peut, par décision motivée, obliger un ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne (...) à quitter le territoire français lorsqu'elle constate : / 1° Qu'il ne justifie plus d'aucun droit au séjour tel que prévu par les articles L. 121-1, L. 121-3 ou L. 121-4-1 (...) / L'autorité administrative compétente tient compte de l'ensemble des circonstances relatives à sa situation, notamment la durée du séjour de l'intéressé en France, son âge, son état de santé, sa situation familiale et économique, son intégration sociale et culturelle en France, et de l'intensité de ses liens avec son pays d'origine (...) ". L'article L. 121-1 du même code dispose : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, tout citoyen de l'Union européenne (...) a le droit de séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois s'il satisfait à l'une des conditions suivantes : (...) / 2° S'il dispose pour lui et pour les membres de sa famille tels que visés au 4° de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale, ainsi que d'une assurance maladie (...) ". Enfin, l'article L. 121-4-1 du même code dispose : " Tant qu'ils ne deviennent pas une charge déraisonnable pour le système d'assistance sociale, les citoyens de l'Union européenne (...) ont le droit de séjourner en France pour une durée maximale de trois mois, sans autre condition ou formalité que celles prévues pour l'entrée sur le territoire français ".
3. Pour prendre l'arrêté litigieux, le préfet de police, qui a visé l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a estimé que M. A..., citoyen de l'Union européenne, était présent sur le territoire français depuis plus de trois mois et ne justifiait d'aucune ressource, ni d'une assurance maladie. Il incombe à l'administration, en cas de contestation sur la durée du séjour d'un citoyen de l'Union européenne dont elle a décidé l'éloignement, de faire valoir les éléments sur lesquels elle se fonde pour considérer qu'il ne remplit plus les conditions pour séjourner en France. Il appartient à l'étranger qui demande l'annulation de cette décision d'apporter tout élément de nature à en contester le bien-fondé, selon les modalités habituelles de l'administration de la preuve.
4. En l'espèce, pour estimer que M. A... résidait depuis plus de trois mois en France lors de l'édiction de la décision litigieuse, le préfet de police a retenu que l'intéressé avait fait l'objet d'un arrêté portant obligation de quitter le territoire français le 20 septembre 2016, mais que cet arrêté a été annulé le 31 janvier 2017 par le tribunal administratif de Montreuil et que M. A...n'établissait pas avoir quitté la France. Toutefois, M. A..., qui a spontanément déclaré lors de son interpellation par les services de police le 2 juin 2017 être entré en France en dernier lieu le 17 mai 2017, soit moins de trois mois avant l'édiction de l'arrêté attaqué, produit en appel la preuve qu'il a voyagé par avion à cette date de Bucarest à Paris-Beauvais, avec une personne qui serait sa concubine. Ces documents sont cohérents avec les déclarations spontanées de l'intéressé et, alors même que les mémoires rédigés en première instance par un avocat font mention de la date du 6 mai 2017, constituent une contestation sérieuse de l'affirmation du préfet selon laquelle M. A... n'aurait pas quitté la France depuis septembre 2016. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressé était entré en France depuis plus de trois mois à la date de la décision litigieuse et M. A...est fondé à soutenir que le préfet n'était pas fondé à constater la caducité de son droit au séjour sur le fondement de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
5. Le préfet de police, qui a également visé dans son arrêté l'article L. 121-4-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, fait cependant valoir que M. A... ne pouvait en tout état de cause se prévaloir d'un droit à séjourner en France pour une durée de moins de trois mois dès lors que, dépourvu de ressources et d'assurance maladie, il devait être regardé comme constituant " une charge déraisonnable pour le système d'assistance sociale " au sens de cet article. Toutefois, dès lors qu'il n'est ni établi ni même allégué que M. A... a eu recours, lors de son séjour en France, au système d'assistance sociale français, il ne pouvait être considéré comme entrant dans le champ d'application des dispositions de l'article L. 121-4-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
6. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du préfet de police du 2 juin 2017. Le jugement et l'arrêté doivent être annulés.
7. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante, une somme de 1 000 euros à verser au conseil de M. A...sur le fondement des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, au titre des frais que l'intéressé aurait exposés s'il n'avait obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1714112 du 20 décembre 2017 du tribunal administratif de Paris et l'arrêté du préfet de police du 2 juin 2017 sont annulés.
Article 2 : Une somme de 1 000 euros est mise à la charge de l'Etat à verser à Me C... sur le fondement des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 13 décembre 2018, à laquelle siégeaient :
- Mme Pellissier, présidente de chambre,
- M. Diémert, président-assesseur,
- M. Legeai, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 17 janvier 2019.
Le rapporteur,
M. LEGEAILa présidente,
S. PELLISSIERLe greffier,
A. LOUNISLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18PA01367